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Rencontre avec Stuart Bullen, superviseur des VFX sur Guardians of the Galaxy Vol. 3 !

Rencontre avec Stuart Bullen, superviseur des VFX sur Guardians of the Galaxy Vol. 3 !

InterviewCinéma

La question des effets spéciaux vis-à-vis des adaptations de comics est revenue à de multiples reprises ces derniers mois dans l'actualité - et par conséquent dans nos colonnes. Entre l'émergence de l'IA générative et les dangers qu'elle représente pour des centaines de corps de métiers, et les témoignages à répétition des conditions de travail des studios de VFX collaborant avec Marvel Studios, beaucoup de choses ont pu être écrites. 

Nous vous avions rapporté au début de l'été la présence de Stuart Bullen au Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF) - ce dernier ayant été invité en sa qualité de responsable d'effets spéciaux pour de nombreuses productions à différentes échelles, mais qui là venait parler de son travail sur le récent Guardians of the Galaxy Vol. 3 de James Gunn. Grâce à l'organisation du festival et aux joies des technologies modernes, nous avons pu profiter de l'occasion pour rencontre Stuart Bullen et lui poser de nombreuses questions sur son métier. Un entretien retranscrit en entier à découvrir ci-dessous, et que vous pouvez également retrouver en audio (format podcast) sur First Print

Guardians, Marvel Studios et IA

L'interview de Stuart Bullen s'est déroulée en visio au début du mois de juillet. Nous remercions chaleureusement Marie Wanert qui a permis à l'interview d'être conduite dans les meilleures conditions possibles. N'hésitez pas à partager cet article (ou la version audio de l'interview) car il est assez rare pour nous de pouvoir aller directement à la rencontre de personnes impliquées sur ce genre de grosses productions. Bonne lecture !

A : C’est un plaisir de vous avoir sur notre podcast et notre site, Stuart Bullen. Pouvez-vous commencer par vous présenter ?

SB : Bien sûr, et c’est un plaisir d’être ici également. Donc, je travaille dans la supervision des effets spéciaux. Cela fait treize ans que je fais ce métier, ce qui couvre trente-deux projets de films et de séries télévisées. J’ai commencé à un poste d’assistant sur Batman Begins. A partir de là, j’ai gravi les échelons de ce que l’on appelle “la voie de la 2D”, à savoir, apprendre la roto, la prep, le compositing. Au bout d’un certain temps, j’ai eu l’opportunité de travailler en plateau, sur la première saison de Game of Thrones. Lorsque la série est apparue à l’époque, personne ne connaissait, donc… mais la règle d’or est de toujours dire oui. Quand quelque chose se présente, dites oui ! Donc j’y suis allé, et c’est là que j’ai commencé à superviser, à comprendre toute la mécanique de création d’un tournage depuis la partie qui se joue sur les plateaux. Ensuite, j’ai continué en suivant cette route.

A : Pouvez nous rentrer un peu dans le détail de ce en quoi consiste ce poste de “superviseur” des effets spéciaux ? 

SA : Bien sûr ! Alors, ça peut vraiment varier en fonction du projet. Le plus gros du travail que vous pouvez réaliser commence à l’étape zéro - on va d’abord vous donner un script. Et ce longtemps avant que le tournage ne commence. Vous devez étudier ce script et le morceler, parfois avec le réalisateur, parfois avec le producteur. Ça dépend de qui est disponible, et de qui a envie de participer à cette étape. Là-encore, ça peut varier d’un projet à l’autre. Et ce que vous faites, et bien, c’est d’identifier ce qui selon vous va nécessiter d’utiliser des effets spéciaux. Donc ça peut être des extensions massives dans le décor ou les environnements - pour lesquels un tournage en réel ne sera pas possible - ou bien des personnages en images de synthèses, comme dans les Gardiens de la Galaxie avec Groot, ce genre de choses. 


Alors, vous commencez par sortir ces éléments là du script et à les isoler, pour déterminer quelle sorte de procédé sera nécessaire, quelle compétence sera requise. Ensuite il y a l’étape “marchandage”. Vous allez devoir transmettre une feuille de route des effets spéciaux nécessaires par rapport au script à la compagnie de production. Et là, il y a deux solutions : soit ils reviennent vers vous et vous disent ‘bien vu, c’est exactement ce qu’on avait prévu de dépenser, le budget est bon !’ (rires) Ou bien, le plus souvent, ils vous disent que vous avez demandé trop d’argent et vous demandent s’il n’est pas possible de faire des coupes ici ou là. 

Donc vous commencez par toutes ces étapes, et ensuite elles vous emmènent vers la partie tournage. Donc quand la société de production a validé un budget et que la captation commence, vous allez venir spécifiquement pour les scènes qui nécessitent l’utilisation d’effets visuels. Pas besoin de venir voir le tournage s’il n’y a pas besoin de vous, ce serait du gâchis de temps. On vous demande de venir pour faciliter le travail, pour répondre à toutes les questions que le réalisateur, ou le premier assistant réalisateur, pourrait avoir à propos de ce que vous allez ajouter. Et aussi, il y a des choses qui peuvent arriver d’un jour sur l’autre et qui n’étaient pas prévues. Il y a toujours des inconnues. 

