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Que vaut le script de Joss Whedon pour Wonder Woman ?

Que vaut le script de Joss Whedon pour Wonder Woman ?

DossierCinéma

En cette semaine spéciale Justice League, ouvrons le bal avec un papier consacré à Wonder Woman, la dame de l'épique équipe super-héroïque de DC Comics, dont la première aventure cinéma a démarré cet été.

Et si l'on vous a déjà parlé des comics à lire concernant le personnage à l'occasion de la sortie du film de Patty Jenkins, l'occasion de voir un film dans lequel Wonder Woman est présent, et réalisé en partie par Joss Whedon (bien que son crédit officiel se situe au niveau du scénario), est trop belle pour ne pas vous parler du film que Whedon a voulu faire pour l'Amazone. Un projet qui date de plus de dix ans, alors que le MCU n'allait même pas encore voir le jour - et que le dernier film DC était Superman Returns. Joss Whedon avait un script pour un film Wonder Woman, qui a été mis à la disposition de tous cet été.


Et le script en question a fait pas mal de bruits notamment pour des scènes, descriptions et dialogues sexistes qui auront soulevé de vives réactions sur les sites (américains, pour la plupart) et les réseaux sociaux. Un bad buzz qui aura terni la réputation de Joss Whedon, pourtant réputé dans le milieu pour être féministe et doué à l'écriture de personnages féminins (beaucoup lui vouent un culte pour Buffy).

Il n'y a pas à débattre sur la nature sexiste, ou particulièrement gênante, de certaines lignes dans le script de Whedon, mais le but de ce papier n'est pas d'enfoncer des portes ouvertes (et parfois, avec un certain manque de recul) depuis plusieurs mois. Car malgré ces écueils - qui restent des fautes, qu'on ne me fasse pas dire le contraire - le script de Joss Whedon a d'autres points qui sont intéressants à traiter, et que beaucoup n'auront pas voulu détailler. Par curiosité et par envie d'aller plus loin qu'une forme de manichéisme - et parce qu'il faut aussi relativiser la position féministe du Wonder Woman de Patty Jenkins, je vous propose donc de faire le point sur les qualités, défauts et limites d'un film qui n'a pas été. Et qui aurait peut-être valu le coup, qui sait ?

1. Sexisme et l'importance de la mise en contexte
Chapitre 1

Sexisme et l'importance de la mise en contexte

Le but de cette première partie sera donc d'adresser les remarques de sexisme faites à l'encontre du script de Joss Whedon, afin de se concentrer sur les autres aspects de l'histoire qui méritent tout autant qu'on s'y attache. D'autant plus que certains faits rapportés manquent cruellement de remise en contexte ; à savoir qu'il faut distinguer ce que Joss Whedon a écrit et qui peut le faire passer pour un bon gros macho des familles, tels qu'Hollywood en connaît des dizaines, et les remarques sexistes qui sont faites par les personnages et qui interviennent dès lors dans un processus d'écriture qu'il est important de contextualiser. 

De l'importance du choix des mots

Dans le script de Wonder Woman par Joss Whedon, il faut avouer que certains passages sont assez gênants. On y trouve notamment des descriptions de personnages qui utilisent une curieuse façon de les dépeindre. C'est le cas pour Hyppolite, la mère de Diana, qui est décrite comme une "femme d'âge moyen, mais séduisante malgré tout" - avec l'idée possible derrière qu'une femme de la quarantaine ne pourrait pas être séduisante. On pourra reprocher une formulation maladroite (un simple "et" au lieu de "mais" éviterait toute extrapolation du propos de Whedon), mais d'autres reproches sont faits pour la description de Diana, qui s'étaie sur plusieurs lignes avec de nombreuses descriptions pour ses cheveux, ses courbes, afin de statuer que Diana Prince est une belle femme. Ce qui paraît logique, encore faut-il avoir la finesse quand il s'agit de l'écrire.


Dans Wonder Woman de Joss Whedon, l'histoire suit un cours assez classique, si ce n'est qu'en comparaison du film de Patty Jenkins, l'action se déroule à notre époque. Steve Trevor échoue sur Themyscira et Diana le sauve de justesse d'une condamnation à mort puisqu'aucun homme n'est autorisé à fouler de son pied l'île paradisiaque. Le pilote après revient dans la ville de Gateway où une certaine Arabella Callas, CEO de la compagnie Spearhead, fomente un plan diabolique pour servir les intérêts de Strife, présentée ici comme la nièce d'Ares (qui en sera logiquement le bénéficiaire). Le plan réside dans la construction d'une machine qui prend l'apparence mythologique de la Chimère afin de détruire la ville par dessous (comprendre :  en provoquant des tremblements de terre) et d'instaurer une ère de peur pour l'humanité, qui attise tensions et craintes qui assurent à Ares son pouvoir sur Terre. 

