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Daredevil #600, Charles Soule sans supplément d'âme

Daredevil #600, Charles Soule sans supplément d'âme

ReviewMarvel
On a aimé
• De bonnes idées
• Le Fisk à la mairie
• Ron Garney et Matt Milla
On a moins aimé
• Impersonnel
• Rapide, facile, vite oublié
• Soule ne se sert pas des bonnes armes
• La menace à venir plutôt inintéressante
Notre note

A quelques semaines de Despicable Deadpool #300 et Iron Man #600, et alors que nous venons seulement de passer le cap symbolique du trois-centième pour la série Spectacular Spider-Man, Marvel continue de jouer sur tous les tableaux. Créer un kilométrage artificiel avec des numéros à trois chiffres en compilant les différents volumes d'un même personnage, puis le relauncher au numéro #1, et ainsi n'être jamais en panne d'événements à fêter.

Fort heureusement, en dehors de quelques couvertures variantes et d'un bref passage de Ron Garney, l'éditeur n'aura pas tellement insisté sur l'anniversaire symbolique de Daredevil qui passe aujourd'hui le cap des #600 singles (plus ou moins). Une simple fin d'arc dans un numéro étendu, bien dessiné, mais où se pose encore le problème de l'attachement de Charles Soule à ce héros qu'il a repris en main il y a déjà quelques années.
 
Comme beaucoup de personnages, Daredevil aura connu plusieurs facettes au fil de la continuité et des passages d'auteurs : la première, plutôt lumineuse et souriante, un peu ringarde mais attachante, celle des origines. Et puis, la seconde, entamée par Frank Miller et poursuivie plus tard par Brian M. Bendis et Ed Brubaker, celle d'un héros plus sombre, plus destructeur, hanté par la fatalité de son destin de protecteur et d'un antagoniste particulièrement retors, Wilson Fisk. Chacune de ces deux versions aura été l'opportunité de très bons runs, celui de Mark Waid en particulier qui fera un joli travail de soudure pour lier les deux fandoms du héros.
 
De son côté, là où Soule aura souvent été bon sur la partie Matt Murdock, son passage n'aura pas été celui que les fans attendaient. Plutôt hésitant à s'approprier le Diable de Hell's Kitchen, son travail sur la série principale aura été quelque peu assombrie par les mini-séries Bullseye et Kingpin, plus inventives ou plus proches de ce que le fan pur et dur de DD aime à retrouver dans les ruelles tristes de son quartier. On le retrouve ici au bout d'un arc intéressant, quoi qu'assez peu original dans l'idée : prendre le vilain et lui confier un poste politique d'importance.
 

 
La pratique a de la valeur quand on parle de Wilson Fisk - cela fait bien longtemps, depuis Brubaker en particulier, que le puissant Caïd est devenu plus qu'une simple figure de sadique obsédé par le pouvoir. Là où ses joutes physiques et cérébrales avaient une saveur intemporelle dans les années 1980, le héros, comme d'autres, comme Luthor, comme Magneto et autres immenses vilains du catalogue, aura profité de l'évolution des comics vers une vaste complexification, une quête de facettes plus ambiguës. Humaniser le vilain, pour que le lecteur, quand il devra se mettre à sa place, le trouve terrifiant parce que plus compréhensible. Et de là naît l'éternel dilemme moral.
 
Fisk et Murdock jouent à ce jeu depuis bien longtemps, et cet avènement au poste de maire aurait pu être l'opportunité de tartiner allègrement vers d'autres questionnements - la gestion d'une société, par exemple - mais le sujet n'est pas réellement de savoir lequel des deux a raison ici. Charles Soule va assez vite pour conclure son arc, et ouvrir sur un nouveau point de départ (une sorte de fresh start ?) pour les mois à venir.
 
Le personnage de Muse reste intéressant à lire, toujours bavard et inquiétant derrière son horrible apparence d'artiste des rues. Soule commente sa propre envie de faire bavasser ses héros et vilains, avec un Kingpin las de devoir échanger à grands coups de dialogues inspirés par ceux des années 1970 des héros qui préfèreraient se répondre avec les poings. La peinture générale des personnages a cet aspect expédié d'un scénariste qui a, lui aussi, envie d'aller vite au moment qui l'intéresse.
 
