Grands amateurs de raretés piochées dans les recoins de l'histoire de la bande-dessinée américaine, avec un penchant pour les comics exploitant certains personnages vedettes de l'ère pulp et de la presse, les éditions Neofelis quittent Conan pour se tourner vers Tarzan. L'enseigne s'intéresse au travail de l'artiste Gil Kane pour le comic strip distribué par United Feature Syndicate sur l'homme-bête de l'auteur Edgar Rice Burroughs. Beaucoup de noms propres d'un seul coup ? Pas d'inquiétude : résumons simplement.
Lord of the Jungle
Si le personnage de Tarzan est aujourd'hui considéré comme une icône poussiéreuse, ses premières aventures participeront à façonner l'enthousiasme public pour les environnements "exotiques" dans la littérature et le cinéma du début du XXème siècle. Le succès immédiat de Tarzan of the Apes (1912), croisé avec d'autres romans d'Edgar Rice Burroughs (The Land that Time Forgot) activeront une sorte de mouvement de l'imaginaire collectif vers les héros de la jungle, les histoires basées dans des forêts lointains et largement fantasmées par les contemporains de l'écrivain. Ce mouvement durera longtemps dans la culture pop' des Etats-Unis, au point que Tarzan enfantera malgré lui toute une série de clones, masculins ou féminins, dans les comics d'exploitation de l'âge d'or, voire de l'âge d'argent. Les fameux "Jungle Comics", sous-genre qui côtoiera longtemps les justiciers masqués dans les kiosques, au point de créer des ponts de correspondance (le Savage Land, au hasard).
Le phénomène Tarzan adoptera toutes les modalités des "franchises" de l'époque, avec une adaptation en comic strips, courant dominant de la diffusion de BDs avant l'apparition de Superman et des formats single issues, en parallèle de l'écriture des vingt-quatre romans de la saga. Tous les dimanches, un artiste se chargeait de livrer une page de la vie de Tarzan, morcelée en épisodes rapides et en arcs scénaristiques sur un rythme hebdomadaire. La bande de United Feature Syndicate durera même un assez long moment, avec une première histoire entamée en 1929 et suivie dans le temps, avec différents artistes en relais jusqu'à l'arrêt de la publication en 2002. De son côté, Gil Kane, artiste vedette de Marvel et DC Comics responsable de l'invention de Hal Jordan aux côtés de Josh Broome, de l'Iron Fist avec Roy Thomas et d'Adam Warlock en compagnie de Jim Starlin, officiera sur les planches entre 1979 et 1981. Avant et après lui, Russ Manning et Mike Grell auront eu à charge de poursuivre le parcours de cet ancêtre en pagne des premiers super-héros - c'est dire si ce comic strip particulier avait su mobiliser les meilleurs talents de l'industrie.
Neofelis s'intéresse précisément au travail de Kane, découpé sur quatre-vingt quatre planches pour six histoires complètes de la saga de Tarzan. Mais il ne s'agit pas seulement d'une traduction : l'éditeur a sondé sa communauté pour savoir si une version colorisée serait un ajout intéressant à proposer. La réponse fut manifestement positive, au point que le marché français sera le seul à accueillir cette adaptation moderne du comic strip de l'époque en couleurs, avec l'artiste Christian Favrelle, habitué des colo' chez Delcourt, Dargaud ou Glénat, au travail. On saluera l'esprit d'initiative, et l'envie de ne pas se cantonner à un simple exercice de scan des originaux.
Le projet est à soutenir sur la plateforme de financement participatif Ulule. L'objectif principal a d'ores et déjà été atteint, mais rien n'empêche désormais de cibler les paliers suivants. A noter que Neofelis trimballe aussi dans sa besace une édition du Nibelungen de Kane et Roy Thomas, adaptation séquentielle du chef d'oeuvre de Richard Wagner paru en 1989 chez DC Comics. En résumé, du bon, de l'archive, et de la spécificité culturelle locale.