Au cours de l'aventure, on dénotera une scène particulièrement gênante qui se situe dans un club. On soupire déjà de savoir que le film a forcément un passage dans une boite. Diana, Steve y pénètrent car ils sont à la recherche d'un Kleen, vilain secondaire qui occupe le poste de magnat du crime dans Gateway, et que l'Amazone cherche à arrêter dans son combat pour enrayer la détresse des habitants de la ville. De façon assez abrupte dans cette scène, Diana décide d'aller danser, et toute la description de ce moment est gênante, avec une impression de débarquer comme un cheveu sur la soupe, et les réactions des personnages masculins environnants sont assez risibles. Deux collègues de Steve Trevor, Ben et Griffin, comparent le spectacle à un "cadeau de Noël". Cela étant dit, la scène amène l'un des passages les plus intéressants du film (on y revient plus tard), et si l'on regarde les réactions dans le film de Jenkins, comme celle de Sameer (Said Taghmaoui), on se situe dans le même ton, ou l'apparence physique de Wonder Woman prédomine sur le reste.

 

De même, une autre citation (voir le tweet ci-dessus) fait dire à Steve Trevor quelque chose d'hyper sexiste, à savoir qu'il trouve Diana dangereuse et qu'il aimerait la voir nue mais prendre cette phrase hors contexte est ici malhonnête quant aux intentions du scénario. Explications : malgré son statut d'Amazone, Diana n'est pas complètement invincible - lors de son arrivée dans notre société, elle se fait tirer dessus par un soldat collègue de Steve qui se montre méfiant (ceci est un euphémisme) vis-à-vis d'elle. La scène décrite fait suite à un premier combat de Diana qui se retrouve blessée et se retrouve au repos. Et si le dialogue semble très rude, notamment du fait que Steve dit qu'il déteste être attiré par Diana mais souhaite la voir nue, c'est qu'on s'aperçoit juste après qu'il est en fait assis sur le lasso de vérité. Dès lors il s'en aperçoit et s'en trouve ridiculisé : "c'est pour ça que que les mecs ne parlent pas de leurs sentiments. Leurs sentiments font pitié." Une réplique qui sera reprise plus tard, lors du combat final contre la Chimère et Strife, où Steve essaie d'avouer ses sentiments à Diana et cette dernière l'interrompt en lui ordonnant de rester concentré : "et maintenant il veut parler de ce qu'il ressent" se moque-t-elle.

Un script en reflet de notre société

Et on en arrive au point principal du sexisme dans ce film Wonder Woman : ce n'est pas le script qui l'est, mais les personnages masculins dépeints dedans. Steve Trevor est à cet égard assez détestable, et a une attitude où il veut rabaisser Diana en lui disant ce qu'elle peut ou ne peut pas faire, en diminuant son statut d'héroïne et en la remettant "à sa place" à plusieurs reprises (et on parle de shut up ultra-froids). Parce que Diana a aussi un certain complexe de supériorité lorsqu'elle arrive dans notre monde, en voulant se positionner directement comme la figure héroïque que tout le monde attend - alors que c'est par ses actes qu'on définira l'héroïsme. Whedon joue de cet aspect puisqu'il fera perdre temporairement ses pouvoirs à Diana, un processus de déconstruction/reconstruction assez classique.

 

Mais revenons-en au comportement de Steve et des autres hommes dans le film, plusieurs d'entre eux traitant Diana de "chienne" pour un oui ou pour un non. Dans cette attitude détestable, je n'y vois que le reflet de notre société actuelle, qui est profondément machiste à bien des niveaux. L'arrivée d'une femme de pouvoir, dans tous les sens du terme, met à mal les idéaux paternalistes et masculins de Steve et ses consorts, et c'est ce malaise que Whedon décrit, et qui rend ces personnages antipathiques (on pourrait même se demander comment Diana finit par embrasser Steve, mais le personnage n'est heureusement pas caractérisé uniquement par ses mauvais côtés - et surprise, il évolue...). 

