Ne paniquez pas, vous n'avez aucun besoin d'avoir lu les 621 numéros précédent pour aborder celui-ci comme il se doit. En effet, à l'occasion de Fear Itself et de la sortie de Thor en salle, Marvel a eu la bonne idée de confier à Kieron Gillen et Doug Braithwaithe la réalisation du reboot de la mythique série Journey Into Mystery avec un arc entièrement consacré au demi-frère maléfique de l'Asgardien : Loki.
C'est donc en laissant de côté quelques instants les marteaux et les dieux guerriers que nous allons décrypter ce numéro rafraichissant, de bonne augure pour la suite d'un arc qui s'annonce d'ores et déjà passionnant pour tous les mordus de la rivalité Thor/Loki.
Malgré son statut de Young Gun qui ne cesse de gravir les échelons, Kieron Gillen est loin d'être un petit nouveau. Il a d'ailleurs été le scénariste de la série Thor pour les numéros 601 à 614. De même son comparse Doug Braithwaite a déjà eu l'occasion de mettre ses talents au service du dieu du tonnerre pour la mini série Secret Invasion : Thor et le temps de quelques numéros de la série régulière lors du run de Gillen. Forts d'une expérience passée sur le thème Asgardien, les deux hommes abordent donc ce nouvel arc et ce nouvel angle à l'aise, aussi bien visuellement qu'éditorialement où ils assument leur rôle de complément de luxe à Fear Itself, event 2011 de Marvel mettant en scène Odin et Thor au premier plan.
Sur le scénario tout d'abord, le titre est clairement bien scripté et l'évolution du jeune Loki est amenée avec lenteur et logique. Kieron Gillen nous a rarement habitué à une écriture Hollywoodienne, préférant l'introspection et l'investigation lente avec ses personnages principaux comme il le prouve encore une fois avec le demi-frère de Thor ici.
On regretta un dialogue un poil trop long entre "Kid Loki" et son aîné toutefois, pas nécessairement justifié pour saisir toute l'ambivalence du jeune "vilain".
La fin, elle, prouve que si le titre peut et doit être considéré du propre aveu de l'auteur comme un spin-off de Thor, celui-ci est également très étroitement lié à Fear Itself avec cette scène déjà culte entre Odin et le dieu du tonnerre.
En termes de mise en scène, ce numéro est trop calme pour juger la faculté des auteurs à introduire le jeune Loki dans le feu de l'action, mais tous les traits de caractère du personnage transparaissent à chaque page, à tel point qu'il est impossible pour le lecteur de faire confiance au jeune héros à qui il n'a pourtant rien à reprocher, ce dernier étant ouvertement dissocié du Loki classique. Gillen impose alors au lecteur le même dilemme que Rick Remender avec son Uncanny X-Force, à savoir "peut-on juger un "nouveau-né" pour ses faits passés?" en y ajoutant une dimension différente puisque Kid Loki est lui même directement confronté à son alter ego passé.
Parlons du dessin maintenant : Doug Braithwaite nous avoue aujourd'hui même en vidéo vouloir revenir à la colorisation de son propre travail, on comprend ici pourquoi. Les ambiances sont beaucoup trop appuyées par des couleurs criardes et parfois malvenues. En témoigne la longue scène de dialogue entre les deux incarnations du frère de Thor qui dégouline d'un vert sale, apportant aux pages une dimension malsaine beaucoup trop grossie pour fonctionner de manière satisfaisante. Ulises Arreola utilise bien la bonne palette de couleurs mais en use et abuse et rend l'ensemble presque indigeste. Cocorico, Stephanie Hans utilise la même palette sur ses couvertures sans pour autant en abuser et le tout sert comme il faut l'ambiance Fantasy de l'histoire.
Le dessin à proprement parler, lui, remplit son contrat et Doug Braithwaite nous livre une performance dans la droite lignée de ses épisodes de Thor avec une Asgard en ruine dont la grandeur de jadis est aujourd'hui très effacée. On notera sa ré-interprétation de la scène finale de Fear Itself #1 par Stuart Immonen et Matt Fraction qui gagne ici en violence et en puissance. La dernière page, via son angle inédit, pourrait d'ailleurs bien ajouter sa pierre à l'édifice du crossover Marvel majeur de l'année mais ça, seul l'avenir nous le dira.
Au final, Journey Into Mystery #622 est un titre réussi, vrai bon spin-off de Thor et Fear Itself et récit inédit d'un Loki qui l'est tout autant. Kieron Gillen semble savoir où il mène sa barque, bien accompagné par le fidèle Doug Braithwaite, lui aussi à la hauteur de l'évènement du retour de la série mythique Journey Into Mistery.
On se quittera sur le meilleur passage de ce numéro, où Loki en bon Asgardien qu'il est, ne comprend pas l'insulte de "Troll/Trolleur" qu'il lit sur Internet avec son iPhone 4. S'en suit une page et un dialogue savoureux avec son aîné Thor qui ne comprend guère mieux les coutumes 2.0 de l'humanité...