Mais que peut-il bien se passer chez Oni Press ? Depuis le printemps 2020, la maison d'édition indépendante rencontre des soucis à un rythme dont la régularité est venue récemment s'accélérer. Après que la maison père Polarity fasse fermer l'ensemble de la structure Lion Forge Labs il y a plus de deux ans (après la fusion d'Oni Press et Lion Forge qui était censée consolider les deux structures), on apprenait au début du mois le départ des deux personnes les plus importantes à l'éditorial et au créatif, soit James Lucas Jones et Charlie Chu. Ce double départ n'était que la première salve annonciatrice d'autres licenciements, avec un avenir qui semble désormais incertain - et qui sera certainement au coeur de toutes les discussions des professionnels de l'industrie à la San Diego Comic Con de cette semaine.
En cause : le licenciement de quatre autres personnes placées à des postes stratégiques, survenu la semaine dernière : Alex Segura (qui est aussi auteur de comics), vice-président senior du marketing et des ventes, Henry Barajas, manager du marketing, ainsi que les deux éditrices senior Amanda Meadows et Jasmine Amiri. Des personnes aux qualité reconnues et saluées dans toute l'industrie, dont le départ n'a provoqué qu'étonnement et spéculations sur les causes. D'autant plus quand le compte d'Oni Press et Lion Forge s'est fendu d'un communiqué de presse pour "rassurer" son public, ledit communiqué n'ayant pas eu un très bon écho de l'ensemble du milieu.
— Oni Press (@OniPress) July 15, 2022
En effet, outre le fait que le communiqué ne mentionne pas les personnes licenciées, on ne retrouve pas une seule fois le mot "comics" dans le texte d'Oni Press (dont Bleeding Cool raille qu'il a été écrit par une personne qui n'est visiblement pas de la maison d'édition, mais certainement plus haut placée), et l'utilisation de termes content et content consumers au lieu de comics et lecteurs.
Dans la foulée, les choses ne sont pas allées en s'améliorant, puisque Oni Press a fait savoir, des conséquences de réduction d'effectifs au sein de son entreprise, qu'ils n'auront plus de stand à la SDCC 2022. Maintenues au départ, les conférences prévues pour mettre en avant les prochaines publications de la maison d'édition ont ensuite été annulées. Oni Press disparaît donc officiellement de la programmation de la plus grande convention de comics annuelle, alors que l'éditeur devait en profiter pour fêter ses 25 ans d'existence. Rude. Malgré tout, l'éditeur a confirmé son retour pour 2023 - à supposer que la structure tienne encore debout d'ici là.
La situation est en effet assez floue tant du point de vue de l'observateur que des professionnels. L'autrice Alex de Campi conseille aux personnes ayant publié chez Oni Press de s'empresser de récupérer les droits de leurs titres et d'aller regarder les "clauses de faillite" de leur contrat (au cas où l'éditeur ferait en effet faillite). En France, certains éditeurs se demandent aussi ce qu'il adviendra de titres pour lesquels ils ont les droits d'édition par chez nous - une personne du milieu nous disait en plaisantant qu'il faut "profiter" de l'occasion pour faire des offres d'achats de droits à la baisse avant que l'éditeur ne disparaisse. Mais ces considérations sont peut-être un poil trop alarmistes - quoique Mark Waid conseille lui aussi aux créateurs et créatrices de s'en aller de la maison en récupérant les droits de leurs comics.
Il arrive dans toute industrie que des boîtes ferment ou finissent par se casser la figure. En l'état, difficile d'être optimiste pour Oni Press, une maison qui a accueilli de formidables titres, dont une partie disponible par chez nous (Scott Pilgrim, Jonna, Stumptown, Kaijumax). Croisons les doigts pour que les personnes licenciées puissent retrouver rapidement un travail et que la maison d'édition puisse se relever de quoi qu'il puisse se passer en interne.