Et le plus important, pour les artistes de mon studio, quand nous entrons dans la post-production pour faire notre travail, c’est de collecter toutes les données possibles depuis le plateau de tournage. L’un des éléments les plus importants à avoir, c’est les données de la caméra, parce que nous devons reproduire la vraie caméra, celle qui a servi pour filmer les interprètes. Il faut que nous puissions la restituer dans notre espace virtuel. Donc avoir cette information est vital. Généralement, on a un manager des données, un poste de travail dédié au transfert des logs de caméras, qui est présent sur le plateau et qui vous aide à faire ça - parce que souvent, vous avez beaucoup de caméras sur un même espace assez étendu, donc vous ne pouvez pas tout faire tout seul. 

Donc vous récupérez ces informations, et vous aussi d’autres références qui se prennent en plateau - comme l’éclairage par exemple, les conditions de lumière. Quand vous travaillez avec une caméra numérique, vous devez être bien sûr de connaître votre source de lumière sur une scène, comment les ombres vont fonctionner… Vous allez utiliser une chrome ball et une grey ball, des outils que les gens ont certainement pu apercevoir dans beaucoup de vidéos de coulisses de tournage. Donc, ces références sont très importantes à avoir sur un plateau. Je suis là pour ça, et je suis aussi là pour, simplement, faciliter l’échange et répondre aux questions qui pourraient se poser.

Au-delà de ça… Parfois, on va attendre que le tournage soit fini, et alors commence le processus de post-production. On se retrouve dans le studio des effets numériques avec les artistes, on les brieffe sur ce qu’ils vont avoir à faire, sur ce qui a été filmé, et sur ce que le réalisateur et la société de production veulent ajouter. A partir de là, on découpe le travail et on met en route la méthode qui nous permettra d’obtenir le résultat souhaité. Mais parfois, on peut aussi commencer en parallèle du tournage. Si c’est une très grosse production, il se peut que vous deviez vous y mettre le plus tôt possible. Disons par exemple que vous travaillez sur une série qui nécessite… beaucoup d’effets aquatiques. Et des bateaux. Vous n’allez pas attendre que le tournage soit bouclé pour commencer la recherche et le développement sur ces éléments là. Vous pouvez déjà réfléchir à la méthode qui vous permettra de produire l’eau en virtuel, et à construire vos modèles pour les bateaux. Plus vous vous y prendrez tôt, meilleur sera le résultat. C’est pour ça que vous n’allez pas attendre dans ce cas de figure.

C’est pour ça qu’il faut respecter une sorte d’équilibre entre le travail en plateau et le travail qui se déroule depuis les studios d’effets numériques. Quand je suis en post-production, l’objectif primordial est de faire le suivi avec le client - et avec mes artistes. D’abord, être bien sûr que les artistes ne vont pas faire ce que le client n’a pas demandé, faire en sorte que la qualité soit au rendez-vous, que ce qu’on peut leur montrer correspond bien à leurs attentes - qu’il s’agisse de la version finale ou bien, pour cerner leurs exigences, leur présenter un brouillon, un premier rendu préliminaire mais prêt à l’emploi, et s’assurer que c’est la bonne direction à suivre de leur point de vue. S’ils vous disent oui, on peut passer à l’étape suivante et leur présenter un rendu plus définitif.

Donc je suis toujours l’intermédiaire entre ces deux parties - entre la clientèle et l’artistique, donc celui qui fait le porte voix à chaque fois, en réalité. Et en studio, on passe aussi beaucoup de temps devant un écran à faire les vérifications quotidiennes, à évaluer le travail de quelqu’un. On leur fait des retours, et on les aide en les accompagnant pour avancer vers l’étape de finalisation. Le meilleur truc à propos de ce travail, c’est que je suis entouré d’artistes vraiment talentueux. Et d’autres superviseurs pour des tâches plus localisées, qu’il s’agisse des images de synthèses ou du compositing, ou des effets, ou de l’animation… Tout ce que ça représente, il y a toujours ces gens de talent autour de vous pour vous appuyer. Ce sont eux qui me donnent une bonne image, donc chapeau à eux ! 

Et oui, donc, vous voyez le processus se poursuivre jusqu’à la toute fin. Parfois, vous allez intervenir pour faire une partie du travail vous-même. Vous allez vous mettre aux machines et créer des rendus vous aussi. Et pourquoi pas, vous avez envie d’être pertinent dans votre métier et pas juste de servir d’intermédiaire. Je pense que ça couvre, en règle générale, l’étendue du boulot de “vfx sup” !


A : Et ça fait beaucoup de travail ! En ce qui concerne le design, est-ce qu’il vous arrive de travailler avec le directeur artistique d’une production X ou Y, ou est-ce que vous allez avoir un certain degré de liberté dans la création ?

SB : C’est une bonne question. Parce que, oui, il est très recommandé d’interagir autant que possible avec le département artistique. Mais ça se joue sur deux approches, en réalité - parfois, vous n’êtes pas là sur le plateau, vous ne commencez à travailler sur un projet qu’au moment de la post-production. Les Gardiens de la Galaxie rentre dans cette catégorie. Nous n’étions pas là pendant le tournage, nous n’avions pas à nous préoccuper de cette partie. C’est seulement quand le film a été mis en boîte que nous avons commencé à plancher dessus. Et dans ce cas de figure, nous n’avons pas eu affaire avec le département artistique.

