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Spider-Man : Across the Spider-verse est une spider-merveille, tout simplement

Spider-Man : Across the Spider-verse est une spider-merveille, tout simplement

ReviewCinéma
On a aimé• Une direction artistique complètement dingue
• Une réalisation toujours virevoltante
• Un casting en béton armé
• L'évolution des personnages, héros comme vilains
• Les références visuelles constantes
• La bande-son admirable (même si un peu moins marquante)
• Bon, écoutez, c'est de la frappe, que voulez-vous savoir de plus
On a moins aimé• Quelques rares longueurs
• Des caméos ou placements de produits pas super fins
Notre note

Fin 2018, au sortir de la projection presse de Spider-Man : Into the Spider-verse. Une certitude absolue, voire deux : non seulement il s'agissait du meilleur film Spider-Man, si ce n'est du meilleur film de super-héros qui avait pu voir le jour depuis la renaissance moderne du genre au début des années 2000 ; mais surtout, il y aurait un avant et un après, au vu de sa générosité et de sa folie artistique. Un Oscar plus loin, nos certitudes avaient trouvé raison. De projets menés directement depuis le département animation de Sony Pictures, à l'image du film Les Mitchells vs les Machines, au prochain reboot des Tortues Ninja en passant sur d'autres projets plus surprenant comme le long-métrage Entergalactic de Kid Cudi ou encore Le Chat Potté 2 (voire même plus loin, pour la série Ms. Marvel ou le cartoon Moon Girl & Devil Dinosaur), l'emprunte indéniable de Spider-verse s'est retrouvée un peu partout.

L'annonce de deux suites, commandées par Sony Pictures Animation, était donc forcément excitante, mais laissait aussi place à une interrogation. Notamment, pour l'absence du trio des réalisateurs du premier volet, remplacés (par une formation en trois, certes). Et si le film souffrait d'un effet de suite plus automatique, moins sincère ? Qui se reposerait sur les acquis du premier sans chercher à les dépasser ? Pire : et si Spider-verse premier du nom était simplement un petit miracle, un coup du sort destiné à ne jamais être reproduit, une anomalie dans la sphère des spider-produits de Sony Pictures, bien moins reluisante du côté du live action ? Soyez rassurés d'entrée de jeu : Spider-Man : Across the Spider-verse est bel et bien à la hauteur du précédent. Mieux encore, il parvient même à surpasser son aîné sur de multiples points. Un nouveau bijou, donc, qui fait la démonstration de sa superbe, sans avoir même besoin de profiter d'un éventuel effet de surprise. Nouvelle certitude : il s'agit tout bonnement du meilleur film de super-héros que vous verrez cette année.

Cette critique est garantie sans aucun spoilers !


Du plaisir à tous les étages

Toute la difficulté de faire suite à un chef d'oeuvre repose sur l'équilibre à trouver è entre la reprise des éléments qui avaient fonctionné, et l'envie d'insérer une couche de nouveautés. Spider-Man : Into the Spider-verse présentait ainsi différentes versions de l'araignée, venues du multivers, pour interagir avec le Miles Morales de la Terre-1610 (soit littéralement l'univers Ultimate, qui se voyait ainsi transposé au cinéma pour la toute première fois). 

Le second film va en quelque sorte faire le chemin inverse, en amenant Morales à visiter d'autres univers que le sien. Et par extension, le public est invité à prendre part au voyage... avant même la première apparition du héros à l'écran. Le film va effectivement s'ouvrir sur Spider-Gwen qui nous embarque dans son quotidien, somme toute banal depuis son retour sur sa planète d'origine (Earth-65). La Spider-Woman commence à se sentir bien seule. Un flashback nous explique comment elle a perdu son meilleur ami, le Peter Parker de cet univers, avant que la ville de New York ne se retrouve confrontée à un nouveau problème : une attaque du Vautour, Adrian Toomes. Sauf que ce Vautour ne semble pas être de ce monde - y aurait-il de nouvelles brisures dans la toile du Spider-Verse


