L'annonce était déjà tombée au moment de la D23 2022 et se confirme à l'aune de la première bande-annonce : si Shira Haas a bien signé pour le rôle de Ruth Bat-Seraph dans le film Captain America : Brave New World, celle-ci ne devrait pas avoir grand chose de commun avec son homologue des comics. Chez Marvel, l'héroïne en question, Sabra, aura longtemps fait polémique du fait de son alignement : née à Jérusalem, en Israël, celle-ci est effectivement une agente du Mossad, une ex policière au service des services secrets. Un présupposé que Disney ne compte pas assumer au cinéma, au profit d'une origine plus neutre, pour s'épargner une polémique embarrassante compte tenu de la situation géopolitique du moment.
Effort Minimum
Déjà, dans les comics, Sabra aura longtemps posé problème à de très nombreux fans sensibles à la cause palestinienne. Quelques artistes ont même ouvertement pris position contre le conflit, et notamment Bill Mantlo et Sal Buscema à l'occasion du numéro Hulk #256, qui prend en exemple la mort d'un enfant pour appeler à la paix et la fin des affrontements meurtriers. A l'époque, le Hulk n'hésite pas à critiquer les positions patriotes de Sabra lors d'une planche restée célèbre, souvent citée en exemple pour illustrer la problématique de ce personnage qui impose mécaniquement un point de vue aux équipes créatives sur le conflit israélo-palestinien.
Lors de l'annonce de sa présence dans Captain America : Brave New World, Marvel Studios avait précisé que, si l'enseigne s'inspire des comics de la Maison des Idées, certaines modifications sont généralement opérées pour "moderniser" les créations les plus poussiéreuses.
Suite aux réactions hostiles des associations en faveur de la cause palestinienne, cette réorientation se confirme : non seulement Shira Haas ne portera pas le nom de "Sabra" dans le film de Julius Onah, mais celle-ci ne devrait pas non plus avoir droit à son costume (au motif de l'Etoile de David). L'héroïne en question fera partie des services secrets du gouvernement américain, et si l'on peut imaginer que son origine et son identité religieuse devraient être évoqués, il apparaît évident que l'effort des scénaristes vise à la dépolitisation de cette figure contestée, pour s'épargner une menace de boycott ou toute polémique pouvant entacher leur campagne de communication.
En ce sens, le Hollywood Reporter remarque avec ironie que le mal est déjà fait. Dès l'annonce du casting, de nombreuses voix s'étaient déjà faites entendre, et dans la mesure où la situation a encore évolué entre temps dans la Bande de Gaza, d'aucuns envisagent (probablement à tort, même si l'annonce de reshoots intensifs a pu donner du grain à moudre aux théoriciens) que Marvel Studios aurait décidé de s'autocensurer à la dernière minute.
Les critiques fusent déjà sur le projet, et de la part des deux camps : d'aucuns accusent la compagnie d'avoir cherché à représenter les services secrets israéliens sous un jour favorable avant de changer d'avis, tandis que d'autres leur reprochent d'avoir voulu censurer l'une des rares héroïnes juives du catalogue local. Un problème épineux, comme chaque fois que l'on évoque ce sujet particulièrement clivant.
Ceci étant, dans la perspective d'un film qui insiste sur le "nouvel ordre mondial", on se doute forcément que la perspective d'installer une Sabra en bonne et due forme a bien été évoquée en interne lors des premières conversations autour du script. Marvel Studios a visiblement tranché en faveur d'une position neutre, pour ne pas se priver d'une partie de son public. Si bien que la présence de Shira Haas passe désormais pour un refus d'obstacle, et le stigmate d'un film qui, sous couvert d'un engagement politique frontal, refuse finalement de s'engager sur certains sujets. Comme l'explique la rédaction de THR, la nature même du conflit est peut-être simplement trop lourde pour une entreprise qui reste, fondamentalement, accrochée à son objectif de divertissement tous publics.
Captain America : Brave New Worldest attendu pour le 12 février 2025.