La violence est d'ailleurs tout autant verbale que physique, puisque l'un des personnages, on le répète, tire littéralement sur Wonder Woman à cause de sa défiance envers elle. Le scénariste joue d'ailleurs beaucoup sur le fait que Steve croit savoir ce que Diana peut faire ou non, et c'est même repris une ultime fois dans la scène de fin. L'Amazone s'apprête à s'élancer du haut d'une falaise, et Steve lui dit "tu es une sacrée femme, Diana, mais tu ne peux pas voler". Elle se retourne avec un sourire, "ha bon, je ne peux pas ?" - et c'est la fin. Un point final sur le fait qu'aucun homme n'arrive à cerner les capacités de Wonder Woman, et que même quand c'est le cas, les accepter semble bien difficile. 

On peut d'ailleurs noter que les antagonistes principaux du film sont des femmes, et de caractère. Les deux sont en charge. Même si l'ombre d'Ares plane (ce dernier n'arrive que dans un caméo) ; mais Strife n'est pas aux commandes d'un homme, comme l'est Doctor Poison dans le film de Patty Jenkins. Un fait pas si anodin que ça à relever et qui permet, entre autres, d'apporter un contrepied au script de Joss Whedon, qu'on pourra sanctionner surtout pour ses fautes dans la description des personnages (et cette scène de boîte de nuit ultra gênante), mais bien moins dans les déclarations des personnages masculins qui en effet, sont sexistes, mais dans un but clairement narratif et qui ne reflète en vrai qu'un véritable aspect du comportement masculin actuel. 

Chapitre suivant >Réflexions et pur esprit comics
2. Réflexions et pur esprit comics
Chapitre 2

Réflexions et pur esprit comics

Il serait malhabile de vouloir comparer le script de Joss Whedon à celui du film de Patty Jenkins (qui est d'ailleurs écrit par Allan Heinberg, Zack Snyder et Jason Fuchs -donc que des mecs là aussi) car chacun a ses propositions. Par exemple le fait de situer l'action dans un contexte actuel ou durant la première guerre mondiale est porteur de propositions fortes dans chacun des cas. L'histoire de Joss Whedon ne révolutionnerait sûrement pas le film de super-héros (et Wonder Woman de 2017 ne le fait clairement pas vis-à-vis de son histoire), mais se dénote par quelques idées que je vous propose d'examiner par ici.

Mythologie grecque au goût du jour

Comme ce qui a été fait cet été sur les écrans, les racines mythologiques des Amazones sont explorées par Joss Whedon. Notamment le fait de mêler les anciens dieux grecs à notre société, avec l'idée que seuls ceux en qui l'humanité croit encore ont subsisté. Et que les dieux ont donc besoin de l'espèce humaine et de ses croyances pour asseoir leur pouvoir. Un concept plusieurs fois utilisés et très bien apporté d'ailleurs par Brian Azzarello dans son run des New 52. De fait, certains dieux grecs ne sont plus et d'autres sont encore en place, reflétant ainsi les croyances modernes de notre société. Forcément il ne sera pas surprenant de retrouver Ares, les conflits et tensions entre populations humaines (et à l'échelle individuelle) étant légion ; il est fait mention qu'Aphrodite a encore de sa puissance, mais dans l'évocation on pensera plutôt à une fascination envers le sexe et la séduction physique que sur l'amour pur (représenté en vérité par Eros).


Et l'on revient alors sur la scène de la boîte de nuit et de la danse gênante, qui permet à Diana de rencontrer le dirigeant de ladite boîte, qui s'avère être Bacchus (ou Dionysos), dieu du vin représentant la passion des hommes pour l'alcool et la débauche, mais aussi dieu des fêtes et des extases. Cette rencontre permet à Whedon d'étayer le discours sur l'impact des humains sur l'existence des dieux, un point qui atteint son point d'orgue dans le dernier tiers du film. 

Après avoir abattu la Chimère mécanique, Ares fait en effet son apparition devant Wonder Woman. Loin de l'incarnation de David Thewlis et sa célèbre moustache, Ares ici est représenté comme une forme humanoïde en armure, géante de 6m de haut au visage inhumain - dont on est pas sûr qu'il transparaisse derrière son casque - et à l'allure quasi fantomatique puisqu'il s'agit plus d'une apparition que de sa véritable présence. Un rendu dans la description bien plus dans l'esprit de ce qu'on attend du rendu d'une divinité.