Mais dans les cas où vous êtes sur le plateau, vous devez constamment communiquer avec les équipes en charge de cette partie. Parce que… Elles sont arrivées longtemps avant que vous ne deveniez nécessaire, a priori, pour oeuvrer au design des matériaux, des équipements, des concepts utiles à construire les décors. Vous, votre rôle va se résumer à étendre ce qu’ils ont déjà créé. Étendre les décors en hauteur, par exemple, ou amplifier la dimension de ce qui est montré. Bien sûr, le département artistique ne peut pas construire une ville toute entière. Or, on a souvent besoin de montrer ça quand la caméra fait un plan aérien. Il faut donc être sûr que leur vision du monde corresponde à ce que vous allez restituer via les effets visuels. 

La pire chose qui pourrait arriver, ce serait que vous décidiez de changer le style, l’esthétique, la palette sur laquelle ils se sont décidés. Ils utilisent, vous savez, un mood board (ndlr : un tableau prototype pour les références artistiques) dans leur département, pour les couleurs, les matériaux, ils vont construire des modèles. Ils développent une sorte de style, comme pour l’architecture des bâtiments, et il faut vous y tenir quand vous vous mettez à produire à votre tour.

Donc il faut effectivement aller à leur rencontre, leur parler, se faire une idée de ce qu’ils ont en tête. Et si possible, avoir un département artistique dédié aux effets visuels qui peut vous proposer des designs précis - en somme ‘voilà ce qu’on a envie de faire, est-ce que ça vous parle, est-ce vous le sentez de votre côté ?’ Parce qu’il faut se tenir au mood board, il ne faut pas changer le style et ignorer leurs décisions, ce serait contre-productif. 


A gauche : Stuart Bullen en pleine interview !

A : Pouvez-vous nous dire comment vous en êtes venus à travailler sur les productions Marvel Studios ? L’une des plus grosses marques qui existe actuellement dans l’industrie du divertissement…

SB : Effectivement. Et c’est un vrai plaisir de pouvoir travailler avec eux - c’est déjà mon troisième projet pour Marvel, à date. Il y a eu Ms Marvel - et The Marvels, sur lequel nous oeuvrons en ce moment même - et puis Les Gardiens de la Galaxie. Il y a deux ans et demi, je n’avais encore jamais mis le pied chez eux. J’avais déjà développé pour tout un tas de productions, des petits budgets comme des gros budgets, toute la gamme des possibles. Parfois en plateau, parfois juste en post-prod’. Mais jamais chez Marvel. Ils allaient s’orienter vers RISE, le studio allemand. Eux, ils avaient déjà quatre bureaux en Allemagne, et j’avais entendu (par Lara Long, la directrice du management du département londonien) qu’ils allaient créer une autre antenne en Angleterre. Ils avaient besoin d’un superviseur des effets spéciaux, donc j’ai sauté sur l’occasion. 

C’était une belle opportunité, et je savais que RISE avait bâti un superbe partenariat avec Marvel depuis Captain America. Donc c’était l’occasion pour moi de bouger d’une société à l’autre, et de mettre un pied chez Marvel.

A : Vous diriez que par rapport à un autre studio, ils ont quelque chose de particulier ? Ou est-ce que la même méthode standard s’applique dans leur cas aussi ?

SB : Ça dépend. La différence se joue surtout au niveau de la taille des studios, je dirais. Cela peut avoir une influence sur le genre de travail que vous allez avoir à fournir. Quand j’ai commencé en tant que superviseur des effets visuels pour mon premier employeur, l’idée était de se concentrer davantage sur les rendus en deux dimensions. La partie des images de synthèses en 3D n’était pas tellement présente. Ils en faisaient, mais ce n’était pas leur spécialité. En tout cas, ils n’étaient pas particulièrement reconnus pour ça. Donc tout le travail était surtout chargé sur la partie 2D, et ça a été le cas pendant les cinq premières années, à peu près.

C’était surtout une affaire de taille. C’était une jeune compagnie qui voulait s’implanter dans l’industrie, et les coûts sont très importants pour ce genre d’entreprises donc ils ne pouvaient pas s’orienter sur une routine coûteuse - or, les CGI et les effets vont généralement nécessiter beaucoup de temps et d’argent. Donc les petites sociétés ont tendance à éviter de travailler sur des productions à grande échelle, comme celles de Marvel. A l’inverse, quand on travaille avec Framestore ou avec MPC (Moving Pictures Company), ce qui a été mon cas, on est exposés à des contrats plus importants, des budgets plus importants. Ce qui veut dire qu’on a aussi plus de temps pour réaliser le travail, et aussi à une équipe plus grande. Pour vous donner un exemple, sur Guardians j’avais 19 compositers (ndlr : dans les effets spéciaux, la tâche qui consiste à assembler les plans en images réelles et les plans virtuels incrustés sur fond vert), mais on peut se retrouver à doubler, voire à tripler cette quantité d’employés en fonction de la taille du projet sur lequel vous êtes amené à travailler.

Donc il y a une différence entre les petites et les grosses compagnies. Quand vous faites la transition, vous vous apercevez que ce n’est pas forcément facile de passer de l’une à l’autre. Dans mon cas, heureusement, j’ai commencé par de plus petits employeurs, ce qui m’a permis d’être exposé à une quantité de tâches très variées. Je n’étais pas bloqué dans une spécialité. Je pense que ça m’a beaucoup aidé au fil de ma carrière.


A : Et qu’est-ce que vous préférez ? Travailler pour une petite entreprise ou pour de gros films de commande aux budgets imposants ?

