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Scurry : la fourrure de vivre

Scurry : la fourrure de vivre

ReviewDelcourt
On a aimé• Une patte artistique de toute beauté
• Un attachement immédiat aux personnages
• Non dénué de réflexions sur les comportements humains
• Un prix doux
On a moins aimé• Beaucoup de questions restent en suspend
• Si les couleurs numériques vous effraient
Notre note

De We3 à Rover, Red, Charlie en passant par Animosity, Bêtes de Somme ou le récent Stray Dogs, nos animaux à fourrure préférés sont de façon ponctuelle les héros de comics - et très souvent pour des oeuvres de qualité. Sorti récemment en VF aux éditions Delcourt, le premier tome du Scurry de Mac Smith est une nouvelle preuve que les comics animaliers continuent d'avoir de beaux jours devant eux.

Un tiens vaut mieux que tu l'au-rat 

Mac Smith est un illustrateur résidant dans le sud des Etats-Unis. Artiste peintre numérique qui a officié sur les licences Dark Crystal ou Warhammer, il déporte son approche d'une fantasy assez réaliste dans un univers faits d'animaux à pattes et fourrures avec Scurry. Le projet, publié d'abord en webcomic à destination de toutes et tous, a trouvé un certain succès lorsque l'auteur a entrepris de proposer une version imprimée de son récit par financement participatif. Désormais, c'est grâce aux soins de Delcourt Comics que l'on peut retrouver le premier tome de ce qui s'annonce comme une trilogie immanquable. Pour qui aime la mise en scène de bestioles et les récits d'aventure avec une hauteur teneur en tension, Scurry réunit bien des choses qui devraient vous plaire.


Sur l'aspect graphique, en premier lieu, car c'est ce qui avait immédiatement retenu notre attention lors de l'annonce de la venue du projet en VF. Mac Smith a une approche assez réaliste pour ses personnages à fourrure, mais réussit à apporter des émotions à ses animaux d'une façon qui rappelle Don Bluth. Les gros yeux noirs des rongeurs réussissent à être expressifs et Smith varie les formes et les tailles pour que chacune de ses souris aient sa personnalité. De l'autre côté, les animaux de plus grandes tailles (des loups, des chats et des aigles, entre autres) ont un trait un poil plus réaliste, qui leur confère surtout un aspect menaçant. Ce qui est bien normal, attendu que l'on se place du point de vue des souris, et que tous ces animaux là ne représentent que des sources de danger, au mieux. 

La beauté des planches est aussi dû à un traitement très détaillé du décor et dans la gestion des effets d'éclairages. Mac Smith reprend des décors simples (une maison abandonnée, un jardin, le départ d'une forêt) mais les transforme pour en faire des lieux d'aventure épique, en se rapportant à la taille de ses protagonistes. L'espace entre une table et un rebord de fenêtre devient un dangereux précipice à franchir ; l'entrebaillement d'une porte se transforme en salut quand un chat est à votre poursuite. L'espace entre deux lattes d'une barrière laisse entrevoir des crocs et un regard effrayant, appartenant à une créature que l'on ne saurait identifier vu du sol. Scurry transforme ainsi notre regard sur les petites choses et sur la nature, développant un imaginaire qui transporte. Dans sa mise en scène, le dessinateur sait nous mettre au coeur de l'action et nous fait craindre pour le devenir de ses souris. Les pages s'enchaînent donc, peut-être trop rapidement sur certains aspects, avec beaucoup d'éléments de cet univers qui restent pour le moment en suspend.


L'histoire dans ses prémisses est assez simple : une colonie de souris tente de survivre tant bien que mal à un hiver qui s'annonce on ne peut plus difficile, alors que les humains ont mystérieusement disparu et qu'une pluie toxique s'abat sur terre. Le récit s'intéresse à Wix, une souris et Umf, un rat, partis en vadrouille pour rapporter des vivres à leur colonie. Cette dernière est en proie à des dissensions politiques et luttes de pouvoir interne entre le patriarche, Orim, et Resher, qui a été accueilli au sein de la colonie après que sa propre demeure ait été détruite. Certains pensent qu'il faut quitter leur refuge pour ne pas mourir de faim, mais toute expédition au dehors est extrêmement périlleuse. Des chats, des rapaces et autres bêtes on ne peut plus dangereuses se tapissent dans les hautes herbes et au coeur des forêts environnantes. Mais rester statique, c'est être condamné à une fin certaine...

Très rapidement, Scurry impose son ambiance de survival en ne laissant que peu de place à ses héros - et le lectorat - pour respirer. Les dangers s'accumulent les uns après les autres, dans un monde où le danger peut survenir de partout, et surtout de là où on ne s'y attend pas. Grâce à la mise en scène de Smith, qui joue beaucoup sur le hors champ pour mieux surprendre au moment voulu, la tension est palpable du début à la fin, et l'on se prend à craindre réellement pour le devenir des souris. Dès le départ, la vue du cadavre d'un rongeur, ancien collègue de Wix parti en expédition avant lui, donne le la. Si l'on mentionnait Don Bluth auparavant, en termes de tonalité, on est très loin des gentils dessins animés de Disney. Sans verser dans le sanguinolent, Scurry se veut âpre et cruel, les rouages de la chaîne alimentaire étant ce qu'ils sont quand on se situe au bas de la chaîne en question.


La question d'organisation en société prévaut également avec cette fameuse colonie condamnée dont il est question dans le titre. Même dans un monde abandonné et aussi dur, certains cherchent le pouvoir par dessus tout, et tout grain de sable venant enrayer le fonctionnement de la communauté représente une aubaine pour l'ensemble des prédateurs qui attend au dehors. Mac Smith fait en sorte qu'on se passionne pour le devenir de chacun des rongeurs, la part belle étant fait à Wix et son amie (ou un peu plus ?) Pict. Cette dernière permet d'illustrer un conflit générationnel entre le "laisser faire et attendre" des anciens et l'appel à l'action des plus jeunes, qui se pose assez naturellement en miroir de l'actuel défi climatique que doit affronter l'humanité aujourd'hui. Comme toujours, la bande dessinée se fait miroir de la société qui la voit émerger, mais Scurry reste au final assez léger sur cet aspect. Il faut dire que l'humanité a déjà disparu dans le récit, ce qui est assez explicite sur le regard que porte peut-être Mac Smith sur notre situation. Cela fait en outre depuis les fables de Lafontaine (si ce n'est avant) que les animaux sont utilisés en métaphore de nos comportements, et Scurry ne fait que perpétuer une tradition centenaire. Et le fait bien. 

Avec une direction artistique à tomber (pour qui n'a pas peur du numérique), un univers post-apocalyptique extrêmement prenant et une galerie de personnages attachants, Scurry confirme avec ce premier tome tous les bons pressentiments qu'on avait lors de l'annonce de sa venue en VF. Nouvelle pierre à ajouter à l'édifice des comics animaliers, le récit se montre haletant, clair dans ses enjeux, et manque peut-être simplement de réponses sur les grandes lignes de l'univers qu'il dépeint. On s'attend à en trouver pour le second volume, que l'on attend avec impatience, au bas mot. 

Arno Kikoo
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