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Justice League : Retour sur une production compliquée

Justice League : Retour sur une production compliquée

DossierCinéma

Rares auront été les franchises aussi sonores sur leurs soucis internes. Le DCEU aura, au terme de quatre années d'existence, jeté un immense pavé dans la marre du cinéma hollywoodien - et pas seulement pour les fans de super-héros.

A l'heure où chaque studio espère son univers partagé, le grand rival de Marvel en comics aura montré en quelques films qu'il ne suffit pas de courir vite pour aller loin. Et si les avis divergent souvent quant à l'appréciation de chacun des films proposés par le studio - y compris ici-même et au sein de notre équipe - force est de constater que les faits sont là pour qualifier la production du film Justice League de chaotique.

A la veille de sa sortie, on vous propose un petit retour (à peu près exhaustif) sur les différents épisodes de production qu'aura vécu l'oeuvre de Zack Snyder, et le réalisateur lui-même depuis son entrée en lice pour le compte de la Warner avec son Man of Steel.
1. The Dark Knight Falls
Chapitre 1

The Dark Knight Falls

Parler de Justice League revient à parler de plein de choses. Symptôme de toute une série de bizarrerie de productions, le film part de très loin, et traverse à sa façon les méthodes d'un studio qui n'aura fait que se chercher. Nous sommes en 2014 quand Kevin Tsujihara, C.E.O. de Warner Bros., détaille les plans des adaptations DC Comics pour les années à venir.

Loin des projecteurs et des shows de conventions à la Kevin Feige, la franchise dévoile son plan de bataille sur une présentation powerpoint aride, à destination des actionnaires. Premier d'une liste qui n'aura pas tant bougé, Batman V Superman est la première porte, l'entrée vers une philosophie inspirée des succès de Marvel Studios au cinéma qui aura poussé un studio dans de mauvaises directions.


San Diego Comic Con 2013, Zack Snyder évoque la suite de Man of Steel. L'acteur Harry Lennix monte sur scène, et lit une citation du Dark Knight Returns de Frank Miller. Un logo apparaît, le plastron de Superman s'encastre dans le symbole de chauve-souris lui-aussi hérité de l'auteur au chapeau, et s'officialise Batman/Superman sous une pluie d'applaudissements.

Quelques années plus tôt, un jeune Snyder sortant de Watchmen déclarait que son projet de coeur aurait été d'adapter dans la foulée le DKR. Aux premières étapes de production, le cinéaste va même rencontrer Frank Miller, et tandis que tout se met en place, le projet part vite vers une autre direction.

On entend presque plus la voix de Christopher Nolan, pourtant encore annoncé à la production exécutive. David S. Goyer, scénariste de Man of Steel, laisse place à Chris Terrio, le film se réécrit et est repoussé d'un an. Et un an après, lorsque Tsujihara annonce ses plans, le projet ne s'appelle plus Batman/Superman mais Batman V Superman : Dawn of Justice, un titre plus qu'explicite quant à l'ambition d'introduire la Justice League aussi vite que possible.

Ce que beaucoup d'analystes ont compris comme un fait simple : entre le début et la fin de la trilogie The Dark Knight, le marché du super-héros au cinéma aura vécu la venue de Marvel Studios et son avalanche de milliards. En comparaison, Man of Steel et son approche héritée d'une philosophie à la Nolan n'aura ramené que 668 millions - somme énorme, mais à relativiser sur le succès d'autres films survenus entre temps. Pour un studio qui aura annulé la suite de Superman Returns jugé "trop peu rentable" à l'époque, les connexions se font d'elle même.


La production accumule les erreurs : distiller une promotion sur trop longtemps en jouant sur l'attente, dévoiler sans vergogne le troisième acte et la présence de Doomsday, couper du film la présence de Steppenwolf rangée loin du regard public dans la version longue. 

Difficile de dire aujourd'hui si la Warner avait ou non confiance en son projet. On apprendra plus tard que même l'appellation DCEU n'avait jusqu'à récemment rien d'officielle et partait d'une blague en interne, et que Ray Fisher, interprète de Cyborg, n'était même pas au courant que le personnage aurait droit à son propre film. Espérant un succès d'au moins 900 millions, le studio tombera près de la ligne, en empochant 873 millions sur la ligne d'arrivée.

