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Daredevil tome 1 - Die & Retry

Daredevil tome 1 - Die & Retry

ReviewPanini
On a aimé• Dessins superbes
• Destiné aux amateurs de Bendis/Brubaker
• Un propos social intéressant sur les justiciers
• Des scènes qui frappent fort
On a moins aimé• Comme une impression de déjà vu
• Encore assez scolaire
Notre note

Après les années de règne de Charles Soule sur Daredevil, l'éternel mouvement de va-et-vient imposé aux personnages populaires commandait de retourner à une origine précise. Le scénariste aura, à sa manière, essayé de s'approprier les mécaniques de l'Homme Sans Peur, avec de nouveaux visages, une dynamique plus verticale sur New York et l'ascension d'un Wilson Fisk à la mairie en allégorie des possibles sur l'échec du système politique aux Etats-Unis. Une base de fans fidèles a eu beau se former autour du volume de Soule, l'ombre de Frank Miller planait encore au-dessus ses tentatives répétées de moderniser Hell's Kitchen, comme dans le cas du très bon passage de Mark WaidDaredevil reste, pour beaucoup de lecteurs, la propriété des Miller, Ann Nocenti, Brian Bendis ou Ed Brubaker, et ceux-là attendaient le prochain "chapitre" de la saga auto-destructrice et tortueuse de Matt Murdock.
 
Alors, on applique une méthode qui a fait ses preuves avec Spider-Man, en rasant de près la moindre trace de Dan Slott ou enchaîner avec un Nick Spencer au degré le plus haut du révisionnisme historique. Daredevil est mis entre les pognes de Chip Zdarsky, devenu depuis quelques années l'un des hommes sûr de la Maison des Idées, et Marco Checchetto, un dessinateur susceptible d'inspirer au public cible le souvenir des Maleev, Lark ou David Mack. Un dessin élégant, violent, qui placarde un décalage systématique de gris et de noir sur les murs d'une Hell's Kitchen de retour dans le chaos urbain, et le dilemme moral systématique de son héros dépressif en proie à l'incertitude constante.
 

Après son accident, Matt Murdock reprend en douceur son activité de justicier costumé. Au fil d'un échange de beignes avec un trio de braqueurs du dimanche, le héros s'aperçoit que son corps ne s'est pas encore tout à fait remis et frappe un peu trop fort l'un des truands. Arrivé à l'hôpital, ce-dernier succombe à ses blessures, et les médias comme la police s'emparent de l'affaire : Daredevil est cette fois recherché pour meurtre, tandis que lui s'imagine être victime d'un coup monté. Un flic incorruptible fraîchement débarqué de Chicago, l'agent Cole North, va prendre sur lui d'arrêter le justicier, et s'enclenche une course-poursuite dans les rues de Hell's Kitchen avec quelques invités à la fête.
 
D'entrée de jeu, Chip Zdarsky montre qu'il a bien fait ses devoirs. L'ouverture du volume évoque le travail de Brian Bendis sur Daredevil, avec des dialogues efficaces, un personnage féminin attachant et une complicité entre le lecteur et son héros, immédiatement comme le Daredevil paumé d'autrefois. Le scénariste utilise une série d'allers et retours entre passé et présent avec l'église de Matt Murdock, inspiré par la série Netflix, pour s'extraire de l'héritage laissé par Charles Soule, et revenir à une sorte d'origine pure et déconnectée des volumes précédents. Le scénariste trouve une voix plus sérieuse que ses travaux d'avant, souvent corrects mais moins noirs, à l'exception notable de Spider-Man : Life Story - cette oeuvre mise bout à bout avec ce nouveau Daredevil seraient à lire comme un tournant décisif dans la tonalité des oeuvres Zdarsky, passées dans un registre plus adulte. L'influence de la série Netflix se ressent également, notamment dans la rencontre entre Matt Murdock et son meilleur pote de droite (un certain amateur de motif crânien) qui rejoue une scène bien connue, avec quelques répliques reprises presque mot pour mot. 


 
Zdarsky profite de ce genre de moments pour instiller une sorte d'entre deux social sur le super-héros. Une réflexion sur le fait que les justiciers agissent au-dessus des lois, et font donc partie du problème (tous auraient, selon lui, un cadavre accidentel dans le placard). Mais, à l'inverse, les policiers ou citoyens seraient tout à fait conscients de leur effet positif. Un refus de trancher entre cette double problématique d'individus prompt à s'approprier la violence et l'acte policier, avec les bienfaits de leur action, ainsi que les contradictions, le problème de la non-supervision. L'auteur va aussi un peu loin sur l'éternel débat d'idées qui oppose Daredevil au Punisher. D'une part, en posant un principe d'origine sociale au crime : l'idée que les gens ne seraient que le produit de leur environnement, et que chaque braqueur, voleur, bandit ou même que chaque ordure raciste serait le stigmate d'une faille dans la société, plus qu'un problème d'individus méchants ou condamnables. 

Cette réflexion, qui s'étale sur le meilleur numéro de cette édition, tombe curieusement à point nommé après les quelques dernières semaines (où la question de la violence exercée par la police serait légitime pour les gens coupables de délit). De la même manière que le Punisher, récupéré par une extrême-droite favorable aux milices privées ou à la peine de mort, paraît plus que jamais coller au stéréotype moderne d'un personnage extrêmement cruel, sans les nuances qui permettent généralement de nuancer l'humain derrière le calibre. Ces éléments participent d'une réflexion assez générale sur le rôle et l'action des super-héros, emballée dans un arc plutôt scolaire au demeurant : le doute d'un justicier sur l'utilité de son action étant quelque chose de déjà vu. On s'attendrait presque à lire un "Daredevil no More" dans les dernières pages. Sans que cela soit crédible, ou original. Le fait même de confronter Murdock au fait de tuer n'est pas non plus inédit (pensez à Man Without Fear, explicitement référencé et identifié par Zdarsky), mais l'exécution fonctionne, grâce au rythme prenant de cette aventure, et à une voix intérieure qui sonne vrai.



