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[MàJ] Andrea Sorrentino a-t-il utilisé l'IA pour ses numéros du Batman de Chip Zdarsky ?

[MàJ] Andrea Sorrentino a-t-il utilisé l'IA pour ses numéros du Batman de Chip Zdarsky ?

NewsDc Comics

MàJ 12/03/24 : des sources proches de l'artiste nous ont contacté pour infirmer les allégations et nous assurer que les planches n'ont donc pas été réalisées à l'aide de l'intelligence artificielle. Nous sommes en l'attente d'une communication officielle et cherchons à prendre contact avec Andrea Sorrentino afin de pouvoir développer avec plus de précisions.


La question de l'intelligence artificielle apparaît de plus en plus fréquemment dans l'actualité des comics. De plus en plus de variations apparaissent, à l'aune de cette nouvelle mode poussant à la logique de l'algorithme roi, alimentée par une large batterie de tutoriels documentés. Le mantra du moment ? Tout le monde peut faire des comics, avec le bon logiciel. Et la question du droit des auteurs passe au second plan dans cette ruée vers l'expérience ludique, malgré les protestations de quelques professionnels du secteur. L'espoir d'une régulation ne freine pas les efforts fournis par les industriels de la tech' pour multiplier l'offre en IA générative basée sur les créations des autres. Restait encore à savoir combien de temps l'industrie officielle pouvait encore résister à cette fièvre de l'artiste-robot.

Tracing is Caring

Sur les réseaux sociaux, plusieurs lecteurs assidus de la série Batman de Chip Zdarsky pensent avoir trouvé un premier exemple frappant. Pour contexte, le titre explorait récemment l'idée d'une suite directe au Killing Joke d'Alan Moore et Brian Bolland le temps d'un arc scénaristique intitulé "Joker : Year One". Les artistes Giuseppe Camuncoli et Andrea Sorrentino ont été embauchés pour signer les dessins de cette histoire, morcelée en plusieurs parties, avec plusieurs ambiances. Et justement, la partie réalisée par Sorrentino interpelle. Sur les réseaux sociaux, un lecteur s'est posé la question de savoir si l'artiste n'avait pas eu recours aux logiciels génératifs pour réaliser certaines de ses cases.
 
A savoir, à titre d'exemple (l'ensemble du fil est accessible sur le réseau Twitter) :
 
 
Force est de le constater, à la découverte de certaines des planches ou des cases développées par Andrea Sorrentino pour Batman #142 et #143, la question peut se poser. Certains rendus n'ont effectivement pas du tout la texture, l'esthétique habituelle des comics du dessinateur sur ses précédents projets (et dans la mesure où celui-ci n'est pas un débutant, ni sur Batman, ni sur le Joker, les points de comparaison viennent naturellement). En l'occurrence, l'artiste s'est surtout fait une réputation pour l'utilisation d'images de référence par le passé, avec une technique d'aplat en couleurs, d'utilisation d'effets numériques précis, pour développer une gamme faussement réaliste mâtinée d'ombres et d'espaces vides, avec beaucoup de grain, de contours irréguliers, etc.
 
Le fil appuie sa démonstration en pointant du doigt certains défauts associés à l"IA art". Jusqu'à certaines mises à jour récentes, la symétrie, le rendu des doigts, des oreilles ou des dents posait problème aux logiciels génératifs, et dans certaines planches, on reconnaît effectivement quelques similitudes troublantes avec ces limites algorithmiques connues.
 
A partir de là, plusieurs autres fans se sont amusés à essayer de comprendre le processus utilisé. En déconstruisant la logique de ce qu'il était possible d'obtenir en interrogeant les logiciels génératifs modernes, et tenter de recréer à la main certaines des cases de Sorrentino. Notamment via une scène qui n'utilise pas le personnage du Joker, mais de Catwoman. Si d'aucuns pourraient se montrer sceptiques sur le rendu restitué, qui embarque un effet de peinture visible, peut-être plus difficile à créer par ordinateur, il n'en est rien : cette technique est en réalité facile à reproduire. Au point de devoir plisser les yeux pour déceler les différences entre le dessin de Sorrentino et l'essai conduit par un fan, une fois les deux images mises bout à bout.
 
Cette planche passe aussi pour une pièce à conviction criante : des détails aux effets de texture, photoréalistes, jusqu'à l'imagerie de rouille utilisée, rien ne ressemble vraiment à du Andrea Sorrentino dans cette image. Une page qui ressemble beaucoup plus à du Dave McKean, et sauf dans le cas où le dessinateur nous aurait caché un invraisemblable talent pour la peinture numérique, on aurait envie de se demander d'où vient ce Joker crucifié, dans une composition de face, avec un personnage de dos au premier plan, là-encore emblématique de l'AI art.
 