Là où un Batman solitaire terminait à plus d'un milliard dans Rises, l'aspect événementiel de Batman V Superman n'aura pas suffi à égaler des films de petite envergure, tels Iron Man 3 (jamais plus qu'une suite). Et tandis que Ben Affleck s'offre un plateau repas sur un vol Turkish Airlines, l'acteur entre dans un spleen dépressif digne du vrai Bruce Wayne : contrairement à ses partenaires à l'écran, plus jeunes ou moins experimentés, le cinéaste a plus à défendre qu'une série de films de studio.

Pendant ce temps, les retours négatifs commencent à remonter jusqu'aux bureaux des grate-ciels d'Hollywood. Consternation générale : la Warner décide, avec ou sans l'aval d'un fandom déchiré entre de stupides guerres de tranchées, de revoir sa copie. Mais loin d'imaginer que le montage, les ingérences de productions ou l'écriture sont à blâmer, le studio se contente d'un comparatif sordide : les films Marvel sont marrants, donc on va faire marrer le public et tout ira beaucoup mieux. Et il y aura des étapes intermédiaires.

 

C'est alors que survient la parenthèse Suicide Squad sur l'échiquier de Warner Bros.Suicide Squad, véritable catastrophe industrielle, se révèle dans un premier visuel exclusif à la Comic Con de 2015, n'annonçant pas un film comique (du tout). Son réalisateur David Ayer évoque l'envie d'une adaptation brutale, difficile pour ses personnages, et pourtant, dès sa première bande-annonce, le projet a des airs d'énorme commande pensée pour imiter le modèle Marvel (au point d'assumer l'idée de la scène post-générique, ce que les deux précédents films avaient refusé). 

Qu'est ce qui s'est passé ? Quand le Hollywood Reporter revient sur les faits, l'effroi est total chez les (authentiques) fans de DC Comics, devant le traitement que les studios réservent à leurs personnages. Le film part en tournage avec une deadline extrèmement courte, un script écrit à la va vite et à peine terminé. La Warner ne peut pas ou ne veut pas décaler, les mains liés par différents partenariats commerciaux. Ayer est choisi parce que c'est un "petit" réalisateur, donc un réalisateur pas cher susceptible d'accepter ce délai laborieux. 

Pendant que lui met en boîte un film sombre qui lui ressemble, le studio commande à une société de bande-annonces un second montage, plus axé sur l'humour. Les projections tests donneront (logiquement) raison à l'angle du divertissement sympatoche, et Ayer devra seul assumer l'ensemble et finir son film sous cette direction. 

Le métrage assemblé, avec des morceaux de reshoots éparses et un Jared Leto aux abonnés absents, tout le monde se regarde et se demande ce qui s'est passé. Catastrophe dans la critique, succès au box office, rien ne semble obliger Warner à se remettre en question, pourtant le studio comprend que le cas d'école est trop gros pour n'être autre chose qu'une gigantesque anomalie. 


Le studio change une seconde fois de stratégie, décidémment prompt à tourner avec le vent, et propose l'entre-deux qui permet au DCEU de relever timidement la tête : Wonder Woman. Après avoir limogé Michelle MacLaren et son ambitieuse Diana en héroïne d'une production calquée sur Braveheart, la Warner pose les choses clairement. Le but n'est pas de révolutionner l'industrie, le but n'est pas non plus de faire du trop grand ou trop cher.

Le film suit à son tour un parcours codifié, avec des ingérences de productions comparables. Cette fois cependant, le fandom sait à quoi s'en tenir, et la réalisatrice Patty Jenkins, qui fait son travail de corpo' en défendant Suicide Squad sur les réseaux sociaux, s'est accordée avec ce qu'on lui demandait. On se contente d'apprécier le côté léger, la performance de certains interprètes, et l'apport d'un film de super-héroïne longtemps attendu.