SB : Vous savez, je pense que RISE trouve un bon équilibre là-dessus - ils acceptent des contrats pour de grosses productions, mais ils ne s’occupent pas de 100% des plans nécessaires. L’entreprise préfère se concentrer sur les plans les plus complexes. Donc vous vous retrouvez à travailler sur les parties les plus intéressantes, les plus jolies. Vous n’avez pas la pression d’avoir une grosse équipe pour fournir cinq cent plans, on se trouve plus près de la limite des deux cent. Pour moi, c’est un bon équilibre. Je peux me servir de l’expérience de mes débuts, ma spécialité sur la 2D, et suivre un raisonnement précis - on a ce plan très complexe à réaliser en images de synthèse, donc comment est-ce que je peux utiliser ce que je connais de la 2D pour simplifier le processus ? 

Parce qu’à partir du moment où le réalisateur, où le superviseur général des effets spéciaux, qui gère toutes les équipes en charge de la post-prod’ (dans le cas des Gardiens de la Galaxie, c’était Stephane Cerreti), tant que ces deux postes là sont contents du résultat, tant que ça correspond à ce qu’ils ont demandé, ils se fichent de savoir quelle méthode on a utilisé. Donc pour certains plans, j’ai suivi la voie de la 2D, pour économiser des ressources et les ré-allouer à des tâches plus complexes et plus lourdes. Je pense que c’est une compétence utile que j’ai eu la chance d’acquérir très tôt quand je suis devenu superviseur des effets spéciaux à une échelle plus restreinte.

A : Cela signifie que, pour les Gardiens de la Galaxie, vous avez surtout interagi avec Stephane ? Ou est-ce que vous avez aussi discuté avec le réalisateur James Gunn ?

SB : Je n’ai jamais eu de contact direct avec James Gunn, non. Tout s’est fait par Stephane. Parce que lui a développé cette bonne relation de travail avec James. Donc il n’a jamais eu besoin d’avoir une communication à faire passer en direct à notre studio. Il lui faisait confiance, et Stephane savait exactement ce dont James avait besoin. Là-dessus, c’est la confiance qui joue - à quoi bon lui faire perdre du temps à nous mettre en contact direct. Malheureusement ! (rires) Stephane sait ce qu’il fait, c’est un très bon superviseur. 

En plus, il a aussi sa propre équipe de superviseurs autour de lui, à Los Angeles. Et eux ont pour mission de communiquer au quotidien avec les studios de fournisseurs, comme RISE.

A : Vous diriez donc que l’un des éléments clés de votre travail passe par la communication entre vos équipe et les autres départements, pour faire en sorte que tout rentre bien dans le processus du film ?

SB : Oui. Et c’est là tout ce qu’il y a à savoir : la communication est l’un des éléments les plus cruciaux. Et encore plus depuis le COVID, je pense. Du point de vue d’un studio, les gens avec qui vous allez finir par travailler se trouvent être loin de vous géographiquement, ils ne sont plus dans le bureau d’à côté. A une époque, on pouvait se promener dans le studio, tomber devant quelqu’un qui était en plein travail et lui dire ‘oh, j’aime bien ce que tu fais, on devrait peut-être tenter d’explorer cette piste’, ou alors ‘ah, je ne suis sûr que c’est là où on voulait aller, essayons de changer de tactique et de suivre une piste différente.’ Ce n’est plus possible aujourd’hui, alors il faut communiquer plus que nécessaire de temps en temps, faire des vérifications plus régulières, du point de vue du studio.

Mais aussi dans la relation que nous pouvons avoir avec les clients. Au moins, avec Marvel - remarquez, je vous dis ça mais je n’arrive pas à penser à un autre commanditaire avec lequel ça n’aurait pas été le cas - on communique constamment. Ils préfèrent avoir trop de nouvelles que pas assez. Et s’ils ne veulent pas avoir de nouvelles, j’imagine qu’ils finissent par vous le dire. Mais ça n’a pas été le cas jusqu’ici. Donc oui, la clé, c’est toujours de communiquer.

A : Vous parliez du fait de travailler à distance, mais on sait que cette pratique a augmenté le risques de leaks, de fuites et de spoilers. Vous n’étiez pas aux locaux de RISE lorsque vous développiez Les Gardiens de la Galaxie ? 

SB : Et bien, en ce qui me concerne, c’est vrai que je préfère être dans le studio dans tous les cas. Bien sûr, ça dépend de où les employés vont se trouver - parfois ils habitent dans des villes très éloignées, voire même dans des pays différents. Ceci étant dit, les outils de travail que vous avez à votre disposition avec les technologies actuelles se résument à un moniteur. Vous vous connectez à distance à votre poste qui se trouve dans les studios. Ce n’est pas un ordinateur, il n’y a pas de moyens physiques de…  à moins de prendre une photo ou une vidéo de ce sur quoi vous êtes en train de travailler. Mais ça, vous pouvez le faire au studio aussi, en loucedé. (rires)

Je ne veux pas dire que certains le font. Enfin, plus maintenant. Mais ils ne peuvent pas juste insérer une clé usb, ils ne peuvent pas extraire des scènes de l’appareil. Tout est très sécurisé, et le studio peut tracer les contenus de toute façon. Je pense que le COVID a vraiment permis d’accélérer la technologie, et aussi la confiance dans le pipeline, dans l’idée de rendre la chaîne de travail plus robuste et plus fiable. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde où il est possible de travailler exclusivement à distance. Et de fonctionner comme ça de manière permanente. 

