Alors que le papier cadeau est un lointain souvenir et que les voeux de Noël ont déserté facebook pour laisser place aux premières résolutions futiles de vos contacts, il est temps de se pencher sur un vrai sujet qui compte : l'année à venir en Bande Dessinée (Américaine de surcroît, le reste se passe sur 9emeArt.fr).
Si 2013 restera une année compliquée pour les deux géants que sont Marvel et DC Comics, qui ont vu leur avance sur le reste du marché fondre comme neige au soleil face à un Image Comics en état de grâce, 2014 ne s'annonce (malheureusement) pas comme le renouveau des deux jouets de Disney et Warner Bros, malgré la sempiternelle et épuisante technique de la renumérotation.
En perte de vitesse, DC Comics semble avoir abattu toutes ses cartes cette année et s'est décomposé lentement mais sûrement, à l'image de sa tête de proue Batman qui ne fait plus rêver qu'une infinitésimale frange de son lectorat, lassée par l'ambition démesurée d'un Scott Snyder qui réécrit les origines du plus grand Super-Héros, marchant sur les plates bandes d'un chef d'oeuvre (Batman: Year One) et de deux génies (Frank Miller et David Mazzucchelli). De son côté, Geoff Johns semble subir le manque d'inspiration tant craint depuis des années, lui qui ne parvient plus à chapeauter son univers avec consistance, et qui se perd dans des évènements aux frontières du correct tels que Forever Evil. Ajoutez à ça des choix éditoriaux catastrophiques (lancer une nouvelle série Batman par le duo d'artiste qui abandonne Flash revient à se tirer au calibre 12 dans le pied) et des ventes en baisse et vous obtenez une crise cachée par le sourire extra-bright du toujours sympa Dan Didio.
Peu importe, me direz-vous, nous avons été habitués à vivre avec un DC Comics en retrait, à l'exception de l'excellente première année des New 52, où auteurs, storylines et éditeurs travaillaient main dans la main pour offrir douze mois de haute voltige à leurs impatients lecteurs.
Sauf que le problème est aujourd'hui plus grave, puisque Marvel non plus ne semble pas y arriver; Effectivement, Infinity est une réussite, Marvel Now est un petit succès et les auteurs travaillent correctement chacun de leurs côtés. Mais là se situent deux problèmes : "correctement"et "de leur côté". Aucune série ne sort véritablement du lot, même pour les plus fanboys d'entre nous et je n'aurais aucun mal à avouer que j'aime d'avantage Guardians of the Galaxy et All New X-Men que je ne le devrais en raison de mon amour pour Brian M. Bendis. Les enjeux sont presque inexistants et les problèmes de continuité sont justifiés par l'immense complexité à faire vivre ensemble des héros surpuissants qui vivent une vingtaine de menaces chaque mois, aux quatre coins de la galaxie. C'est alors à l'éditeur de faire son travail et de rassembler ses auteurs autour d'une cause commune, ou au moins d'une propension à respecter les normes. La démesure d'Infinity, malgré toutes ses qualités, en est la preuve. L'échelle des valeurs est aujourd'hui brisée et la Maison des idées avance comme Akira Toriyama et Sangoku : avec une puissance colossale et le seul enjeu d'affronter toujours plus fort que soi. Mais les Comics Super-Héroïques ne s'arrêtent pas à de simples bastons dantesques sous couvert de concepts scientifiques bons à faire rêver les abonnées de Science & Vie Junior, ils sont aussi un vecteur d'histoires plus posées, plus réfléchies et surtout, d'univers partagé. Depuis le départ de Joe Quesada et l'arrivée d'Axel Alonso, quelques familles (Les Mutants, les Héros Street, le Cosmique...) vivent au sein de leur cocon mais les connexions entre les héros qui étaient encore palpables il y a quelques années ont laissé la place à des caméos de luxe pour mieux vendre.
Je vous épargne le coup de gueule sur All-New Marvel Now, énième justification d'une renumérotation absurde et dangereuse pour le lectorat établi. Un grand monsieur de l'industrie disait que "peu importe ce que fassent les éditeurs, le lectorat se renouvelle tous les deux ans", une idée que l'on déteste au sein de la rédaction. Pourtant, à force de jouer avec le feu et de perdre plus de temps à discuter contrats et chiffres de ventes, le lectorat ne se renouvelle plus, il s'étiole. Évidemment, nous continuerons à lire les productions des deux majors en 2014, dans l'espoir que celles-ci retrouvent le feu sacré. Mais l'année prochaine comme en 2013, nos yeux seront tournés vers Image Comics et les incroyables séries d'auteurs lassés par la politique absurde de leurs ex-employeurs, à l'image d'Ed Brubaker, Mark Millar, Greg Rucka, Brian K. Vaughan et j'en passe... L'exil n'a jamais eu si belle allure !