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Batman Universe : Brian Bendis ramène la Chauve Souris au charme du Silver Age

Batman Universe : Brian Bendis ramène la Chauve Souris au charme du Silver Age

ReviewUrban
On a aimé• Le comique du dialoguiste
• Nick Derington, un choix judicieux
• Généreux dans l'utilisation de cet univers
• Tout le Batman de Bendis en un seul volume
On a moins aimé• Tout le monde blague, même le méchant
• Une fin confuse
• Des bonus frustrants
Notre note

Lorsque Brian Bendis a pris ses quartiers chez DC Comics, beaucoup de lecteurs s'attendaient à le voir s'installer sur un projet centré sur Batman. Amateur de polar depuis ses débuts, spécialiste des héros urbains, des justiciers vus à hauteur d'homme, le scénariste avait toutes les cartes en main pour prendre la suite de Tom King, s'attaquer à Detective Comics, voire développer son propre titre. En définitive, le bonhomme prit les mannettes des séries Superman avec un certain succès, en partant sur un autre genre de feuilleton policier : l'enquête de journaliste, le travail de reporter, avec Clark Kent et Lois Lane rendus à leur fonction principale, d'utilité publique.
 
Chez les amateurs du Daredevil de Brian Bendis, beaucoup attendent encore de voir cet immense architecte des rues de Hell's Kitchen dessiner les plans d'une nouvelle Gotham City. En un sens, on salue l'effort du scénariste qui n'a pas voulu aller là où on l'attendait - d'une part, en allant sur Superman plutôt que sur Batman, mais aussi, lorsqu'on lui a finalement proposé de raconter une histoire sur la Chauve Souris, de choisir un axe plutôt inattendu. Il existe en effet une mini-série de Bendis sur le Chevalier Noir, imprimée dans les pages des numéros "Giant", ces revues destinées au départ aux chaînes de magasin Walmart aux Etats-Unis. Apparue sous l'ère Dan DiDio, cette part des publications se concentrait sur la réimpression de numéros proposés il y a un certain temps et, pour attirer les lecteurs de routine, d'inédits par de grands auteurs sur de grands personnages. Parmi ceux là, Urban Comics a choisi d'importer le Batman Universe de Brian Bendis et Nick Derington, une très bonne lecture agrémentée de quelques suppléments.
 
  

Batman Universe se présente bien comme une enquête, articulée autour d'un artefact - un oeuf de Fabergé, vraisemblablement chargé d'une mystérieuse énergie cosmique - et de différentes rencontres avec quelques grandes figures de l'univers DC Comics. Le héros va passer d'un passer d'un point à l'autre du planisphère fictif de cet univers, dans un grand voyage particulièrement généreux en personnages, en localisations, voire en époques convoquées. Premier élément intéressant : la série ne correspond pas aux attentes formées par les amateurs du Brian Bendis des polars. Il s'agit bien d'une enquête, mais le ton est léger. Comique. Enfantin par endroits. Avec un peu de distance, Batman Universe passe pour une déclaration d'amour à l'Âge d'Argent des comics, en mobilisant toute une série de concepts considérés comme bizarre, absurdes ou anachroniques : les gorilles télépathes de Grodd, les aliens à gueule d'aigle de la civilisation Thanagar, l'île des dinosaures de DC et une certaine souplesse dans les infractions aux lois de la physique. 
 
