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The Wanderer's Treasures #42, Crossing Midnight

The Wanderer's Treasures #42, Crossing Midnight

chronique

Bienvenue dans la nouvelle édition de The Wanderer’s Treasures. Au programme cette semaine des jumeaux, le Japon, des Kami, des ciseaux magiques et même un dragon. Tout ça dans Crossing Midnight, série lancée par Mike Carey (Lucifer, The Unwritten, X-Men Legacy) en 2007 chez Vertigo, et dessinée par Jim Fern (Scion, L.E.G.I.O.N.) et Eric Nguyen (Strange Girl, Stormwatch : Team Achilles). Cette série dura 19 numéros, regroupés en trois trade paperbacks intitulés Cut Here, A Map Of Midnight et The Sword In The Soul.

Crossing Midnight c’est l’histoire de deux jumeaux. Le frère, Kaikou Hara, est né une minute avant minuit. Sa sœur, Toshi, qui n’avait pas été détectée par les médecins, suivit quelques minutes plus tard. C’est leur histoire qu’on va suivre dans le récit fantastique concocté par le scribe anglais.

Fantastique car Toshi et Kai vont susciter l’intérêt d’êtres surnaturels en raison du rite accompli par leur père, Yasuo, durant la grossesse de leur mère, Miya. Une simple offrande aux Kami, ces êtres surnaturels issus du folklore japonais, ni vraiment dieux, ni vraiment démons. Juste quelques simagrées pour faire plaisir à la vieille Akiko, la mère de Yasuo.

Wanderer's Traesures Crossing Midnight Review 

Et pendant les premières années de la vie de Kai et Toshi, il semble en effet que ce rituel n’ait pas eu de conséquence. Sauf à ce moment où un passage vers un monde féérique semble s’ouvrir en plein centre de Nagasaki, et surtout où leur ami Saburo disparaît. Sauf quand Kai et Toshi découvrent que cette dernière semble être totalement immunisée contre les lames et même tout objet tranchant. Aucune ne peut l’effleurer, encore moins la blesser. Mais surtout, tout va basculer le soir où le mystérieux Aratsu va venir réclamer le paiement de la dette qui lui est due.

Aratsu est un Kami. Le roi des lames. Et son paiement, c’est Toshi. L’histoire peut commencer. On va donc suivre les mésaventures de Toshi alors qu’elle devra entrer au service d’Aratsu, et devenir une « scrape grace », une voleuse de rêve armée de sa paire de ciseaux magique nommée Uso-Tsuki. Le tout en ayant perdu tous ses souvenirs. Mais on assistera aussi à la quête désespérée de Kai pour libérer sa sœur de cette servitude. Une quête qui le mènera jusqu’à Tokyo, puis dans le monde des Kami et enfin sur un champ de bataille.

En chemin nos deux héros auront l’occasion de croiser nombre de personnages hauts en couleurs. Il y a Nidoru, Kami des aiguilles et loyale à l’ancien roi des lames, celui qu’Aratsu a… remplacé. Il y a Mimi-sama, ancienne prostituée et porn star régnant sur Ueno Park à Tokyo, avec ses deux enforcers Stone Fist et Cutlass. Ou encore le mystérieux inspecteur Yamada, un homme qui a beaucoup à dire et pas assez de mots pour cela (vous comprendrez en lisant). Il y a aussi Loretta, la date girl Tokyoïte (les date girls sont un genre de quasi prostituées adolescentes, c’est déconcertant quand on ne connaît pas le phénomène, mais bien expliqué par l’auteur), cynique mais peut être pas totalement. Et il y a tous les Kami, et tous les autres êtres surnaturels peuplant notre monde à notre insu.

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Le tout donne une histoire remarquablement construite et envoutante. D’abord parce que les péripéties croisées de Kai et Toshi sont superbement rythmées. Il n’y a pas de temps mort, les révélations se multiplient tout au long des dix-neuf numéros que dura la série (je ne vous ai pas livré ici le quart de tout ce qu’on apprend sur les différents personnages, à commencer par Kai). Le final est à la fois épique, tragique, émouvant et plein d’espoir. Tout est écrit avec une finesse remarquable, comme toujours chez Mike Carey, et les relations entre les personnages sont très soignées (celle entre Loretta et Kai est un modèle du genre). De même on appréciera les évolutions croisées de Kai et Toshi, qui changent peu à peu au fil du récit, s’endurcissent, murissent…

Mais ce qui est probablement la plus belle réussite de l’auteur, c’est l’articulation subtile qu’il met en place entre le fantastique et l’ordinaire. Et même le basculement d’un genre à l’autre, d’un monde à l’autre. D’abord le surnaturel envahit l’ordinaire. Il est horreur, intrus. Puis on s’y habitue. On ne s’étonne plus de voir les morts revenir à la vie, des portes vers d’autres mondes s’ouvrir, ou une fille prisonnière dans un miroir. Et enfin on réalise qu’on fait partie de ce monde, qui s’est emparé du récit, en a changé la nature en en faisant une aventure épique où un dragon peut mener une armée de dieux contre le seigneur des lames, une légende presque.

Enfin on appréciera aussi le fait que l’intrigue se passe au Japon. Et pas le Japon féodal de Myamoto Musashi ou des Tokugawa, celui d’aujourd’hui. Déjà parce que le dépaysement fait plaisir. Mais surtout grâce à tout le travail de Mike Carey tant pour exploiter le folklore souvent méconnu de ce pays (ses traditions, les Kami…) mais aussi sa culture actuelle. Le style de vie des gens, sa criminalité (des Yakusas ont un petit rôle à jouer), le phénomène des date girls, Ueno Park, l’histoire plus ou moins récente (l’intrigue commence à Nagasaki…). Tout ça est mis au service de l’histoire, pour le plus grand bonheur du lecteur.

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Au dessin le style sobre et réaliste de Jim Fern fait merveille, permettant un contraste bienvenu entre le réel et le fantastique, mis sur un pied d’égalité graphique. On ressent d’autant plus l’invasion du surnaturel dans notre monde parce qu’il parait si réel. Et les personnages bénéficient de designs impeccables, à commencer par les divers Kami. Les décors sont superbes, nous rappelant à chaque instant que le récit ne se passe pas aux USA.

Eric Nguyen joue les fill-ins le temps de l’arc Bedtime Stories, et son trait s’adapte parfaitement à la série, assurant la continuité graphique. Enfin il faut saluer les couleurs superbes de Jose Villarubia, façon peinture, qui rappellent un peu je travail de J.H. Williams III. Le même J.H. Williams III qui réalise des sublimes couvertures pour chaque numéro.

Envoûtante, riche, bien construite, autant de qualificatifs qui correspondent à Crossing Midnight mais ne peuvent vraiment résumer la série. Mike Carey crée une histoire superbe, mêlant l’ordinaire et le surnaturel, et n’oubliant jamais l’humanité de tous ses personnages. Une ballade dans deux Japons, entre légende et réalité, finalement bien décrit par le New York Magazine comme un « Labyrinthe De Pan japonais » (référence au film de Guillermo Del Toro). Alors n’hésitez pas, procurez vous les singles (étonnamment plus faciles à trouver que les tpb) et quittez quelques instants le monde gris…

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Jeffzewanderer
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