Ce n’est pas ce que je préfère personnellement - j’aime l’idée d’un fonctionnement hybride. Parce que ça nous permet déjà de voir les gens avec qui on travaille. Ça nous permet de développer une meilleure relation, de mieux communiquer. Mais, oui, la mécanique utilisée pour le travail à distance est robuste aujourd’hui, donc la plupart des studios acceptent de fonctionner comme ça.


A : Pour entrer dans le détail, quels ont été les plans sur lesquels vous avez travaillé avec votre équipe sur Les Gardiens de la Galaxie vol. 3 ?

SB : Nous avons travaillé sur trois plans en particulier. Prenons les personnages, pour commencer : Mantis. Avec elle, il faut réaliser les antennes. Elles doivent être animées, elles se basent sur une ossature particulière, ce qui va permettre de contrôler leur fonctionnement, de réaliser un mouvement fluide dans l’espace, de créer un sentiment organique entre le moment où Mantis bouge la tête et où ses antennes bougent en parallèle… Au passage - et ceci est vrai pour la plupart des personnages, parce que la majeure partie d’entre eux ont des yeux particuliers, ils n’ont pas un regard humain, Nebula, Drax, Mantis… Parfois, ils portent des lentilles de contact, et parfois non. Sur la plupart des plans sur lesquels nous avons travaillé, ils n’en portaient pas. Et on peut comprendre pourquoi. Leurs yeux peuvent finir par être irrités, surtout avec les éclairages en plateau, ça peut être désagréable. Donc les effets spéciaux peuvent prendre le relais de temps en temps.

Alors pour Mantis, nous avons oeuvré sur les yeux. Et parfois, dans certaines scènes, l’atmosphère va changer, comme lorsque le vaisseau décolle de Counter-Earth et s’envole dans l’espace - d’un seul coup, elle a très froid, donc une sorte de glace numérique va commencer à lui recouvrir le bras, elle se met à souffler de la fumée… Pour Drax, nous nous sommes aussi chargés de ses yeux, comme pour Nebula. Et dans son cas en particulier, rappelez vous que pour le premier film elle avait décidé de se raser la tête. Parce que le personnage a cette tête très ronde et bleue, elle n’a pas de cheveux. Mais pour le deuxième et pour le troisième film, ses cheveux avaient repoussé, elle ne se les était pas rasés cette fois-ci. Donc quand elle tourne la tête, on peut voir une espèce de bosse à l’endroit où elle a plaqué ses cheveux. Alors il faut retravailler ses plans, enlever cette bosse, faire une sorte de doublure virtuelle pour l’arrière de sa tête. 


Et toujours dans le cas de Nebula, le personnage a un bras robotique. Pour le Christmas Special, quelqu’un lui offre une nouvelle prothèse, et ce bras-là devient un outil qu’elle peut transformer en une main ou en autre chose. Dans notre plan, elle le transforme en torche. Ce qu’on va faire à ce moment-là, c’est lui retirer son bras complètement, créer une version nettement amputée de Nebula, et fabriquer cette prothèse, qui représente environ deux mille chevrons (des petits éclats de métal). Avec les outils qu’on a aujourd’hui, vous pouvez créer un modèle du bras, puis créer un modèle de torche, et la technologie des chevrons permet alors de passer du modèle A au modèle B. Les éléments en question se mettent alors en rotation et prennent la forme demandée, ce qui est plutôt cool visuellement.

Et au-delà de ça, on a également travaillé sur Groot. Pour lui, nous avions une base d’outils partagée avec Framestore - de leur côté, ils se sont chargés de créer l’apparence de Groot, de le modéliser, d’ajouter les textures, les effets d’éclairage, les couleurs, toute la partie modélisation et design en résumé. Ils emballent ensuite le résultat de leur travail et l’envoient à tous les studios qui doivent développer des plans dans lesquels Groot apparaît. Dans un monde idéal, on aurait juste besoin de prendre ces éléments, de les intégrer à nos scènes, et ça fonctionnerait tout seul. Mais ce n’est jamais le cas (rires) On a dû les intégrer, et ensuite les retravailler, refaire les éclairages, c’est la routine. Récupérer le travail d’un autre fournisseur demande beaucoup de corrections. Mais Framestore nous a fourni de très bons rendus.

En tout et pour tout, il y a eu dix-neuf plans avec Groot. Avec pas mal de nuances dans son apparence, dans la façon dont ses lèvres peuvent s’entrouvrir par moments, ou la façon dont ses yeux vont s’animer, sa posture, comment il doit se tenir, comment il doit fonctionner dans le plan… toutes ces choses doivent être proprement étudiées. A ce moment-là, on se repose autant que possible sur l’équipe en charge de l’animation. Quelques membres de l’équipe et moi-même avons dû rejouer la scène et la filmer, pour que les animateurs aient un modèle sur lequel s’appuyer. 

Nous avons aussi travaillé sur certains environnements - par exemple, le Maître de l’Evolution passe la plupart de son temps dans un espace clos qui s’appelle The Arête. Ce décor là a été créé par Weta au départ, et comme pour Framestore avec Groot, ils partagent leurs modèles avec les autres fournisseurs en post-production. Nous avons eu à fournir pas mal de plans où nous devions remplir cet environnement de populations variées. L’Arête, c’est un peu la salle de contrôle du Maître de l’Evolution. On a livré plusieurs extensions du décor principal pour ces plans-là. 