Mais si le Wonder Woman séduit par son symbole, difficile de dire qu'elle ne profite pas de la colossale déception qu'aura été Suicide Squad dans le coeur des gens. On se demande d'ailleurs quelle mouche pique Warner qui entend pousser son film aux Oscars, gargarisé par des retours enthousiastes d'une presse qui salue l'audace (immense) d'avoir proposé un film dont l'originalité sera d'avoir une femme dans le rôle titre.

Le raisonnement du studio commence à s'éclaircir : sur-réagir, aux bons comme aux mauvais retours. C'est dans cette optique que la production du suivant s'établit, et on tourne une page, puisque cette fois, ça y est, plus moyen de reculer, Justice League est en vue. 

Chapitre suivant >Injustice League
2. Injustice League
Chapitre 2

Injustice League

Entre la sortie de Dawn of Justice et de Justice League, du chemin aura été parcouru. D'un côté, on peine à trouver qui s'occupera de Flash, sensé accompagner Aquaman dans les sorties de 2018, finalement retardé. Un comble pour le Bolide qui ira de loin en loin pour au final surprendre son monde.

On charge au départ Phil Lord et Chris Miller, réalisateurs émérites des Jump Street et du film La Grande Aventure Lego, d'écrire une première histoire. Le choix est bon : Flash appelle un ton léger, de par son héros, ses vilains, et le besoin d'une orientation marquée qui trancherait avec la version télévisée.


Mais les réalisateurs partis sur Solo n'ont pas le temps, aussi on confie un siège vacant à Seth Grahame-Smith. Lui même ne fera que passer, et de mains en mains, le projet arrive à Rick Famuyiwa, un autre réalisateur de la sphère indé' que la Warner voit sans doute comme un second David Ayer.  Mais Famuyiwa, après avoir amené sur le projet sa muse Kiersey Clemons, ne l'entend pas de cette oreille. Le réalisateur écrit un script immédiatement refusé par les producteurs, et d'un commun désaccord, on invoque l'entité divine du différend créatif pour justifier un départ et une réécriture complète du scénario - qui en arrive donc à sa troisième version.

En vérité le projet Flash est aussi significatif de l'autre aspect problématique du DCEU. Si Bruce Wayne n'a jamais envisagé sérieusement de raccrocher capes et collants, un bruit de couloir persistant résonne dans les ruelles sombres de Los Angeles. Affecté par le désamour critique de Live by Night, les retours négatifs de Batman V Superman et une situation personnelle compliquée, Ben Affleck abandonne la réalisation du film The Batman

Ce premier geste fait dire à nombre d'observateurs que l'interprète de Wayne serait prêt à quitter le rôle. La rumeur persiste. Warner ne semble pas ignorer le problème : après le succès de The Lego Batman, on propose au réalisateur Chris McKay un projet de film Nightwing, pendant que l'adaptation du Bolide Ecarlate se rebaptise Flashpoint pendant la SDCC. Ces deux portes de sorties laissées ouvertes pour Ben Affleck, on apprend dans la foulée que le studio attend de connaître l'accueil critique de Justice League pour statuer sur le film Flashpoint et ses enjeux. Du grain à moudre, et un acteur encore incertain. 


Quant au chemin parcouru, de bonnes nouvelles se profilent aussi à l'horizon. Après Suicide Squad, on écarte le vil Charles Roven (apparemment responsable en grande partie du fiasco) des films à venir. James Wan opère dans son coin sur Aquaman avec l'aval des studios, et parvient même à placer son poulain David Sandberg sur le film Shazam qui avance pépouse à l'ombre de plus grosses machines.

Consciente de la difficulté de traiter l'arborescence DC comme n'importe quelle autre franchise, trop de contraintes étant mises en jeu, la Warner se tourne vers l'homme sûr des comics, Geoff Johns. Habitué à manœuvrer un navire de publications, Johns est bombardé président de DC Films, une entité où quelques producteurs et ce super-consultant devront donner vie aux futures adaptations de la marque.

S'entame alors une vaste campagne de damage control : en micro, Johns et son accolyte Jon Berg parlent d'un retour à l'optimisme, à l'espoir, qui se veut radicalement différent de ce que le studio a mis en avant jusqu'ici. Les acteurs accompagnent le mouvement et répètent à qui veut l'entendre que la période noire est bien derrière eux. 

