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Thor : le marteau et l'enclume ?

Thor : le marteau et l'enclume ?

chronique

Cette semaine, se poursuit le grand rattrapage de dix années passées sous le règne aujourd'hui incontestable de Marvel Studios au cinéma. Aujourd'hui, effectivement, puisque comme l'a rappelé Iron Man 2, les productions nées la Maison (filmique) des Idées n'auront pas attendu avant de diviser les foules, ou de se révéler simplement en deçà du rêve grandiose que vantaient certains. 

Thor, premier du nom, joue dans la même catégorie : ni affreusement mauvais, ni réellement bon, le film aura déçu, ou rassuré. D'aucuns louent la performance de Tom Hiddleston, un respect porté aux concepts de Jack Kirby, d'autres abhorrent le segment terrestre et l'étrange construction inversée d'un film qui peine à rendre justice à son héros au physique de surfeur.
 

 
Mais la qualité n'est pas forcément le plus intéressant à retenir de ce Thor, sorti en 2011 et signé Kenneth Branagh. Au moment des premières projections, cela faisait plus de dix ans que Marvel espérait adapter ce personnage, un véritable incontournable de son écurie. Beaucoup de réalisateurs seront passés échanger autour de différentes tailles d'expresso le prix de contrats souvent tirés vers le bas - le temps de gestation sera un indicateur de la difficulté à mettre en branle le projet. Devant d'autres films sur des héros moins en vue, comme Daredevil ou le Ghost Rider. En définitive, il y aura eu du David Goyer ou Guillermo Del Toro - lequel refusera pour aller faire le Hobbit (vous pouvez rire, allez y). Sans oublier Matthew Vaughn qui réécrira le script pour faire baisser le budget estimé à 150 millions. 
 
Pas mal d'observateurs se posaient la question du risque encouru, lorsque Marvel lançait le projet des Gardiens de la Galaxie. Le parallèle est intéressant : là où l'idée n'était pas plus choquante que ça pour quiconque a déjà un pied dans les séries cosmiques, on peut se prêter à imaginer la tête d'un Ike Perlmutter, quand on lui a annoncé que sa compagnie allait produire un film où Bradley Cooper joue un raton laveur alien qui s'évade de prison. Parce qu'après tout, quelqu'un doit bien signer les chèques quand les fanboys décident de se faire plaisir entre eux.
 
Evidemment, Thor joue à un échelon moins haut sur l'échelle du bizarre - le personnage présente un monde plus plausible, plus ancré dans l'imaginaire collectif, plus mythique donc plus facile d'accès. Mais, un simple regard à la trilogie dans son ensemble illustre la difficulté qu'aura eu le cinéma à rendre crédible cette enclave enchantée des séries de Marvel. La première tentative tente de récupérer le passé shakespearien de Brannagh, dans des décors virtuels imposants, avec la multiplicité des neuf royaumes pour toile de fond. Le second et le troisième joueront un jeu différent, en s'éloignant chaque fois plus loin de la réalité des comics pour amplifier peu à peu l'aspect de comédies.
 
 
 
Au-delà du jugement de valeur, on peut se demander quelle limite concrète le cinéma s'impose, ou s'imposait à l'époque, sur la crédulité accordée au public. Dans les premiers temps de Marvel Studios, l'accent était plus mis sur des héros nés de l'imagerie militaire, industrielle, scientifique - alors, que faire de la science dans ce monde qu'on a pensé pour être connecté ? On ne verra pas grand chose des six autres royaumes, passés Midgard, Jötunheim et Asgard, et là où le premier film s'autorise des accents de fantasy, on aurait du mal à ne pas le voir comme l'enfant bâtard de producteurs frileux et d'authentiques passionnés.
 
Thor était  à ranger dans la catégorie des inadaptables. A se demander si Feige ne sera pas parvenu à le mettre en route seulement grâce au succès surprise d'Iron Man, un ticket d'entréea plus de confiance. Le moindre producteur qui pense en terme de retour sur investissement qualifie ce type de projets de niche, que le spectateur n'est pas prêt à recevoir - comme les super-héroïnes, en définitive. Si ce jugement a bien été acté tel quel, on comprend mieux le besoin de baisser le budget, ou certaines étrangetés dans le montage ou l'écriture (comme le fait de garder la bataille la plus imposante au début).
 
 
 
Paradoxalement, Marvel n'aura pas fait mentir cet état de faits : le Thor des comics ne ressemble en rien à celui de ce premier film, dont le background est assez expédié et vite ramené à un statut de héros de cinéma. Qui emballe la fille, fait rire par quelques instants de balourdise, et devient rapidement une (petite) figure messianique. Le tout dans des décors vides, aux personnages secondaires creux, et avec un désintérêt général pour la richesse mythologique qui passionnait Kirby. Ici résumée aux Géants de Glace, au Bifrost, et à Mjölnir
 
C'est à rappeler, mais Marvel Studios n'a pas à l'époque touché le milliard symbolique du Avengers de Whedon, et reste piégé dans le jeu de producteurs moins investis dans l'envie de donner corps à une adaptation fidèle. Le manque de confiance sur le projet était évident, comme le sera le besoin de faire venir Alan Taylor sur le second volet. Parce que Thor, vu de loin, fait un peu fantasy, un peu décors naturels, un peu Game of Thrones pour celui qui voit chaque concept comme une marque, et donc on a été chercher là-bas un réalisateur adapté en se disant qu'appliquer cette formule mathématique était une question de bon sens. Il en résulte deux films qui, une fois de plus, ne marqueront pas grand monde, en dehors du chemin entamé vers la menace des Vengeurs
 
 
 
Si ce n'était pas son sujet de prédilection, on aura retrouvé plus d'intérêt chez Waititi pour le corpus nordique que chez un metteur en scène européen, qu'on imagine pourtant assez bien en pleurs devant un opéra de Wagner (mais, peut-être nous trompons nous). En réalité le crime du premier Thor est comparable à celui d'Iron Man 2 : imposer très vite les limites d'exigences de Marvel, qui se contentera pendant une bonne partie de sa vie à ne viser que le divertissement moyen, sympathique ou bon, à de rares exceptions. Et à usurper le titre ou l'inspiration d'arcs célèbres, généralement nivelés par le bas, parce que le cinéma est un medium différent à qui nous demandrions moins - supposément.
 
Thor a sacrifié son terreau et ses grands récits à une blague réussie sur le Fils de Cool, écoeuré Natalie Portman et passé plus de temps sur Terre à courir après le chef décorateur pour être devenu réellement intéressant. On pourra saluer le rebond de Feige, qui aura plus vu le potentiel de l'interprète que du personnage, et fait confiance au potentiel comique de Hemsworth pour proposer une vraie bonne comédie dans le troisième épisode. De leur côté, les amoureux de l'aspect le plus sérieux et premier degré de la version BD gisent dans un cercueil. Ou alors, comme les fans de Wonder Woman, reconnaissent que ce n'est pas si mal mais qu'on est loin du compte si on a un tant soit peu de culture dans les récits du héros. Dommage. Mais, hé, attendez qu'on vous parle du deuxième.
Corentin
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