Plus clairement pour les amateurs : Batman Universe est un décalque quasi-parfait du dessin animé Batman : The Brave and the Bold (Batman : L'Alliance des Héros), symbole fantastique de cette capacité à récupérer les bonnes idées de l'Âge d'Argent, avec une large amplitude de personnages secondaires et d'aventures situées en dehors de Gotham City. Bendis s'amuse dans ce paysage plus coloré, en abordant cette contre-histoire foutraque et riche en bizarreries avec une certaine tendresse. La façon dont Batman considère le Riddler, par exemple, représente cet état d'esprit : un personnage souvent compliqué à manœuvrer, avec toute une batterie de gimmicks et de poncifs qui ont souvent assez mal vieilli, poussant parfois pour grotesque. Le Chevalier Noir de Bendis a pourtant un grand respect pour cet adversaire, qu'il traite presque comme un petit frère un peu neuneu avec qui il entretient une sorte de complicité sincère, maquillée derrière les défis, les joutes intellectuelles qui les opposent depuis si longtemps. Le scénariste utilise d'ailleurs la même technique que sur son Daredevil, avec un Batman qui appelle ses vilains par leurs prénoms. Mais, cette fois, moins pour asseoir son autorité que pour poser l'idée que tous ces personnages seraient avant tout des camarades de jeu dans une grande cour d'école qu'on appellerait Gotham City.

 

Bendis rit mais ne se moque jamais, en développant son histoire comme un bel hommage à toutes ces bizarreries empilées dans le coffre à jouet. Le scénariste choisit de faire de Batman Universe un titre comique, avec un rodage parfait dans l'exercice du dialogue-mitraillette où tous les personnages sont drôles, blagueurs, sarcastiques, quitte à les sortir de leurs cases ou à leur prêter des mots qu'ils n'auraient, dans une BD plus sérieuse, sans doute pas prononcé. Ce Batman est un fan de dinosaures (comme tout homme de bon goût), conscient de tout ce que sa panoplie embarque de ridicule (des collants de Robin au motif de chauve-souris), et mène une enquête déterminée et souriante avec tout ce que DC Comics a à lui proposer comme terrains de jeu. Au fil d'une chouette aventure qui passe par des points inattendus, d'un rythme soutenu et efficace qui repose beaucoup sur cette propension aux rencontres et aux changements de lieux, le scénarise s'amuse, avec des hommages à différents moments précis de l'historique du héros (Batman '66 est évidemment cité, sans en faire des caisses).
 
Du côté des défauts, on pourra reprocher à l'auteur de s'encoubler sur les derniers moments de la série. Pensée comme un hommage à l'inventivité conceptuelle de l'Âge d'Argent, celle-ci va très loin, trop vite, quitte à se paumer en chemin. Le dernier numéro évoquera le travail de Grant Morrison sur la Chauve Souris, avec une capacité à condenser en quelques pages une bataille évoluant à travers le temps et l'espace, avec un artefact plus difficile à situer ou à expliquer que d'autres babioles piochées dans le placard à souvenirs de DC Comics. Pour chipoter, on pourrait aussi reprocher à Brian Bendis de donner la même "voix" à tous ses personnages, sans s'embêter avec la caractérisation : tous sont drôles, oui, mais de la même manière. Ce qui n'est pas un véritable défaut au demeurant, sauf pour ceux qui n'auraient pas envie d'embarquer dans ce genre d'histoire, prise selon un certain point de vue, à mi-chemin entre l'hommage aux codes d'écriture d'un autre temps et l'aventure ouvertement comique.

 

En ce qui concerne les dessins, la forme colle au fond : Derington s'amuse avec cette légèreté de ton et cette générosité pour présenter un DC Comics plus lumineux, moins terne, bucolique parfois. A l'image des comics Batman '66, l'idée est sans doute d'inviter un plus grand public à la lecture avec une ligne plus claire, où les rondeurs et les silhouettes répondent à l'ambiance et à l'humour général. Techniquement, aucun reproche notable - l'artiste empreinte les contours et les traits stylisés d'un Rafael Grampa sur les plans serrés, et récupère le goût pour les postures dynamiques et élancées d'un Darwyn Cooke, des couleurs pleines, dans la simplicité et l'évidence d'une intrigue bien exécutée, agréable à l'oeil et volontairement décalée vis-à-vis des comics Batman habituels. Là-encore, une poussière au tableau : cette fresque serait plus agréable encore sans les effets de colorisation numérique imposés par DC Comics dans certains phylactères, en particulier lorsque Alfred parle à Batman dans l'oreillette, avec des bulles de dialogues rouges d'une laideur surprenante comparativement au reste du bouquin, assez superbe dans son genre. 
 