 

Et à l'inverse, donc, de l'affrontement physique observé cet été, ici la confrontation est verbale, Wonder Woman statuant du fait que l'humanité arrivera à se débarrasser elle-même d'Ares alors que ce dernier lui explique qu'il est ancré en chaque personne, qu'il représente son côté sombre, et que personne n'arrivera de fait à se débarrasser de lui. Un combat idéologique aussi abordé dans le script d'Heinberg, ou la proposition très forte que c'est par son libre arbitre que l'homme choisit d'être mauvais était gâchée par l'arrivée d'Ares en boss final. Ici, Diana apprend de par ses interactions avec la société tout au long du film (un gimmick repose d'ailleurs sur le fait que de nombreux inconnus lui demandent "qui es-tu ?" à plusieurs reprises, pour l'aider à s'affirmer) que l'être humain peut s'affranchir de ses vices. 

Le meilleur exemple se trouve dans la sous-intrigue du chef de gang Kleen, qui nous renvoie encore une fois au passage en boîte de nuit, somme toute assez intéressant au final. Après avoir démantelé tout son réseau, elle se retrouve face au chef, mais au lieu de lui en décocher une droite, elle le met simplement face à ses actes, en lui disant "tu peux faire mieux que ce que tu fais". Ce qui amènera par la suite un mini twist quand Kleen fait semblant de se ranger du côté de la vilaine, Callas, pour mieux la trahir par après. Chose qui montre le côté inspirant de Wonder Woman et de l'appel en général de la figure super-héroïque à tirer du meilleur côté possible le commun des mortels.

Des chaînes et un jet invisible, oui

On notera aussi dans l'histoire de Joss Whedon un esprit qui plonge dans un côté comicbook qui n'est pas encore apparu à l'écran. En effet, le scénariste inclus le Jet Invisible de Wonder Woman, qui provient de la technologie amazone, qui n'est pas si archaïque que ça. Et si je peux voir vos sourcis levés depuis la phrase précédente, dans la description, le rendu a l'air correct. En effet, Diana pilote le jet couchée (un peu comme Batman qui passe en mode batpod dans la trilogie de Nolan) de façon à ce que, lorsqu'elle pilote l'avion invisible, on a simplement l'impression de la voir voler, bras tendus dans une posture super-héroïque classique. Sa présence (dans le dernier tiers du film) permet aussi de faire quelques gags, en jouant sur l'incrédulité de Trevor - personnage qui au final passe tout le film à voir ses convictions remises en question.

 

Un autre fait important passe dans le moment où Whedon fait perdre ses pouvoirs à Diana, qui amène à la phase de reconstruction de l'héroïne un peu trop sûre d'elle. Strife utilise en effet les chaînes qui ont servi à asservir les Amazones avant qu'elles ne s'exilent sur Themyscira. Et de voir Diana ainsi enchaînée (au niveau des bras, ce qui lui draîne ses capacités) constitue un hommage visuel on ne peut plus important par rapport aux comics de William Moulton Marston ; et la lecture de ce passage fait notamment écho à présent au Wonder Woman Earth One de Morrison et Paquette. Et bien plus symbolique que le morceau de tôle froissé dans lequel se retrouve Gal Gadot

Pour terminer sur le cheminement de l'héroïne, il sera important de noter que si le film s'ouvre avec le point de vue de Steve Trevor (ce qui a d'ailleurs été reproché parmi les autres choses dont on parlait en première partie), c'est celui de Diana qui prend le pas sur l'autre et surtout ses actes ne sont pas effacés par un sacrifice (inutile) qui lui vole la vedette. Wonder Woman embroche (littéralement, avec une lance) Strife sans besoin qu'on lui rappelle que Steve est amoureux d'elle pour qu'elle exulte dans une rage précédent un discours sur le pouvoir de l'amour on ne peut plus maladroit. Si vous voyez de quoi je veux parler...


En définitive, le script de Joss Whedon a pas mal de qualités et de propositions fortes, et notamment dans les rapports femmes-hommes, que des tournures disgracieuses auront effacées alors qu'elles ont le mérite d'être là. La Diana représentée est plus faillible que l'Amazone montrée en 2017 sur grand écran, mais elle est tout aussi forte (si ce n'est plus, à mon sens, son côté inspirant étant mieux amené par rapport à ses capacités de combat physique) et fait face à une société effectivement sexiste, dans laquelle une femme de pouvoir inquiète et dérange des hommes dont la masculinité est remise en jeu. Avec deux vilains principaux qui sont également des femmes, et la façon dont les discours de Steve sont mis en ridicule, et en ajoutant ses thématiques et ses emprunts aux comicbooks, assez osés (en fait surtout ce jet invisible), on se retrouve avec un film qui aurait à mon sens pu être plus intéressant que ce que Warner nous a proposé il y a quelques mois. 