Tandis que Johns intervient dans les phases finales de Wonder Woman, DC Films se penche sur la question Justice League. Dès les débuts du tournage, la presse invitée à visiter les plateaux confirme cette envie de faire dans le léger, et lorsque Snyder présente une version préliminaire aux exécutifs, ceux-ci semblent satisfaits. On lui demande cependant d'aller encore plus loin, et c'est là qu'intervient Joss Whedon, occupé de son côté sur le film Batgirl, à venir passer une seconde couche de brillant.


Là où la version longue de Batman V Superman s'étendait sur une durée de trois heures, on commande ici un métrage de tout juste deux heures, générique compris. Justice League est pensé comme plus léger, plus simple, plus court. Mais aussi plus cher. Lorsqu'une tragédie familiale éloigne définitivement Zack Snyder des plateaux, Whedon se retrouve seul au pilotage de reshoots intensifs, qui auraient poussé le projet jusqu'à un faramineux budget de 300 millions.

Pour unifier ce lourd contenu additionnel et le style marqué du réalisateur de Watchmen, la Warner commande un travail de post-productif intensif pour unifier l'esthétique bicéphale d'un film à deux propositions visuelles opposées. 

On retire les idées posées par Snyder sur Lex Luthor dans cette suite, et on enlève la Iris West de Kiersey Clemons tant que le destin du film Flash demeure incertain. Côté style le différentiel de ton et d'esthétisme agrippe l'oeil dans les bande-annonces, et le studio qui aura beaucoup trop inversti réitère les erreurs de la promotion de Batman V Superman.

Puisque, tout à l'exception du retour de Superman aura été abordé dans les différents extraits, trailers et featurettes du film, jusqu'à laisser assez peu de surprise au spectateur une fois entré en salle. Gage d'une production pas tout à fait rassurée : Justice League se prive de projections presse ou d'avant-premières officielles, en plus de laisser un énorme blanc de treize mois avant l'épisode suivant du DCEU, Aquaman, prévu pour décembre 2018.

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3. Forever Evil ?
Chapitre 3

Forever Evil ?

En bouclant son article sur les démêlés de production de Justice League, le Wall Street Journal cite Toby Emmerich, président de Warner Bros.. Selon ce-dernier, l'année 2018 serait le premier pas d'une nouvelle ère pour les films DC. Plus libres, plus créatifs, moins guidés par les impératifs de production. 

Intéressant choix de mots. Après quatre années, quatre films passés dans le DCEU, Justice League serait donc plus à voir comme une sorte d'apothéose de logiques périmées dont même le studio responsable semble vouloir se départir. On remarque dans la prudence prise avec Flashpoint, le long temps de digestion avant la prochaine sortie DC ou l'idée récemment lancée de sortir aussi des films hors continuité, que tout est fait pour "modifier" le projet de départ.

A une autre échelle, il suffit de regarder le traitement réservé aux héros de Gotham City. Batman, Batgirl, Nightwing, les Gotham City Sirens, Joker et/ou un spin-off dédié à l'amourette du clown et sa Harley Quinn : la franchise des héros de la cité aux dirigeables ne fait que s'amplifier, devenant aussi importante aux yeux du studio que l'ensemble séparé des héros DC à l'écran. Si on calcule, le rapport est presque équivalent - à supposer, en plus, d'un Batman 2 éventuel dans les années à venir.


Amusant aussi de constater la grogne d'un parterre de fans qui s'est étendue sur les dernières années de la simple accusation de complot à d'âpres pétitions visant à faire fermer l'agrégateur de critiques RottenTomatoes, au moment où la Warner elle-même comprend le besoin de changement.

L'avenir jugera du destin de DC Comics sur le grand écran. A l'ombre des portes fermées, on peut imaginer que d'autres studios auront vécu des cas d'ingérences similaires (à l'image de la bataille en backstage que se sont livrés pendant des années Feige et Perlmutter côté Marvel), mais le parcours créatif du DCEU dans son ensemble offre un fascinant cas d'école d'erreurs et d'errances, d'un type qui se fait au grand jour et suscite les commentaires d'analystes et de fans par milliers.