Et là-dessus arrive le reproche général : si le scénariste et son compère Checchetto ont été sélectionnés pour les Eisner Awards de cette année, cela ne veut pas dire que ce premier volume est exempt de tout reproche. Foncièrement réussi dans le fond et la forme, le Daredevil de la période "Fresh Starts" a surtout le défaut, à l'image du Amazing Spider-Man de Nick Spencer, de ne pas être si "frais" que ça. La consigne semble plutôt avoir été "fais nous du Brian Bendis, fais nous du Ed Brubaker". Les références à Miller se ressentent aussi, et pas seulement pour Man Without Fear : lors du combat entre DD et les trois brigands du début, le personnage emprunte une réplique de Batman : Year One au mot près, comme pour adouber discrètement l'idée que volume se placerait dans une continuité toute tracée, après les expériences de Soule ou Waid, partis dans d'autres directions. 

Le problème n'est pas inhérent à ce volume particulier : pour tous ces personnages avec une longue série de grands moments derrière eux, il devient de plus en plus difficile d'inventer, ou de contenter tous les publics. Le travail de Zdarsky se place sur les épaules de géants, de manière ouverte et tout à fait assumée. Mais, pour les vieux lecteurs de Daredevil qui seront justement passés par tous ces chefs d'oeuvres antérieurs, celui-là passe pour le moment comme un travail très scolaire d'admirateur, une déclaration d'amour à ses maîtres et à ceux qui ont fait de ce personnage un véhicule pour des chefs d'oeuvres tels que Born Again ou End of Days.


Pas un réel défaut en soi - l'époque moderne est aussi celle des grands imitateurs, des remix réussis des meilleurs moments du passif culturel - mais plus une sorte de reproche vis-à-vis du choix des Eisner Awards, qui semblent plutôt empaqueter Daredevil avec Spider-Man : Life Story pour saluer la transformation d'un scénariste au talent ascendant. Avec son propos sur l'utilité ou le danger inhérent à l'action individuelle des justiciers, Zdarsky met dans le mille en poursuivant une réflexion entamée par Bendis et la dépression nerveuse de Matt Murdock. Sont aussi bien trouvés les sous-entendus sociaux, les scènes pensées pour être anthologiques et frapper le regard, comme le combat de boxe urbaine entre le héros et l'officier, celle des deux flingues dans le repaire de Frank Castle, ou le Daredevil en T-shirt à motif, autant d'éléments susceptibles d'imprimer immédiatement l'imaginaire de ce personnage, comme des petites évidences mémorables, qu'on retiendra sans doute comme a jadis retenu le Daredevil en prison, le Daredevil contre les yakuzas, le Daredevil et sa bataille finale contre Wilson Fisk pour le titre de "caïd". 

Le style de Checchetto aide aussi à retenir ces moments de bravoure, avec un dessin superbement approprié à l'ambiance étouffante et chaotique de Hell's Kitchen, éternellement figée dans cette image de quartier sous pression des années 1970 prêt à exploser à tout instant. Des effets de fumées, de grain, de lueur de sirènes de police et une variation dans les tricheries numériques en fonction des décors imposent une impression de série soignée et réfléchie en surimpression des crayonnés. 

Pour toutes ces qualités, Zdarsky n'invente pour le moment pas grand chose, et reste cantonné à un travail de copieur parfait avec le supplément d'âme nécessaire à une appropriation lente, mais décidée, des codes de ce personnage et de son environnement. Cela étant, le rythme est maîtrisé, les dialogues sincères, les dessins appropriés à l'ambiance et aux personnages, les effets de surprises résonnent, et l'envie de commencer un run par une telle descente aux enfers est une prise de risque agréable dans les ors très plan-plan des séries Fresh Starts - en résumé, on n'attend plus qu'une étincelle, une secousse précise pour espérer casser le moule. Affaire à suivre pour les prochains volumes.


Belle surprise de la période Fresh Starts, la série Daredevil éloigne Chip Zdarsky de ses aventures plus légères ou plus conventionnelles pour plonger dans les recoins les plus noirs du super-héros. Dans le rapport des figures costumés à l'autorité et la justice, leur capacité à briser leurs propres règles ou à planquer quelques cadavres en cours de route, ce premier arc pousse un peu plus loin l'habituelle joute opposant la franchise de salopard d'un Punisher, très à l'aise dans un totalitarisme maquillé de justice, et un Daredevil plus si sûr du bienfondé de son action. Avec de superbes dessins et quelques clins d'oeil aux grands volumes d'antan, Zdarsky prend la suite du diptyque Bendis/Brubaker pour brosser dans le sens du poil ceux qui attendaient, depuis longtemps, une nouvelle plongée dans cette psychanalyse tortueuse et masochiste, où Daredevil regarde encore et toujours la lumière grésiller avant de s'éteindre pour de bon. Reste à voir comment le scénariste saura transcender cette démarche d'imitateur pour imposer des choses plus inédites ou plus personnelles à l'Homme sans Peur.

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Corentin
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