Dans le cadre d'une tribune plus générale sur le cas du contrat signé entre Bad Robot et Warner Bros. il y a quelques années, la rédaction du Hollywood Reporter fait état d'un manque flagrant d'avancées sur les séries de la famille Justice League Dark. En interne, la société de J.J. Abrams serait devenue, au fil des ans, une source de préoccupation pour les pontes du studio. En particulier après le rachat de WarnerMedia par le groupe Discovery Inc. - entraînant la chute de plusieurs têtes couronnées, et l'arrivée d'un nouveau président qui joue déjà cartes sur table à propos de son intention de tirer les dépenses vers le bas.
Toujours pas de nouvelles du "nouvel organigramme" de DC Films
En résumé, Bad Robot, société de production vedette pour le Hollywood du cinéma de genre (en associant science-fiction et fantastique dans la nomenclature), aurait une certaine difficulté à mettre la machine en route. David Zaslav, président de Discovery Inc. et nouvelle figure de proue des décisions internes à la jeune entité Warner Bros. Discovery, aurait commencé à émettre quelques doutes vis-à-vis du partenariat signé par l'ancienne équipe avec J.J. Abrams. En cause, un manque évident de productions mises en route, et le cas de la série Demimonde, qui mobiliserait à elle seule une enveloppe de 200 millions de dollars. Soit une somme supérieure au budget de la série Game of Thrones : House of the Dragon.
Ce projet particulier serait apparemment dans l'oeil du cyclone pour David Zaslav. La série, écrite par Abrams lui-même, pour son grand retour à un poste de scénariste de série télévisée après de longues années passées à la production ou à la mise en scène de projets de cinéma, ne ferait pas l'unanimité au sein des nouveaux studios Warner Bros. Discovery et devrait recevoir d'ici peu un arbitrage sur l'intérêt ou non d'avancer vers une authentique mise en production. Mais, plus loin, les nouveaux dirigeants seraient généralement assez circonspects quant à l'utilité du fameux "contrat général" signé entre WarnerMedia et Bad Robot. Le commanditaire avait, à l'époque, signé pour un énorme chèque de 250 millions de dollars pour cette apparence d'exclusivité, et les projets manquent encore aujourd'hui à l'appel pour justifier la rétribution, particulièrement imposante.
Le
Hollywood Reporter précise toutefois que l'accord ne devrait pas être remis en question pour autant; ou plutôt, pas pour l'instant. Mettons que la situation sera plus claire lorsque tout ce qui a déjà été mis en route, ou constitue un état d'avancement trop important pour être passé dans la case des pertes et profits, sera réglé. Mais le fait de voir
Bad Robot avancer sur d'autres productions avec
Netflix (pour un documentaire sur le groupe
U2) ou
AppleTV+ (une série
Presumé Innocent et une nouvelle adaptation de
Speed Racer, tout juste annoncée) causerait apparemment quelques tracas à
Zaslav. Celui-ci observe notamment que la boîte de
J.J. Abrams s'est aussi positionnée sur certaines propriétés intellectuelles du catalogue
DC Films -
le Hellblazer et Madame Xanadu - et que rien ne semble avoir été fait pour bouger l'un et l'autre projet vers une production concrète et organisée. L'article indique toutefois que de premières ébauches de scénario ont déjà été écrites pour différents épisodes de
Constantine, et qu'un script pour la série "
Madame X" a bien été complété, sans plus d'informations.
En résumé, l'absence flagrante de nouvelles au sujet de ces deux adaptations, et les relations tendues entre Abrams et Zaslav, pourraient poser surtout problème à ces deux tentatives à terme. Le nouveau président serait déjà en train d'étudier à la loupe l'ensemble des contrats signés entre WarnerMedia et les différents fournisseurs externes au catalogue des first party de la compagnie - la rédaction du Hollywood Reporter note d'elle-même la comparaison avec Berlanti Productions, société de production à l'origine des séries Arrow, The Flash, Legends of Tomorrow, et plus récemment des Titans, Doom Patrol et Superman & Lois déjà rapatriées sur HBO Max. Sur les trois ans qui séparent la signature du contrat avec Bad Robot de la fusion de WarnerMedia et Discovery Inc., Greg Berlanti et ses employés n'ont pas chaumés : l'entité a largement contribué à l'effort de guerre visant à remplir la grille de la plateforme en exclusivités produites rapidement, avec des personnages sous licence, et pour des budgets raisonnables.
En somme, le problème serait donc moins de savoir quand vont arriver les séries
Constantine/
Hellblazer et
Madame X, mais plutôt de savoir si celles-ci vont bel et bien voir le jour, au moment où
Discovery applique déjà une politique d'économie sur les budgets des sorties exclusives à
HBO Max. Une mise à niveau qui a déjà coûté la vie à
l'adaptation des Wonder Twins, très récemment, pour de basses raisons monétaires. Plus inquiétant encore : si
David Zaslav estime que les anciens pontes de
WarnerMedia se sont fait flouer en signant avec
Bad Robot pour une somme mirobolante sans avoir obtenu jusqu'ici un retour réel sur investissement, on serait en droit d'imaginer que la compagnie sortie de la fusion finira par couper le robinet, après les 200 millions exigées par
Demimonde. Au global,
Warner Bros. aurait ainsi lâché près de 500 millions à
Bad Robot, sans avoir pour le moment de garantie sur la fidélisation d'abonnés ou la construction d'un pipeline en flux tel que l'exigent ce type de contrat entre deux sociétés.
Ce qui reste, au mieux, préoccupant. Les têtes dirigeantes de la Warner avaient déjà coupé court à la série Swamp Thing de DC Universe en estimant que le personnage avait plus à raconter que le produit conduit à l'époque par le studio Atomic Monster. Dans un extrême opposé, on se souvient de la façon dont Disney avait décidé de tuer dans l'oeuf l'adaptation de Y : The Last Man pour éponger en catastrophe un chantier de préproduction particulièrement complexe suite à d'éternelles vagues de retard. L'économie fragile des séries télévisées à l'époque du streaming et de la guerre pour le partage des temps de cerveau disponible ne participe pas à créer un climat serein lorsqu'un commanditaire et son principal fournisseur semblent déjà mal peiner à s'entendre. En particulier quand la structure à l'origine de la commande originelle vient de président contre une énorme transaction, qui impose de rentabiliser au maximum les frais d'une fusion particulièrement coûteuse.
On restera optimistes malgré tout, en espérant voir aboutir certaines de ces adaptations (par un studio au demeurant compétent), mais un point d'interrogation commence à se dessiner au-dessus de la franchise
Justice League Dark - qui reste, d'ailleurs, une propriété relativement maudite pour avoir déjà échoué à produire
deux tentatives par différentes équipes. L'erreur a peut-être été
de surnommer le projet "Dark Universe" pendant un temps - il y a de ces choses que Hollywood n'oublie pas.