L'avantage cyclique laissant à voir un retour éventuel de la franchise sous d'autres conditions, on restera à attendre patiemment que le studio se réveille pour proposer autre chose que suivisme et anomalies dans les décennies à venir. L'avantage d'un studio réactif, c'est qu'une fois que toutes les solutions auront été tentées, faire de bons films sera la seule restante.

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Chapitre 1

The Dark Knight Falls

Parler de Justice League revient à parler de plein de choses. Symptôme de toute une série de bizarrerie de productions, le film part de très loin, et traverse à sa façon les méthodes d'un studio qui n'aura fait que se chercher. Nous sommes en 2014 quand Kevin Tsujihara, C.E.O. de Warner Bros., détaille les plans des adaptations DC Comics pour les années à venir.

Loin des projecteurs et des shows de conventions à la Kevin Feige, la franchise dévoile son plan de bataille sur une présentation powerpoint aride, à destination des actionnaires. Premier d'une liste qui n'aura pas tant bougé, Batman V Superman est la première porte, l'entrée vers une philosophie inspirée des succès de Marvel Studios au cinéma qui aura poussé un studio dans de mauvaises directions.


San Diego Comic Con 2013, Zack Snyder évoque la suite de Man of Steel. L'acteur Harry Lennix monte sur scène, et lit une citation du Dark Knight Returns de Frank Miller. Un logo apparaît, le plastron de Superman s'encastre dans le symbole de chauve-souris lui-aussi hérité de l'auteur au chapeau, et s'officialise Batman/Superman sous une pluie d'applaudissements.

Quelques années plus tôt, un jeune Snyder sortant de Watchmen déclarait que son projet de coeur aurait été d'adapter dans la foulée le DKR. Aux premières étapes de production, le cinéaste va même rencontrer Frank Miller, et tandis que tout se met en place, le projet part vite vers une autre direction.

On entend presque plus la voix de Christopher Nolan, pourtant encore annoncé à la production exécutive. David S. Goyer, scénariste de Man of Steel, laisse place à Chris Terrio, le film se réécrit et est repoussé d'un an. Et un an après, lorsque Tsujihara annonce ses plans, le projet ne s'appelle plus Batman/Superman mais Batman V Superman : Dawn of Justice, un titre plus qu'explicite quant à l'ambition d'introduire la Justice League aussi vite que possible.

Ce que beaucoup d'analystes ont compris comme un fait simple : entre le début et la fin de la trilogie The Dark Knight, le marché du super-héros au cinéma aura vécu la venue de Marvel Studios et son avalanche de milliards. En comparaison, Man of Steel et son approche héritée d'une philosophie à la Nolan n'aura ramené que 668 millions - somme énorme, mais à relativiser sur le succès d'autres films survenus entre temps. Pour un studio qui aura annulé la suite de Superman Returns jugé "trop peu rentable" à l'époque, les connexions se font d'elle même.


La production accumule les erreurs : distiller une promotion sur trop longtemps en jouant sur l'attente, dévoiler sans vergogne le troisième acte et la présence de Doomsday, couper du film la présence de Steppenwolf rangée loin du regard public dans la version longue. 

Difficile de dire aujourd'hui si la Warner avait ou non confiance en son projet. On apprendra plus tard que même l'appellation DCEU n'avait jusqu'à récemment rien d'officielle et partait d'une blague en interne, et que Ray Fisher, interprète de Cyborg, n'était même pas au courant que le personnage aurait droit à son propre film. Espérant un succès d'au moins 900 millions, le studio tombera près de la ligne, en empochant 873 millions sur la ligne d'arrivée.

Là où un Batman solitaire terminait à plus d'un milliard dans Rises, l'aspect événementiel de Batman V Superman n'aura pas suffi à égaler des films de petite envergure, tels Iron Man 3 (jamais plus qu'une suite). Et tandis que Ben Affleck s'offre un plateau repas sur un vol Turkish Airlines, l'acteur entre dans un spleen dépressif digne du vrai Bruce Wayne : contrairement à ses partenaires à l'écran, plus jeunes ou moins experimentés, le cinéaste a plus à défendre qu'une série de films de studio.

