Une situation difficile pour la maison d'édition AfterShock Comics, lancée en 2015 et dont nous vous relayons régulièrement les annonces de nouvelles publications - quand certaines de celles-ci nous parviennent en VF, à l'instar de quelques titres chez feu Snorgleux Comics ou le diptyque We Live chez 404 Comics. Depuis plusieurs semaines, une grogne numérique agitait les internets, plusieurs auteurs, autrices ou artistes de l'industrie évoquant des impayés de la part d'AfterShock, avec parfois des retards de paiement de plus d'un an, et des sommes allant à cinq chiffres. On arrive désormais à y voir un peu plus clair sur la (mauvaise) situation financière de l'éditeur, puisque ces derniers viennent de se déclarer en faillite.
Pour vous expliquer les choses facilement, il existe deux types de faillites que l'on peut déclarer aux Etats-Unis : l'une référencée sous l'intitulé Chapter 7 et qui place l'entreprise en liquidation totale ; l'autre référencée sous Chapter 11, et qui équivaut plutôt à une forme de mise en tutelle de l'entreprise, dont les dettes sont pendant un certain temps bloquée, en vue d'une restructuration de l'entreprise, pour qu'elle soit à nouveau solvable et puisse donc régler les impayés qu'elle doit. Dans le cas d'AfterShock Comics, c'est un Chapter 11 qui a été posé, signe que la maison d'édition cherche à gagner du temps et à se réorganiser afin d'aller vers de jours meilleurs. On pourra comprendre la grogne de nombreux auteurs, autrices et artistes au vu des sommes dues.
L'informateur Bleeding Cool a en effet pu mettre la main sur la déclaration de faillite, qui fait état d'un total de 10 à 50 M$ dûs par AfterShock Comics. Parmi les personnalités de l'industrie qui ont droit aux impayés les plus importants, on note Inaki Miranda (l'artiste de We Live) à qui 10 010 $ sont dûs, Mattia Monaco (Knock'Em Dead, 18 000$), Emilio Pilliu (Bram Stoker Monster Hunter, 15 500$) ou encore Damian Couceiro (Beyond The breach, 8 800$). A cela s'ajoutent des dettes envers différents prestataires ou partenaires du milieu, comme l'imprimerie L'Empreinte située au Canada (près de 400 000$ d'impayés) ou la San Diego Comic Con (17 000$).
Là où la facture devient plus importante c'est du côté de la société de production télévisuelle Rive Gauche, créée en 1994 et située à Los Angeles, qui est la compagnie parente et propriétaire d'AfterShock Comics. Cette dernière doit en effet des sommes beaucoup plus importantes liés à des développements de projets/séries (dont certains n'ont peut être pas vus le jour), tels que Jupiter Entertainment (1,5 M$), TBS-CNN (756 000 $), AMC (375 000 $). En outre, sont listés un nombre très importants de créatifs de l'industrie des comics à qui des contrats doivent être payés - certains se sont montrés particulièrement vocaux sur les réseaux sociaux - sans que les sommes ne soient communiquées. Mais au vu du nombre de personnes non payées, on comprend pourquoi la dette totale grimpe dans les millions.
On retrouve donc pas moins de 159 créateurs et créatrices listés dont certains nom reconnaissables plus facilement que d'autres puisque leurs titres, chez AfterShock ou non, ont pu nous arriver en France. Citons donc Roy Miranda, Christopher Cantwell, Steve Orlando, Szimon Kudranski, Roberta Inagrata, Peter Milligan, Peter J. Tomasi, Paul Azaceta, José Villarubia, Mike Marts, Jeremy Haun, Jason Wordie, Jacob Phillips, Hayden Sherman, Cullen Bunn, Bryan E. Hill ou encore Alberto Albuquerque.
L'éditeur s'est fendu d'un communiqué de presse pour expliquer la situation, arguant que cette déclaration de faillite a été faite "pour continuer de faire tourner la machine" en attendant des financements imminents, en "maintenant les opérations de façon normale, ce qui comprend mais ne se limite pas que, à payer les employés et subvenir aux contrats passés avec les créatifs et les vendeurs chargés de l'envois de biens, ainsi que les services liés au marketing, à la vente et à la publicité." La maison rajoute : "AfterShock Comics continuera de fonctionner, de publier et vendre des comics et des albums pour le marché direct et pour la distribution générale via ses distributeurs, en accord avec toutes les directives locales, fédérales et étatiques."
En résumé, AfterShock Comics doit de l'argent, beaucoup, et à beaucoup de monde. La manoeuvre déposée est pensée pour permettre d'obtenir un temps supplémentaire afin que les choses rentrent dans l'ordre. Au vu des sommes dues, difficile de voir si ladite manoeuvre sera couronnée de succès, d'autant plus que le rendu public de tout cela ne va pas forcément inciter les créatifs à venir lancer de nouveaux projets chez eux. Restera aussi à déterminer ce qui a conduit la maison d'édition dans cette situation...