 
Même en cherchant bien, la démonstration proposée n'a visiblement pas rencontré de réelle résistance sur les réseaux sociaux. Le public qui a pu découvrir ces images (peut-être emporté par l'effet boule de neige des coups de gueule collectifs) a généralement tranché pour la favorable : selon toute vraisemblance, Andrea Sorrentino aurait eu recours à un logiciel de génération automatique pour remplir les planches de sa contribution à Batman #142 et #143. Une partie du public aura ensuite cherché à comprendre ou à contextualiser la démarche. Pour certains, l'industrie de la BD demande simplement trop d'efforts à ses professionnels, incapable de tenir les délais imposés par les sorties au format mensuel. Un argument qui a du mal à tenir, en l'occurrence, pour ce dessinateur précis (dans la mesure où Sorrentino ne travaille plus sur des séries régulières mainstream en mensuel depuis un long moment) ou pour ce projet précis, illustré à quatre mains.
 
D'autres expliquent que la technologie est une zone d'expérimentation nouvelle qui peut aussi intéresser les professionnels. Sur le papier, la méthode pourrait même s'entendre comme une évolution naturelle tes techniques de "tracing" (qui consiste à décalquer une photographie pour dessiner par-dessus), des photos de référence (la même chose, mais pour les visages et expressions humaines) ou bien même, pour certains artistes qui ne travaillent pas sur des bases classiques en crayonnés. Comme Greg Land. Cette catégorie d'illustrateurs existe aussi. Celles et ceux qui se basent sur des modèles, et pour qui le travail réel ne commence qu'à partir de la mise en couleurs, de l'encrage d'une image préexistante, en peinture numérique. 
 
Pour se faire une idée de ce que ce travail peut représenter à l'échelle d'un Andrea Sorrentino :
 
 
On voit bien ici que, si d'aventure le dessinateur avait effectivement créé la tête de ce Joker immergé sous l'eau au moyen d'une intelligence artificielle, il ne s'agirait alors que d'une première étape fondamentale : la base d'un dessin plus ambitieux qui passe par le choix des couleurs, l'ajout des détails, la composition d'un fond, etc. En l'occurrence, Andrea Sorrentino aurait certainement intérêt à s'exprimer sur le sujet, ou à présenter une vidéo de travail plus complète pour certaines autres planches, plus lourdes ou plus criardes en effets numériques.
 
En ce qui concerne la théorie d'une "expérience isolée", si les numéros de la série Batman ont mécaniquement capté plus d'attention que le reste de la bibliographie moderne du dessinateur, en allant chercher dans la série Bone Orchard : Tenement (Image Comics), on réalise vite que certaines pages du titre ressemblent là-encore à des protocoles génératifs. Autrement dit, soit Sorrentino a appris une nouvelle méthode de dessin ou de peinture, soit celui-ci a décidé d'intégrer pour de bon l'intelligence artificielle dans son protocole artistique, sur l'ensemble de ses projets actuels et futurs.
 

 

 
Pour l'heure, la question n'est pas tranchée. DC Comics ou Andrea Sorrentino lui-même ne se sont pas exprimés suite à la réaction hostile des fans sur les réseaux sociaux. Si l'accusation se trouvait être fausse, l'artiste n'aurait sans doute aucun mal à prouver sa bonne foi. En revanche, si celle-ci devait se vérifier, plusieurs artistes directement concernés par le danger que peut représenter l'intelligence artificielle pour les métiers de l'illustration seraient sans doute mécontents de savoir que l'éditeur a autorisé, sans relecture ou sans avertissement, la publication de ces planches. Actuellement, une large quantité de dessinateurs professionnels redoutent la montée en puissance de l'AI art. Non sans raison.
 
Encore bloquée au stade de prototype (ou pas encore assez discrète pour ne pas se remarquer au premier coup d'oeil), l'intelligence artificielle générative évolue à grande vitesse. Il est d'ores et déjà assez facile de reproduire certains dessins, comme par exemple le Batman '66 ou le Joker de Brian Bolland en quelques clics. Pour l'exemple, une démonstration grave s'était, là-encore, invitée sur les réseaux sociaux en fin d'année dernière, sous le regard inquiet des professionnels de l'industrie des comics qui n'ont eu aucun mal à reconnaître les sources utilisées pour la création des "dessins" en question. Jugez plutôt :
 
 
Actuellement, de très, très nombreux dessinateurs entendent traîner OpenAI devant les tribunaux. Dans l'espoir de faire reconnaître par la justice le pillage illégal de leur travail, orchestré par les entreprises à la base même de ces nouvelles technologies d'intelligence artificielle générative. Dans cette perspective, l'éventuel "scandale" Andrea Sorrentino tombe mal. Pour DC Comics, qui aurait ainsi accepté de planter un couteau dans le dos de dessinateurs préoccupés par leur avenir, dans un monde où la création de "dessins" est désormais à la portée de n'importe qui en l'espace de quelques clics. Mais aussi parce que les IAs en question s'appuient sur des bases de données gorgées d'images utilisées illégalement, sans le consentement des créateurs ou des propriétaires légaux de ces dessins. Si l'on prend l'exemple de Pepe Larraz, on réalise vite l'étendue du problème : il est désormais possible de cloner le style d'un artiste sans son consentement, et sans rétribution matérielle.
 
Reste donc à vérifier si les pages concernées ont bien eu recours aux algorithmes en question.
 
 
Corentin
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