Mais le film ne s'est pas fait et rien ne sert de vouloir refaire l'histoire. Avec cet écrit, j'espère que vous aurez la curiosité de lire le script de Joss Whedon en intégralité (disponible ici, et il n'est pas si long) - et qui sait, discuter de ses propositions ou de son ton sexiste par ici, puisque mon point de vue peut différer du votre. Ce sera avec plaisir. A présent, regardons vers l'avenir. Whedon ayant la charge de Batgirl, gageons que le contexte actuel l'aidera à se libérer de certains écueils pour ce personnage dont il se déclare très fan. Et puis, vu ce qui en a été fait dans Batman & Robin, il ne devrait pas y avoir trop de difficultés à faire mieux. 

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Chapitre 1

Sexisme et l'importance de la mise en contexte

Le but de cette première partie sera donc d'adresser les remarques de sexisme faites à l'encontre du script de Joss Whedon, afin de se concentrer sur les autres aspects de l'histoire qui méritent tout autant qu'on s'y attache. D'autant plus que certains faits rapportés manquent cruellement de remise en contexte ; à savoir qu'il faut distinguer ce que Joss Whedon a écrit et qui peut le faire passer pour un bon gros macho des familles, tels qu'Hollywood en connaît des dizaines, et les remarques sexistes qui sont faites par les personnages et qui interviennent dès lors dans un processus d'écriture qu'il est important de contextualiser. 

De l'importance du choix des mots

Dans le script de Wonder Woman par Joss Whedon, il faut avouer que certains passages sont assez gênants. On y trouve notamment des descriptions de personnages qui utilisent une curieuse façon de les dépeindre. C'est le cas pour Hyppolite, la mère de Diana, qui est décrite comme une "femme d'âge moyen, mais séduisante malgré tout" - avec l'idée possible derrière qu'une femme de la quarantaine ne pourrait pas être séduisante. On pourra reprocher une formulation maladroite (un simple "et" au lieu de "mais" éviterait toute extrapolation du propos de Whedon), mais d'autres reproches sont faits pour la description de Diana, qui s'étaie sur plusieurs lignes avec de nombreuses descriptions pour ses cheveux, ses courbes, afin de statuer que Diana Prince est une belle femme. Ce qui paraît logique, encore faut-il avoir la finesse quand il s'agit de l'écrire.


Dans Wonder Woman de Joss Whedon, l'histoire suit un cours assez classique, si ce n'est qu'en comparaison du film de Patty Jenkins, l'action se déroule à notre époque. Steve Trevor échoue sur Themyscira et Diana le sauve de justesse d'une condamnation à mort puisqu'aucun homme n'est autorisé à fouler de son pied l'île paradisiaque. Le pilote après revient dans la ville de Gateway où une certaine Arabella Callas, CEO de la compagnie Spearhead, fomente un plan diabolique pour servir les intérêts de Strife, présentée ici comme la nièce d'Ares (qui en sera logiquement le bénéficiaire). Le plan réside dans la construction d'une machine qui prend l'apparence mythologique de la Chimère afin de détruire la ville par dessous (comprendre :  en provoquant des tremblements de terre) et d'instaurer une ère de peur pour l'humanité, qui attise tensions et craintes qui assurent à Ares son pouvoir sur Terre. 

Au cours de l'aventure, on dénotera une scène particulièrement gênante qui se situe dans un club. On soupire déjà de savoir que le film a forcément un passage dans une boite. Diana, Steve y pénètrent car ils sont à la recherche d'un Kleen, vilain secondaire qui occupe le poste de magnat du crime dans Gateway, et que l'Amazone cherche à arrêter dans son combat pour enrayer la détresse des habitants de la ville. De façon assez abrupte dans cette scène, Diana décide d'aller danser, et toute la description de ce moment est gênante, avec une impression de débarquer comme un cheveu sur la soupe, et les réactions des personnages masculins environnants sont assez risibles. Deux collègues de Steve Trevor, Ben et Griffin, comparent le spectacle à un "cadeau de Noël". Cela étant dit, la scène amène l'un des passages les plus intéressants du film (on y revient plus tard), et si l'on regarde les réactions dans le film de Jenkins, comme celle de Sameer (Said Taghmaoui), on se situe dans le même ton, ou l'apparence physique de Wonder Woman prédomine sur le reste.

