La question de Jonathan Majors est loin d'être réglée. Arrêté plus tôt dans l'année pour des faits de violences domestiques, l'acteur superstar, destiné à devenir le nouveau grand vilain de l'univers partagé de Marvel Studios, doit comparaître en procès à partir du mois d'août arrivant. Si le studio de Marvel ne s'est toujours pas prononcé publiquement, c'est du côté de Rolling Stone que deux journalistes sont allées enquêter pour comprendre quelle est la personnalité du comédien.
D'aucun se rappelleront en effet que lorsque l'arrestation de Majors avait été révélée au grand public, plusieurs réactions (de pairs du milieu hollywoodien ou de personnes l'ayant connu plus tôt) laissaient entendre que cette violence ne sortirait pas de nulle part. C'est aujourd'hui ce qu'appuie le célèbre média, avec plus d'une vingtaine de témoignages faisant le portrait d'une personne agressive, abusive et ''toxique'' sur une période de temps remontant à quasiment dix ans.
Pour le compte de Rolling Stone, les journalistes Cheyenne Roundtree et Althea Legaspi sont allées interviewer plus d'une quarantaine de personnes, qui ont connu Jonathan Majors depuis ses études à l'école dramatique de Yale jusqu'à son parcours Hollywoodien, mais aussi des proches qui l'ont connu dans ses relations personnelles. Une enquête étalée sur trois mois qui permet de faire le portrait d'un homme et de son comportement, afin d'expliquer comment la star à qui tout semblait promis a pu se retrouver empêtré dans une affaire qui risque de lui coûter sa carrière. L'ensemble de ces témoignages, s'ils ne vont pas tous intégralement dans le même sens, montrent selon les journalistes une forme de schéma comportemental de l'acteur, avec d'un côté des abus physiques et émotionnels dans ses relations de couple, et une agressivité régulière avec ses camarades de cours, puis envers les membres des équipes techniques des productions sur lesquelles ils jouaient.
Sur le cas des violences domestiques, neuf des sources de Rolling Stone (qui ont toutes souhaitées rester anonymes par peur de représailles de Majors ou de son équipe juridique) affirment que l'acteur s'est montré violent avec au moins deux femmes - une sur le plan physique, allant jusqu'à l'étrangler, et toutes les deux sur le plan émotionnel. Par ailleurs, d'anciens camarades de Yale expliquent que le comédien, mû par une volonté de réussir et un sens de la compétition prononcé, avait créé une atmosphère toxique dans sa classe et qu'il avait été impliqué à plusieurs reprises dans des altercations physiques.
La défense de Majors réfute l'ensemble des accusations formulées à l'égard de leur client, citant de leur côté six autres témoignages de femmes qui, elles, n'ont rien à reprocher au comédien ou à son comportement. Problème, sur les six personnes en question, que Rolling Stone est allé contacter également, trois d'entre-elles expliquent n'avoir jamais donné leur accord aux équipes de Majors pour s'exprimer sur l'affaire, l'une réfute la déclaration qu'on lui porte, la trouvant "malhonnête", et une autre se refuse à tout commentaire. Sur les six, une seule parle en effet de Jonathan Majors comme quelqu'un de "doux et gentil" - cette dernière ayant eu une relation avec le comédien entre ses 13 et 18 ans.
Enfin, sur le plan professionnel, sont rapportées des faits d'intimidations, de colères soudaines et de plusieurs plaintes portées à l'attention des producteurs sur différents projets, après que des membres des équipes techniques (costumières, par exemple) se soient retrouvées à pleurer sur les plateaux à force de se faire crier dessus par Jonathan Majors. En cause, le fait que l'acteur emploie le method acting (qui consiste à entrer dans la peau du personnage joué en dehors même des moments de tournage) dans une intensité qui dépasserait l'entendement, comme le rapporte un membre de production :
"J'ai entendu parler de différents acteurs "Method" et de leur comportement, mais aucun d'eux n'est violent ou agressif envers leurs équipes. [Majors] était complètement irrespectueux et quelque part violent envers tout le monde... ce qui mettait tout le monde en stress car on ne peut pas faire son job en ayant peur d'être blessé." Certains des témoignages cherchent à expliquer ce comportement par la volonté de Majors de rester "dans le personnage" au maximum. Mais comme l'explique une autre personne interrogée par Rolling Stone, "Au final, ce n'est qu'un job. Tu le laisses sur les plateaux. Tu ne terrorise pas les équipes avec ton personnage."
Sur l'ensemble des témoignages récoltés, Rolling Stone explique que tout le monde s'accorde sur le talent de Jonathan Majors, sur sa détermination à percer dans le milieu et sur les efforts entrepris à ces fins depuis Yale, mais que cette ambition aurait également donné sa part d'ombre au comédien. Le verbatim qui reste peut-être le plus éloquent du très long papier (dont on vous livre un résumé le plus concis possible, et que vous pouvez retrouver au lien source en entier) est celui-ci : "Personne n'est surpris que tout ceci soit sorti. On s'est toujours dit que ce serait une question de temps parce qu'il n'a jamais changé son comportement. C'est une sorte de sale type, et maintenant ça le rattrape."
La défense de Jonathan Majors réfute quant à elle toutes les accusations et l'ensemble des témoignages mettant en cause le comportement de son client, accusant Rolling Stone d'être partial et d'avoir volontairement omis une partie des témoignages afin de ne garder que ceux à charge contre l'acteur. L'avocat du concerné, Dustin A. Puch, affirme que les accusations d'abus dans les relations personnelles "ne se basent que sur des rumeurs car aucune des femmes concernées n'a souhaité s'entretenir avec Rolling Stone - ce qui prouve que tout est faux", tout en affirmant que tout ce qui se rapporte au côté professionnel n'est lié "qu'à un method acting très immersif que certains peuvent prendre pour de l'agressivité" alors que "toute personne ayant travaillé avec Majors reconnaissent son dévouement au travail et sa gentillesse."La même défense a par ailleurs décidé de contre-attaquer en portant plainte contre Grace Jabbari (la femme qui a été frappée par Majors), affirmant qu'elle aurait été l'instigatrice première des violences dans cette affaire. Une enquête du NYPD est actuellement en cours à cet égard, sans qu'une arrestation n'ait été prononcée envers Jabbari pour le moment.
Le cas Jonathan Majors sera donc traité devant les tribunaux dans un peu plus d'un mois, et les témoignages rapportés par Rolling Stone auront certainement un poids à jouer dans l'ensemble. Si la défense du comédien assure de l'innocence complète de l'intéressé, le fait est que les témoignages se sont multipliés depuis - d'abord chez Variety, puis dans Rolling Stone dans ce cas. En attendant le jugement, on continuera de lever un sourcil interrogateur sur l'attitude publique de Marvel Studios, qui n'a toujours pas daigné ne serait-ce que reconnaître que l'une de ses superstars est pris dans une affaire de violences conjugales. A voir désormais comment le studio va ajuster ou non ses plans de diffusion et de production pour la seconde saison de Loki et Avengers : The Kang Dynasty, les deux prochaines oeuvres du MCU dans lesquelles Majors doit apparaître. Affaire à suivre, comme on dit.
