2. Les trois géants
Chapitre 2
Les trois géants
Black Panther vol. 3 #1-#62, Christopher Priest, 1998
Arno vous vantait dernièrement le passage de
Christopher Priest sur le
Black Panther - et si on citait plus haut
Born Again pour le passage de
Don McGregor,
Priest est indéniablement le
Bendis ou le
Brubaker de
T'Challa. L'auteur inventera énormément de choses de la mythologie wakandaise, et pas que, puisqu'on lui doit également la création d'
Everett Ross.
Le run de Priest démarre à la fin d'une époque qu'on aime à qualifier de Dark Age et ça se voit : du style peint des planches aux postures, tonalités ou à l'esprit général, le troisième volume du héros est un ensemble sans concessions qui aime le mélange des genres et l'emprunt aux mythologies les plus variées de l'univers Marvel.
On retrouvera du politique, de l'espionnage, du super-héros classique (ou plutôt, propre à son époque), avec une dose d'humour et de cynisme. Si Priest est considéré à tort ou à raison comme le plus grand scénariste du Black Panther, celui à qui l'on doit le run le plus personnel et le plus novateur, il est aussi à souligner à quel point son approche semble avoir vieilli aujourd'hui.
A l'image de grandes sagas des années 1990, ce troisième volume a le défaut de ses qualités : prendre le meilleur d'un genre et de codes qui auront, hélas, mal traversé le temps. A noter donc de savoir dans quoi vous vous engagez, mais dans la richesse des thématiques, la verve du scénariste, l'impressionnant casting secondaire encore jamais exploré jusqu'ici ou la puissance de cet héritage (sans lequel on peut douter que le Black Panther aurait la même place aujourd'hui), il s'agit d'un indispensable.
S'illustrent en particulier les arcs
The Client (#1 à #5) et
Enemy of the State II (#41 à #45), ainsi qu'un dernier segment où
Priest invente le
White Tiger, ajout conséquent à la ligne
street level qui reviendra chez le héros, plus tard. Le premier tome de ce run, intitulé
Black Panther : Ennemi d'Etat,
est à retrouver à ce lien. Et on vous en reparlera une dernière fois cette semaine - en vidéo.
Black Panther vol. 3 #1-#38, Reginald Hudlin, 2005
S'il est difficile de résumer en quelques mots le run de Priest, Marvel aura bien compris la densité de ce moment d'envergure. L'auteur aura instauré Black Panther comme un héros qui compte, la priorité du volume suivant sera donc de le rendre accessible. C'est ainsi que l'éditeur se tourne vers Reginald Hudlin pour un quatrième volume, où l'envie de faire du retour du héros un événement est souligné par la présence de John Romita Jr sur six premiers numéros.
Hudlin imite sans copier les idées de Priest au début : un premier arc politique, sur la colonisation, où l'on retrouve Ross en médian pour les lecteurs débutants. Tout est cependant plus léger, dans une forme d'humour à la cool, qui évoluera vite vers un ton new reader friendly et drôle où le héros voyagera en quête d'une Reine pour le Wakanda.
On croisera Luke Cage, les X-Men, les Fantastic Four, et bien sur Storm, puisque c'est sous la plume de cet auteur que se fera le mariage entre T'Challa et la déesse des tempêtes. Un peu plus moderne que Priest, Hudlin propose un condensé de bonnes idées, aussi politiques (les personnages rencontreront même Luther King et Malcolm X en voyageant dans le passé) que plus conventionelles et ouvertes à un Marvel moins paranoïaque et cynique que le volume antérieur.
Une très bonne lecture, perméable et qui s'accompagne de plusieurs croisements avec la continuité de l'époque (Civil War ou Secret Invasion sur la fin du run, mais nous y reviendrons plus tard). Sous Hudlin, le personnage passe de bons moments dans les années 2000, et le scénariste reviendra le temps d'une mini et pour une suite plus ou moins directe, où T'Challa cède le manteau de héros à sa petite-soeur Shuri. Le premier arc avec Romita est ressorti récemment (Qui est la Panthère Noire ?) dans une édition Deluxe à retrouver par là.
Black Panther vol. 5, #1 à aujourd'hui, Ta-Nehisi Coates, Brian Stelfreeze, 2016
Après avoir hésité sur la place à prendre pour la panthère dans les parutions modernes, le film est en ligne de mire et se crée chez Marvel l'envie d'en refaire un héros qui compte. C'est dans cette optique que l'éditeur contacte Ta-Nehisi Coates, journaliste, écrivain, activiste, un auteur réputé pour sa plume et ses convictions politiques, qui se jette dans le comics avec aisance et énormément de talent.
Récent, le volume de Coates est encore complexe à analyser. On peut le résumer en disant que l'auteur recomplexifie tout ce que l'on connaît du Wakanda : d'un T'Challa qui hésite entre être un Roi ou un héros, d'une société qui se déchire entre plusieurs révolutions, la religion du Dieu panthère elle-aussi enrichie, et toute une batterie de nouveaux personnages tous passionnants et développés par Marvel dans des parutions compagnons.
Coates traite d'un angle politique différent, plus penché sur le fonctionnement des sociétés africaines, avec une lecture sur les révoltes, le monde terroriste, et le besoin de passer de la tradition à la modernité parfois laborieux. L'auteur brille surtout par son envie de placer les personnages secondaires au même niveau que le héros, et par des vilains fouillés et travaillés (ce qui a toujours été la force du Black Panther).
On retrouve aussi de nombreux renvois à la continuité, et l'une des meilleures séries
Marvel de ces dernières années - plus complexe et dense que le film, qui amalgamme énormément d'éléments là où
Coates aime s'attarder. A lire, et contrairement à d'autres oeuvres citées plus haut, l'avantage est que l'on peut encore être surpris des tournants à venir ! Toute la série est publiée en ce moment par
Panini Comics (
le tome 1 par ici, si vous voulez bien).
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