 

De même, une autre citation (voir le tweet ci-dessus) fait dire à Steve Trevor quelque chose d'hyper sexiste, à savoir qu'il trouve Diana dangereuse et qu'il aimerait la voir nue mais prendre cette phrase hors contexte est ici malhonnête quant aux intentions du scénario. Explications : malgré son statut d'Amazone, Diana n'est pas complètement invincible - lors de son arrivée dans notre société, elle se fait tirer dessus par un soldat collègue de Steve qui se montre méfiant (ceci est un euphémisme) vis-à-vis d'elle. La scène décrite fait suite à un premier combat de Diana qui se retrouve blessée et se retrouve au repos. Et si le dialogue semble très rude, notamment du fait que Steve dit qu'il déteste être attiré par Diana mais souhaite la voir nue, c'est qu'on s'aperçoit juste après qu'il est en fait assis sur le lasso de vérité. Dès lors il s'en aperçoit et s'en trouve ridiculisé : "c'est pour ça que que les mecs ne parlent pas de leurs sentiments. Leurs sentiments font pitié." Une réplique qui sera reprise plus tard, lors du combat final contre la Chimère et Strife, où Steve essaie d'avouer ses sentiments à Diana et cette dernière l'interrompt en lui ordonnant de rester concentré : "et maintenant il veut parler de ce qu'il ressent" se moque-t-elle.

Un script en reflet de notre société

Et on en arrive au point principal du sexisme dans ce film Wonder Woman : ce n'est pas le script qui l'est, mais les personnages masculins dépeints dedans. Steve Trevor est à cet égard assez détestable, et a une attitude où il veut rabaisser Diana en lui disant ce qu'elle peut ou ne peut pas faire, en diminuant son statut d'héroïne et en la remettant "à sa place" à plusieurs reprises (et on parle de shut up ultra-froids). Parce que Diana a aussi un certain complexe de supériorité lorsqu'elle arrive dans notre monde, en voulant se positionner directement comme la figure héroïque que tout le monde attend - alors que c'est par ses actes qu'on définira l'héroïsme. Whedon joue de cet aspect puisqu'il fera perdre temporairement ses pouvoirs à Diana, un processus de déconstruction/reconstruction assez classique.

 

Mais revenons-en au comportement de Steve et des autres hommes dans le film, plusieurs d'entre eux traitant Diana de "chienne" pour un oui ou pour un non. Dans cette attitude détestable, je n'y vois que le reflet de notre société actuelle, qui est profondément machiste à bien des niveaux. L'arrivée d'une femme de pouvoir, dans tous les sens du terme, met à mal les idéaux paternalistes et masculins de Steve et ses consorts, et c'est ce malaise que Whedon décrit, et qui rend ces personnages antipathiques (on pourrait même se demander comment Diana finit par embrasser Steve, mais le personnage n'est heureusement pas caractérisé uniquement par ses mauvais côtés - et surprise, il évolue...). 

La violence est d'ailleurs tout autant verbale que physique, puisque l'un des personnages, on le répète, tire littéralement sur Wonder Woman à cause de sa défiance envers elle. Le scénariste joue d'ailleurs beaucoup sur le fait que Steve croit savoir ce que Diana peut faire ou non, et c'est même repris une ultime fois dans la scène de fin. L'Amazone s'apprête à s'élancer du haut d'une falaise, et Steve lui dit "tu es une sacrée femme, Diana, mais tu ne peux pas voler". Elle se retourne avec un sourire, "ha bon, je ne peux pas ?" - et c'est la fin. Un point final sur le fait qu'aucun homme n'arrive à cerner les capacités de Wonder Woman, et que même quand c'est le cas, les accepter semble bien difficile. 

On peut d'ailleurs noter que les antagonistes principaux du film sont des femmes, et de caractère. Les deux sont en charge. Même si l'ombre d'Ares plane (ce dernier n'arrive que dans un caméo) ; mais Strife n'est pas aux commandes d'un homme, comme l'est Doctor Poison dans le film de Patty Jenkins. Un fait pas si anodin que ça à relever et qui permet, entre autres, d'apporter un contrepied au script de Joss Whedon, qu'on pourra sanctionner surtout pour ses fautes dans la description des personnages (et cette scène de boîte de nuit ultra gênante), mais bien moins dans les déclarations des personnages masculins qui en effet, sont sexistes, mais dans un but clairement narratif et qui ne reflète en vrai qu'un véritable aspect du comportement masculin actuel. 

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