Le rassemblement des héros n'est pas bien utilisé : Soule n'est apparemment pas à l'aise avec les personnalités de Spider-Man ou Marc Spector (tout de même amusant en sociopathe ultra-violent, quoi que ce ne soit qu'effleuré) ou même la pègre en général, des idiots imbus d'eux mêmes et sans consistance. 
 
Pour un six-centième, un nombre important de personnages se heurtent à un nombre restreint d'interactions, le scénario se voulant assez économe sur les dialogues. Sous-entendu, gouache, effets de styles éventuels, tout est dispersé en petite quantité dans des échanges calmes, respectueux, ou éventuellement sonores mais rarement émotionnels. On aura déjà accusé Charles Soule de faire preuve de trop de froideur dans son écriture, et peut-être est-ce le problème ici.
 

 
On retrouve le personnage de Blindspot, un certain nombre de références à quelques moments choisis de runs précédents, et l'annonce de ce que sera la prochaine menace au-dessus de Hell's Kitchen, sans grande surprise ni originalité. Le numéro se lit assez vite, dans des dialogues qui vont de A jusqu'à B avec assez peu d'effets de style - Soule reste en surface et explique avec labeur à quoi pensent ses héros, tout le temps, toujours.
 
On en viendrait à se demander si cet effet n'est pas volontaire - comme Waid, qui cherchait à rendre hommage à un style d'écriture plus candide, celui des origines de Murdock dans l'édition. S'éloigner de la narration polar chère à Brubaker et Miller, s'éloigner d'une Hell's Kitchen brutale aux airs de broyeur (le trait de Garney aide à cette légèreté nouvelle), et même si les combats sont présents, on ne se sent jamais oppressé par le texte ou l'atmosphère générale. Tout est finalement assez poli et avare en noirceur - mais pas forcément plus généreux sur le simple critère du happy go lucky. Soule essaye de s'appliquer au symbole de Fisk et Murdock, et en définitive se retrouve plus pertinent à représenter le combat de Blindspot et de Muse - en somme, ses propres créations.
 
Comme un cahier des charges efficace, qui ramène street level, dualité morale, héros et vilain en miroir, ninjas et vie chargée pour Matt Murdock, Soule ne s'en sort pas si mal. L'ensemble manque tout de même de corps, comme si ce personnage l'intéressait moins que d'autres sur lesquels il aura travaillé. On trouverait ce travail satisfaisant sur un autre héros, mais les jouets que le scénariste emprunte à ses prédécesseurs ne font que rappeler au souvenir du lecteur l'époque où Daredevil opérait à un autre niveau d'exigence. Ou peut-être, pour être plus clément, d'attachement au héros.
 
Ron Garney fait de son côté un travail impeccable, les couleurs de Matt Milla sont superbes, un rendu entier et riche de quelques effets qui valent la peine d'au moins feuilleter le numéro. Faites vous votre propre idée, cela étant dit le seul retour de cet artiste brillant sur cet arc bref aura été l'une des bonnes idées de Marvel pour événementialiser ce qui ne sera, en définitive, que l'énième arc automatique de Soule sur le héros. Plein de bonnes idées, le scénariste semble surtout ne pas savoir sur quel aspect de Murdock appuyer pour identifier clairement son run, juqu'ici, pas si marquant.
 

 
Daredevil #600, anniversaire plus ou moins utile dont le rôle sera surtout de tourner une page et de faire vendre quelques jolies couvertures variantes. On ne pourra pas accuser Marvel de capitaliser sur l'événement comme sur des Venom et compagnie, et pourtant le numéro ne remporte qu'une adhésion polie. Du bon travail sans personnalité, à l'exception de bien jolis dessins habillant une écriture qui malaxe tout ce que l'on connaît de Hell's Kitchen avec assez peu de nouveautés réelles. Dommage, il serait peut-être temps que l'ami Charles passe la main.
Illustration de l'auteur
Corentin
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