La fin des haricots ?
Aujourd'hui, les débuts de Captain America sont connues de tous. Simple gringalet rêvant de grandeur et de servir son pays lors de la seconde guerre mondiale, il devient grâce au programme du Super Soldat le porte-drapeau de tout un pays. Alors que le film remettant au goût du jour les origines de notre héros vient tout juste de sortir dans nos salles françaises, il est intéressant de vous faire découvrir ce qui représente sa fin officieuse, le comic-book Captain America : The Chosen, écrit par David Morrell et dessiné par Mitch Breitweiser.
En Afghanistan, de nos jours, un jeune soldat du nom de James Newman, qui ne désire que servir son pays, se retrouve à affronter les horreurs de la guerre. Alors qu'il se retrouve en mauvaise posture surgit devant lui Captain America en personne, qui semble l'aider à combattre l'ennemi. Lorsque ce dernier fut vaincu, Cap disparut dans la nature. Alors que les amis de James n'ont pas vu notre héros, affirmant que le soldat s'en est sorti tout seul, le jeune américain se demande s'il n'a pas eu une vision. Mais Captain America était-il vraiment présent ? Et cette apparition aurait-elle un rapport avec le fait qu'il soit entre la vie et la mort ?
En 2007 sortait aux USA la mini-série Captain America : The Chosen. L'idée de départ était d'écrire ce que serait la fin du héros étoilé, sans que cela puisse pour autant être inséré dans la continuité classique. D'abord intitulé Captain America : The End, Marvel décida de changer son titre pour ne pas faire doublon avec la mort du "vrai" Captain America dans le crossover ultra-populaire Civil War. L'histoire s'est vu confié à David Morrell, grand auteur de roman s'il en est puisqu'on lui doit First Blood, livre où il inventa le personnage de Rambo !
Ce dernier décida de placer son histoire dans notre monde contemporain, lors de la guerre actuelle qui se déroule au Moyen-Orient. Connaissant l'auteur, nous étions en droit de nous demander ce qui nous attendait. En effet, ce dernier avait par le passé et par le personnage de Rambo écrit une critique implicite de la guerre du Vietnam, du rôle de chair-à-canon de ses soldats débarqués dans cette infamie et des conséquences psychologiques pour ces "objets" de l'armée américaine qui ne pouvaient quasiment plus s'insérer dans la société de l'époque. Alors qu'on pouvait penser que le parallèle entre les deux guerres était évident, il n'en fut rien, et l'auteur donne un avis pro-américain téléphoné sur les évènements de la guerre en Afghanistan. Certes, il a l'intelligence de faire passer son propos avec une certaine finesse d'écriture, mais choisir la facilité patriotique alors qu'il aurait pu prendre son lecteur à revers s'accompagne du retour de bâton qui va bien. D'autant plus qu'il ne sait pas véritablement quel thème mettre en avant.
Car en effet, Captain America : The Chosen s'éparpille beaucoup trop, et cela représente probablement son plus grand défaut. Sorte d'hybride entre histoire de guerre, origin et end stories, le tout gratiné de flashbacks qui plombent complètement le rythme du récit, Morrell se perd trop et nous livre un résultat assez indigeste. Non pas que l'histoire soit compliquée en soi, mais le lecteur est tellement ballonné entre le point de vue de Newman, son passé, les débuts de Captain America, certaines de ses aventures notamment lors de la World War II, l'apparition de sa maladie du aux répercussions du sérum de Super Soldat et son état léthargique qu'il serait difficile de tout lire d'une traite sans rater quelque chose.
Et encore, suivant l'époque des faits, le rythme est complètement différent ! C'est simple, l'histoire censée se dérouler au moment présent stagne complètement à partir du deuxième épisode, et tourne en rond jusqu'au dernier. De plus, l'auteur se livre à d'énormes raccourcis pour expliquer certains faits, comme les pouvoirs psychiques de Captain America. C'est d'ailleurs à ce moment-là qu'on sent vraiment que l'histoire est complètement perdue et qu'elle n'arrivera plus à sortir la tête de l'eau. Ainsi, le dernier épisode déroute. Car à force d'avoir distillé les plots de sa trame à travers les cinq premiers chapitres, il se voit obligé de les résoudre en un seul, qui est donc étonnamment chargé comparé au reste de l'histoire. À vouloir être trop généreux avec son lecteur, The Chosen le ballade et le fait fuir rapidement. Ce qui est d'ailleurs dommage car cette mini-série aurait pu être un point d'entrée idéal pour tout nouveau lecteur qui souhaiterait se familiariser avec le personnage, car elle a le mérite d'aborder certains grands moments de la carrière du héros étoilé, dont ses tous débuts, et permet de donner un aperçu de ce à quoi peut ressembler le personnage.
Il est aussi dommage que le rythme absurde détruise les recherches sur les deux héros. Car si Morrell a visiblement du mal à façonner le contenant, le contenu est à la base intéressant, car les personnages sont plutôt bien travaillés. Avec un héros principal qui croit en son pays, mais qui a des doutes sur lui-même et sur sa capacité à le servir, l'analogie avec Cap est évidente. C'est d'ailleurs le message qu'essaie de nous faire passer le récit : si nous en avons la volonté, nous pouvons tous être Captain America. Ce dernier a d'ailleurs un rôle de soutien auprès de James Newman. Il est plus spectateur, voir narrateur de l'histoire qu'acteur, et ce point de vue reste une bonne idée, malgré certains aspects caricaturaux des personnages (que ce soit de la part des vilains, mais aussi des héros).
Enfin, on a donné à illustrer cette histoire à Mitch Breitweiser. Cet artiste a un style réaliste assez courant, on sent d'ailleurs les influences que peuvent avoir des noms plus connus tel John Cassaday ou Brian Hitch. Si l'ensemble reste relativement figé, du à cet aspect presque photographique que le dessinateur veut rendre et qui en rebutera plus d'un (les partisans du "comics à la Kirby" surtout), il nous donne tout de même certaines très belles planches de Captain America, souvent poseur, mais surtout iconique. Il sait le rendre imposant et charismatique. La palette de couleurs utilisée vire principalement vers le gris, parfois trop, et le sable lors des passages en Afghanistan.
Captain America : The Chosen partait d'une très bonne intention, malheureusement David Morrell s'engouffre parfois dans la facilité voir le cliché, use de gros raccourcis et surtout se laisse perdre par les (trop) nombreux aspects du personnage qu'il veut aborder. Reste un beau message, deux personnages principaux bien écrits et des dessins de Mitch Breitweiser qui diviseront. À lire au moins une fois, de préférence de façon épisodique.