Pendant ce temps, les retours négatifs commencent à remonter jusqu'aux bureaux des grate-ciels d'Hollywood. Consternation générale : la Warner décide, avec ou sans l'aval d'un fandom déchiré entre de stupides guerres de tranchées, de revoir sa copie. Mais loin d'imaginer que le montage, les ingérences de productions ou l'écriture sont à blâmer, le studio se contente d'un comparatif sordide : les films Marvel sont marrants, donc on va faire marrer le public et tout ira beaucoup mieux. Et il y aura des étapes intermédiaires.

 

C'est alors que survient la parenthèse Suicide Squad sur l'échiquier de Warner Bros.Suicide Squad, véritable catastrophe industrielle, se révèle dans un premier visuel exclusif à la Comic Con de 2015, n'annonçant pas un film comique (du tout). Son réalisateur David Ayer évoque l'envie d'une adaptation brutale, difficile pour ses personnages, et pourtant, dès sa première bande-annonce, le projet a des airs d'énorme commande pensée pour imiter le modèle Marvel (au point d'assumer l'idée de la scène post-générique, ce que les deux précédents films avaient refusé). 

Qu'est ce qui s'est passé ? Quand le Hollywood Reporter revient sur les faits, l'effroi est total chez les (authentiques) fans de DC Comics, devant le traitement que les studios réservent à leurs personnages. Le film part en tournage avec une deadline extrèmement courte, un script écrit à la va vite et à peine terminé. La Warner ne peut pas ou ne veut pas décaler, les mains liés par différents partenariats commerciaux. Ayer est choisi parce que c'est un "petit" réalisateur, donc un réalisateur pas cher susceptible d'accepter ce délai laborieux. 

Pendant que lui met en boîte un film sombre qui lui ressemble, le studio commande à une société de bande-annonces un second montage, plus axé sur l'humour. Les projections tests donneront (logiquement) raison à l'angle du divertissement sympatoche, et Ayer devra seul assumer l'ensemble et finir son film sous cette direction. 

Le métrage assemblé, avec des morceaux de reshoots éparses et un Jared Leto aux abonnés absents, tout le monde se regarde et se demande ce qui s'est passé. Catastrophe dans la critique, succès au box office, rien ne semble obliger Warner à se remettre en question, pourtant le studio comprend que le cas d'école est trop gros pour n'être autre chose qu'une gigantesque anomalie. 


Le studio change une seconde fois de stratégie, décidémment prompt à tourner avec le vent, et propose l'entre-deux qui permet au DCEU de relever timidement la tête : Wonder Woman. Après avoir limogé Michelle MacLaren et son ambitieuse Diana en héroïne d'une production calquée sur Braveheart, la Warner pose les choses clairement. Le but n'est pas de révolutionner l'industrie, le but n'est pas non plus de faire du trop grand ou trop cher.

Le film suit à son tour un parcours codifié, avec des ingérences de productions comparables. Cette fois cependant, le fandom sait à quoi s'en tenir, et la réalisatrice Patty Jenkins, qui fait son travail de corpo' en défendant Suicide Squad sur les réseaux sociaux, s'est accordée avec ce qu'on lui demandait. On se contente d'apprécier le côté léger, la performance de certains interprètes, et l'apport d'un film de super-héroïne longtemps attendu.

Mais si le Wonder Woman séduit par son symbole, difficile de dire qu'elle ne profite pas de la colossale déception qu'aura été Suicide Squad dans le coeur des gens. On se demande d'ailleurs quelle mouche pique Warner qui entend pousser son film aux Oscars, gargarisé par des retours enthousiastes d'une presse qui salue l'audace (immense) d'avoir proposé un film dont l'originalité sera d'avoir une femme dans le rôle titre.

Le raisonnement du studio commence à s'éclaircir : sur-réagir, aux bons comme aux mauvais retours. C'est dans cette optique que la production du suivant s'établit, et on tourne une page, puisque cette fois, ça y est, plus moyen de reculer, Justice League est en vue. 

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Corentin
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