Et enfin, notre équipe a travaillé sur un certain nombre de plans concernant le champ de force, ou le bouclier, du vaisseau - dans cette scène où les héros percent la coque pour monter à bord. Un champ de force apparaît juste derrière eux, ce qui leur évite d’être aspirés dans le vide de l’espace. Au départ, le design original préconisait d’utiliser des lignes de barres d’énergie, comme cela avait été prévu sur des versions précédentes. Mais, dans la mesure où il s’agissait d’un nouvel environnement à ce stade du film, on s’est dit qu’il serait intéressant de proposer quelque chose d’autre. Quelque chose de nouveau et d’inhabituel. On a alors passé à peu près deux mois à étudier des centaines de rendus différents pour ce bouclier, et ce à quoi il pouvait bien ressembler. Nous en avons rassemblé certains pour les présenter au client.

Et ce qui s’est passé, c’est qu’après tout ce travail, ils ont fini par nous dire “très bien, c’est génial ! Mais revenons à la première version sur laquelle on s’était décidés, avec les barres horizontales. Ça fonctionne tout aussi bien.” (rires) Il leur fallait quelque chose de plus subtil et de plus simple. Et parfois c’est comme ça - une des règles du jeu, c’est qu’on peut emprunter un chemin extrêmement long et fastidieux pour finir par retourner exactement à l’endroit d’où on est parti. 

Je crois que ça couvre à peu près tout. Il y a aussi eu un travail plus général de maquillage et d’habillage. Vous savez, le problème avec les prothèses, c’est qu’elles fonctionnent très bien le matin du jour de tournage. Et puis, à mesure que les scènes s’enchaînent, les acteurs finissent par bouger, par parler, par transpirer - rappelez-vous qu’ils travaillent sous des spots lumineux qui peuvent dégager pas mal de chaleur. A ce moment-là, le maquillage a tendance à se dégrader. Et ils ne peuvent pas se permettre de retourner à chaque fois à la salle de make-up pour recommencer tout le travail. C’est là que les effets visuels interviennent pour prendre la main, et passer un petit coup de propre en plus du reste. 

A : Merci beaucoup pour cette longue réponse.

SB : Il s'esclaffe. 

A : Non, vraiment (rires) J’avais aussi une question sur le moment où vous allez travailler sur l’animation des yeux, du bras ou des mouvements d’un personnage : est-ce que vous travaillez sur des plans où les éléments de décor et d’arrière-plan sont déjà là, ou est-ce que c’est un peu à vous de deviner où sera le reste une fois intégré au fond bleu ?

SB : C’est intéressant, parce que je pense qu’on a eu de la chance là-dessus. A mon avis, la production avait envie de confier chaque plan à une seule société, plutôt que de demander à plusieurs studios de travailler sur un même plan. Dans ce cas là, vous n’avez pas besoin de vous demander où va se placer tel ou tel élément, parce que c’est votre équipe qui se chargera de l’intégrer à la scène dans les tous les cas. Parfois, en revanche, c’est comme ça que ça se passe. Pas sur Les Gardiens de la Galaxie en l’occurrence, mais j’ai déjà participé à des projets où ça fonctionnait comme ça. Mais ce n’est pas une règle gravée dans le marbre.

Quand ça arrive, quand vous êtes plusieurs sur un même plan à gérer différents éléments, il faut vraiment communiquer autant que possible avec les autres fournisseurs. Et il arrive souvent qu’on en vienne à partager des animations figées, qui servent de référence. Par exemple, une modélisation en gris d’un personnage qu’ils ont prévu d’intégrer. Comme ça, vous savez où ce personnage-là va se positionner, et éventuellement, comment le décor va se positionner. Ça vous permet de ne pas trop vous inquiéter, parce que vous savez que tout ce que vous ne gérez pas personnellement va être couvert par le travail que l’autre fournisseur finira par ajouter ensuite. Mais, donc, ça n’a pas vraiment été le cas ici. Ceci étant, dans tous les cas, en tant que superviseur des effets spéciaux vous êtes aussi là pour donner une idée du placement des éléments à l’écran.  

Prenons par exemple un plan avec Groot. S’il n’a pas encore été mis dans le plan, le studio utilise un acteur qui sert de doublure (et qui s’appelle Austin), qui va jouer le rôle de Groot dans la scène. C’est un des cas de figure possibles. Mais parfois, on n’aura pas cette doublure, et donc, il va falloir imaginer ce que Groot est en train de faire dans tel ou tel scénario. Et donc, il faut aussi être en mesure d’utiliser son imagination et de figer une sorte d’image mentale de comment le personnage va se comporter à ce moment précis pendant que les autres départements font ce qu’ils ont à faire - sur les décors, le maquillage des héros qui sont effectivement présents à ce moment là, etc. C’est un équilibre à trouver.

A : Vous n’avez jamais eu à travailler sur un décor réel ? On se souvient de ce plan dans Black Widow où les deux personnages sont dans un bar… qui se trouve en fait être une création artificielle, sur fond vert. Pour un spectateur lambda, ça peut être étonnant de découvrir que cette partie est aussi réalisée par les studios d’effets numériques, parce qu’on aurait tendance à penser que c’est plus naturel de construire un décor concret. Qu’est-ce que vous en pensez ?