Sur la ligne d'arrivée, Batman Universe reste une très bonne lecture, plaisante à regarder et où Brian Bendis retrouve son statut de page turner - d'un autre genre, mais toujours adroit dans ses dialogues, ses références, sa capacité à manœuvrer tout un écosystème de fiction, et à conter une histoire solide en surimpression de l'hommage général. Quelque part entre la candeur et l'auto-dérision d'un Lil Gotham, le large spectre de personnages et d'aventures rétro' d'un Brave & the Bold et les gags de la Justice League de Giffen et DeMatteis, la mini-série fait le job et laisserait presque espérer une parution régulière dans le même style.
 
  

Pour le reste du volume, Urban Comics a eu la bonne idée d'intégrer l'ensemble du travail de Bendis sur Batman en un seul tome, pour les amateurs. Se retrouvent compilées dans cette édition deux courtes histoires, Citizen Wayne (Gotham Chronicles #21) avec Michael Gaydos et I Know (Detective Comics #1000) avec Alex Maleev. Deux grands copains du bonhomme, pour deux histoires relativement anecdotiques, mais jolies. D'un côté, Citizen Wayne répond à l'obsession de Bendis pour le Citizen Kane d'Orson Wells. En quelques pages, l'auteur réécrit le film en remplaçant Charles Foster Kane par Bruce Wayne, les protagonistes de l'enquête par l'entourage du justicier, et la boule de neige "Rosebud" par un autre souvenir d'enfance. L'idée a tout pour plaire, mais, par manque de place, se cantonne à un bête copié/collé du film original, parfois au mot près. On sent un Bendis encore jeune, qui avait envie de se faire plaisir en rendant hommage à l'une de ses oeuvres préférées, sans plus. Citizen Wayne paraît surtout assez vide en comparaison d'un autre travail signé de sa main : Daredevil : End of Days, chef d'oeuvre inspiré par Citizen Kane sur l'Homme sans Peur, plus abouti, plus travaillé, plus long. Ici, l'intérêt repose surtout sur les crayonnés noirs de Michael Gaydos.
 
Dans le cas de I Know, l'intérêt est une fois encore plus artistique que scénaristique. En imaginant un Bruce Wayne plus vieux qui affronterait le Pingouin pour la toute dernière fois, Bendis évoque l'histoire commune des deux personnages, et le fait que Cobblepot avait deviné l'identité du héros depuis les tout débuts. Les planches d'Alex Maleev sont superbes, mais là-encore, l'histoire manque d'identité, d'enjeux. L'appel d'un Batman par Brian Bendis se fait d'autant plus fort au sortir de ces deux courts segments, pour apposer au présent une vision plus entière au Chevalier Noir par ce champion des feuilletons policiers.

Si le talent de scénariste de Bendis n'est plus à prouver, le choix de faire de Batman Universe une aventure plus drôle et haute en couleurs était à la fois inattendu est rafraîchissant. Dans un océan de titres généralement assez sombres dans le paysage de Gotham City, avec le héros dépressif de Tom King et le guerrier nihiliste de Scott Snyder, replonger dans cette ambiance inspirée par The Brave & the Bold et l'ère Mort Weisinger de DC Comics offre un contre-point assez charmant à cette première (vraie) expérience de l'auteur sur cette mythologie, en particulier pour ce vétéran précis, rompu aux histoires d'enquêteurs et à une réalité plus grisâtre ou réaliste avec se super-héros. En définitive, un vrai bon moment à passer, mais qui pose tout de même la question qui fâche : et si Bendis n'avait simplement pas envie d'écrire du Batman sérieux ?

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Corentin
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