Dorénavant de retour chez DC et bientôt chez Marvel, quelques mois seulement après avoir plus ou moins claqué la porte des Big-Two, Jeff Lemire revient sur le devant de la scène comme jamais. Alors que ses projets se multiplient chez les relaunches des deux plus gros éditeurs du marché et que son univers super-héroïque très personnel prend une ampleur énorme chez Dark Horse, l'auteur canadien reprend du service cette semaine chez Image Comics avec Gideon Falls, un titre fantastique, voire horrifique, qui vaut vraiment le détour.
Vous aviez pu en entendre parler du projet dans des interviews plus ou moins récentes des deux auteurs, mais il faut savoir que l'idée derrière Gideon Falls remonte à loin pour Jeff Lemire, puisque l'un des deux personnages de ce récit figurait déjà au générique de son film de fin d'étude. Depuis, les concepts qui l'entourent ont un petit peu évolué, se sont mélangés à d'autres, et on imagine que le coup de foudre créatif avec Andrea Sorrentino a permis à ce Gideon Falls de voir le jour dans sa version définitive, un titre d'une trentaine de pages à l'ambiance particulièrement soignée.

On le ressent dès les premières pages, plutôt silencieuses quand elle ne sont tout simplement pas muettes. Parfaitement servi par son camarade sur Green Arrow et Old Man Logan, Jeff Lemire installe une atmosphère pesante en quelques lignes seulement. On retrouve-là sa maîtrise et sa compréhension totale des genres, qu'il choisit souvent d'embrasser dans de premiers numéros avant de transcender leurs codes ou de les subvertir. Ici, c'est une horreur hallucinatoire à la Twin Peaks qui est convoquée, et force est de constater que Lemire et Sorrentino sont très à l'aise dans cet exercice.
Mais tout n'est pas qu'affaire d'ambiance dans ce premier numéro de Gideon Falls. Et si les compositions très psychédéliques de Sorrentino font mouche, ont remarque aussi la sensibilité de Jeff Lemire. Père de bien des personnages complexes, l'auteur canadien remet ça en donnant naissance à deux personnages étranges mais immédiatement fascinants de part leur complexité. Voir le scénariste sortir de sa zone de confort avec des personnages encore plus sombres, plus proches de Black Hammer que de Descender, est d'ailleurs très appréciable.

Certes, ce premier numéro en dit très peu. Mais le départ d'une série, qu'elle soit indépendante ou mainstream, n'est pas une science exacte. En une trentaine de pages, Lemire et Sorrentino évitent l'exposition et si les enjeux sont encore très flous, le travail sur l'ambiance - bien aidé par les couleurs de Dave Stewart, maintenant que j'y pense - vaut déjà vos 4 dollars. Pour le reste, on laissera à l'univers très curieux mais très intrigant de Gideon Falls l'occasion de se développer dans un futur proche. Connaissant les deux artistes à bord et après la lecture riche en sensations de ce premier numéro, nous ne devrions pas être déçus !
Titre pour le moment très atmosphérique, Gideon Falls réussit son pari avec un premier numéro qui, à défaut de nous en dire beaucoup sur son univers ou ses enjeux, soigne assez son ambiance pour provoquer une réaction sensorielle chez le lecteur. Du reste, puisqu'on s'attache immédiatement aux rares personnages et mystères présentés, il y a peu de chance que la suite déçoive, d'autant que le duo Jeff Lemire et Andrea Sorrentino a déjà fait ses preuves. Bref, un nouveau titre qui mérite votre attention chez Image Comics !