SB : C’est assez drôle, parce que pour en revenir à cette période où je travaillais dans un plus petit studio, je travaillais sur pas mal de séries “d’époque”. Des productions qui se passaient au début du 19e siècle, ce genre de choses. Et l’idée à ce moment-là c’était de trouver un décor dans lequel les acteurs auraient un minimum d’éléments concrets à leur disposition - de notre côté, on prolongeait les environnements, mais seulement à partir d’une certaine distance autour d’eux. Sauf que quand vous travaillez avec un fond bleu, il y a beaucoup moins de choses dans ce genre-là. Les acteurs doivent se reposer sur leur imagination pour croire qu’il existe un décor autour d’eux.

A l’époque, quand je travaillais sur ces productions “d’époque”, j’allais sur les plateaux avec des images à présenter aux équipes, pour que les équipes se fassent une idée de ce que nous allions ajouter ensuite. Ça pouvait les aider à faire le pont entre le réel et le virtuel, et participer à créer le ‘world building’. Aujourd’hui, on a la technologie nécessaire pour faire de la production virtuelle à différents niveaux, ils peuvent avoir un élément d’arrière-plan visible et ne plus se préoccuper du fond bleu. Mais oui, ça peut être bizarre par moment, de se promener sur un plateau et d’être entourés par cette espèce de grand volume bleu, où il n’y a aucun élément pratique avec lequel travailler. L’idéal, c’est de bâtir en dur autant que possible, pour que les acteurs aient quelque chose auquel se raccrocher. 

A : On a aussi pu entendre dans la presse la façon dont Marvel Studios avait été critiqué pour leur management des équipes en charge des effets spéciaux. De votre côté, est-ce que ce sujet vous interpelle ? Avez-vous des expériences comparables avec cette société ?

SB : Non, pas du tout. Mais pour être franc, et pour vous le dire tel quel, si j’avais eu une mauvaise expérience avec eux je ne pense pas que j’en parlerais publiquement. Mais la vérité, c’est simplement que je n’ai pas eu de mauvaise expérience avec eux. Je pense qu’il y a deux façons d’interpréter ça. D’un côté, vous avez les gens de chez Marvel, qui se montrent très exigeants et qui ont des attentes assez élevées - et surtout, les fans ont des attentes assez élevées, on leur a donné de belles choses par le passé donc ils s’attendent à un certain niveau de qualité. Marvel s’impose d’essayer de conserver ce niveau de qualité. Et c’est quelque chose qui peut très bien se comprendre.

Mais d’un autre côté, il peut y avoir cette pression d’obtenir une certaine quantité de plans sur une période de temps très courte. Et à ce moment là, c’est aux fournisseurs de s’adapter à cette exigence, de dire ‘voilà la quantité de plans que vous pouvez espérer sur cette période de temps’ ou ‘vous nous demandez deux cent plans en quatre mois, on ne peut pas livrer cette quantité, partons plutôt sur une centaine de plans’ et à partir de là, Marvel peut s’adresser à une autre société pour les plans manquants. Ce serait une réponse assez générale à une question qui couvre toute une variété de nuances très spécifiques. Mais je pense qu’il appartient aux deux parties concernées de réussir à trouver un équilibre. En ce qui me concerne, il n’y a pas eu de problème pour le moment.


A : Très bien. Et dernière question, quelle est votre position au sujet de la technologie des intelligences artificielles dans les effets visuels ? Encore une fois, Marvel Studios s’est fait remarquer récemment pour avoir utilisé cette technique lors de la création du générique de Secret Invasion. Est-ce quelque chose qui vous effraie ? On sait que cette technologie représente une menace pour le secteur…

SB : C’est une question qui me paraît importante - surtout pour les étudiants qui sortent d’école et comptent se spécialiser dans les effets spéciaux. De savoir ce qui les attend, en réalité. ‘Est-ce qu’il restera du travail pour les gens comme moi d’ici les deux prochaines années ?’. Personnellement, ça ne m’effraie pas, non. Je pense que la question se résume aux outils : l’IA est juste un nouvel outil à utiliser. Il s’agit de savoir comment on peut comprendre celui-là, comment on peut l’utiliser. Par exemple, on peut discuter avec un réalisateur, ou même quelqu’un de moins impliqué dans la création, qui va vous donner des mots clés - en pensant qu’avec une IA, il suffira de taper les mots en question et d’obtenir une image fonctionnelle.

Mais parfois, ce à quoi ils pensent à ce moment-là, il faut être capable de l’interpréter et de voir où ils veulent aller. L’IA n’aura pas nécessairement l’intuition de comprendre ce qu’ils vont vraiment rechercher. Les clients peuvent se montrer très ambigus vis-à-vis de ce qu’ils espèrent obtenir, ça peut se jouer sur l’attitude, sur des choses qui ne sont pas si évidentes à restituer du point de vue d’une intelligence artificielle. Et cet aspect là compte.

Mais, c’est un outil. A une époque, je travaillais sur le logiciel Shake pour le compositing. Et ça m’avait l’air de très bien suffire - et puis plus tard Nuke est sorti, et était tellement plus avancé. Il y a aussi cette peur de l’IA qui est aujourd’hui capable de fonctionner en 3D, alors on peut se dire que ça va retirer du travail aux artistes qui travaillent en 3D. Mais en fait non, ça va juste permettre de faire des trucs plus cools, plus imposants, plus incroyables avec la 3D. Toute la question est de savoir comment on utilise cette technologie. Il y a des façons intelligentes de s’en servir.

Donc oui, peut-être que les clients pourront en passer par là de temps en temps. Imaginons qu’ils viennent voir un studio, et au lieu d’entamer par une phrase du genre ‘j’ai cette image en tête d’un monde avec des arbres, et des bâtiments futuristes, et où le ciel serait bleu’, ils pourraient utiliser l’IA et venir me voir avec des visuels réalisés grâce à cette technologie. Ce qui nous permettrait d’avoir déjà une base solide sur laquelle travailler. Dans ce cas de figure, ce serait une sorte de premier pied à l’étrier. Donc je pense que tout revient à la façon dont nous pouvons utiliser la technologie en bonne intelligence. Ça ne signifie pas que des emplois vont disparaître, mais dans le futur, peut-être aurons-nous moins besoin de réaliser les tâches que l’IA peut faire à notre place. Toutes les tâches répétitives, par exemple. Ce qui nous permettrait de nous concentrer sur d’autres éléments. Peut-être que cela pourrait même permettre d’ouvrir de nouvelles portes dans l’industrie des effets spéciaux. Il est encore un peu trop tôt pour dresser un bilan, évidemment, mais je trouve ça excitant en ce qui me concerne.

A : Pourtant, au générique de la série Ms Marvel, on avait pu voir que 40 personnes avaient été embauchées pour cette séquence d’ouverture. A l’inverse, pour Secret Invasion, ils n’étaient que 8 à avoir travaillé sur le générique. Vous ne diriez pas que des emplois ont été supprimés dans ce cas ?

SB : Oui, sans aucun doute, si vous regardez les chiffres sous cet angle là. Mais encore une fois, le fait d’avoir employé des artistes et une intelligence artificielle a aussi mobilisé un poste pour superviser l’utilisation de cette intelligence artificielle. Donc peut-être que la technologie va aussi créer des emplois, en parallèle, d’une certaine façon. Et peut-être que cette réduction a libéré ces artistes pour leur permettre de faire des choses plus intéressantes. Parce que, pour être moi-même utilisateur de l’IA, j’en arrive souvent à ce moment où je me contente de rentrer des mots encore et encore, en utilisant une image de référence, et je n’arrive jamais à obtenir exactement le rendu que j’espère. C’est parfois assez proche, mais ce n’est jamais tout à fait ça. Donc il y a encore cette étape, qui fait que les artistes sont encore essentiels, qu’on a encore besoin de ces gens créatifs avec lesquels on peut s’asseoir et avec qui on peut discuter. Pour aboutir à une compréhension claire de à quoi le résultat doit ressembler. Donc ce n’est pas la fin de cette façon de travailler.

A : L’autre point que je voulais aborder avec vous, c’est que ces images que l’on obtient avec l’IA sont basées sur des milliers d’autres, mais sur lesquelles les utilisateurs ne détiennent pas de copyright. Peut-être que je pourrais utiliser une IA pour reproduire des images que vous avez créées.. sans votre consentement. Vous ne pensez pas que ça pourrait être un problème ?

SB : Ça pourrait, oui. Malheureusement ce n’est pas un domaine sur lequel je détiens une expertise suffisante pour vous répondre pleinement. Mais oui, j’imagine que… C’est un peu comme beaucoup d’autres choses : nous en sommes à un stade tellement précoce de la technologie que la législation n’a pas encore eu le temps de rattraper le progrès. Comme tous ces experts de l’IA qui préconisent qu’on arrête de développer les outils, le temps que le gouvernement se penche dessus et fournisse une feuille de route claire sur ce qu’on peut ou ne pas faire avec. A plus petite échelle, il faudrait certainement que quelque chose soit mis en place pour créer des signatures inviolables sur ses propres images, ou des systèmes qui permettraient de les tracer et de les protéger, de sorte qu’elles ne soient pas utilisées sans le consentement du propriétaire.

Mais qui peut dire dans quelle direction tout cela va nous emmener, il s’agit d’une terre inconnue à l’heure actuelle.


A : Et sans rien annoncer, et sans briser votre clause de confidentialité, pourriez-vous nous en dire un peu plus à propos de votre participation au film The Marvels ? 

SB : Et bien, cela couvre tout une variété de choses en vérité. Parce que nous sommes juste en train de finir le travail en ce moment même. Et il y a des plans très cools dans l’espace. C’est quelque chose que j’adore, les images de vaisseaux spatiaux, c’est toujours très amusant. Il y a des plans dans ce genre, il y a aussi des extra-terrestres. Et il y a les super-pouvoirs - dans le film, trois personnages ont des capacités surnaturelles, Ms Marvel, Captain Marvel et Monica Rambeau. Les trois ont leurs propres pouvoirs donc ça fait partie des éléments sur lesquels travailler. C’est fou, il y a beaucoup d’autres choses, on a oeuvré sur énormément de plans et maintenant que je vous en parle je n’arrive plus à me souvenir de grand chose d’autre. 

Je pense aux pouvoirs, aux environnements… Il y a un passage à travers le Bifrost. Ce n’est pas un spoiler d’en parler. Il y a ces téléportations où leurs positions s’inversent, ce qui est aussi amusant. Et beaucoup d’autres plans - beaucoup de plans sur fond bleu, beaucoup de décors. Je pense que c’est à peu près tout ce que je peux vous dire.

A : Ok ! Merci beaucoup Stuart, nous découvrirons ça dans le film cette année. Je vous remercie pour votre temps et pour cette conversation !

SB : Aucun problème, avec plaisir !

Arno Kikoo
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