L'introduction, à elle seule, pourrait constituer un court-métrage auto-suffisant qui rappelle toutes les qualités du personnel en charge de cette petite saga. On y trouve plus d'idées visuelles, dans l'action, mais aussi d'émotions et de développement de personnages, que dans tout ce que les studios ont pu nous proposer en images réelles depuis... Depuis. Autant le dire tel quel : pour les amateurs et amatrices de comics, dès les premières secondes, le résultat a tout d'un authentique porno. Chaque Terre a droit à sa propre direction artistique, et les lavis des couleurs fluo du monde de Gwen, en décalque des couvertures des comics Spider-Gwen de Robbi Rodriguez, donnent immédiatement le ton - et rassurent au passage : cette seconde aventure ne souffre d'aucune concession artistique.

C'est même l'inverse : Spider-Man : Across the Spider-verse explose littéralement de générosité sur le plan visuel, avec une direction artistique qui profite des changements d'univers pour se renouveler à chaque instant. Les lieux ont chacun une identité propre, mais surtout une identité forte, qui imprime la rétine.

Avant de lister les (innombrables) qualités du film, revenons un instant sur le scénario, sur la base d'un résumé sommaire, pour vous laisser un maximum de surprises une fois arrivés en salle. Miles Morales est toujours le Spider-Man de son quartier fétiche, Brooklyn. Alors que la fin du lycée se profile, se pose la question de son orientation professionnelle et de ce qu'il voudra faire ensuite. Le jeune adolescent a du mal à se faire comprendre de ses parents - ces derniers ayant aussi leurs propres envies de trajectoire à floquer sur leur gamin. Accessoirement, il devient de plus en plus difficile pour lui de cacher le secret de sa double vie de super-héros. Alors que Miles doit se rendre à une réunion avec la conseillère d'orientation, il tombe sur un étrange vilain : The Spot (la Tâche en VF), capable de créer des trous dimensionnels et de faire circuler objets et personnes au travers. Mais ce méchant particulier, qui revendique une filiation précise vis-à-vis de Spider-Man, ne semble être qu'un freak of the week, pas même capable de commettre un hold-up sans se mettre des bâtons dans les trous. Plus tard, de ce petit statut de vilain de bas-étage, The Spot va lui aussi évoluer pour constituer une menace importante à l'encontre du héros. 

Le scénario, assez dense, nous propose de retrouver de nouvelles versions de Spider-Man ainsi qu'un grand regroupement de Spideys assemblés en collectif, avec Miguel O'Hara (Spider-Man 2099, incarné par Oscar Isaac - applaudissement pour ce pauvre loustic, enfin bien servi par le cinéma des super-héros après avoir erré tristement sur les plateaux d'X-Men Apocalypse et Moon Knight, certainement pour remplir le frigo et payer l'assurance de son coupé sport à l'époque) au sommet de la pyramide. Le film repose sur deux thématiques principales, abordées au travers des personnages de premier plan, mais aussi par les plus secondaires. 

En construction miroir du premier volet, alors que les héros de chaque dimension cherchaient à rentrer chez eux, ici Gwen ou Miles ont plutôt envie de se retrouver. Et de façon plus générale, d'être moins seuls, de faire partie d'un groupe. D'autre part, le scénario aborde une question méta-textuelle sur ce que doit être le canon d'un Spider-Man - autrement dit, si Into the Spider-verse posait la question de ce qui fait Spider-Man (les pouvoirs, le costume), le second va explorer en profondeur le présupposé classique de ses origines, et la construction dramatique qui font qu'un Spider-Man est un Spider-Man, ou bien tout à fait autre chose. Tout ceci, dans un feu croisé qui mêle les agissements de The Spot, les directives d'O'Hara, et les décisions d'un Miles Morales bien décidé à suivre sa propre route sans opter pour la route que d'autres ont tracé pour lui, nourrit une profondeur thématique on ne peut plus bienvenue, et qui ne met de côté presque aucun des protagonistes.

Le casting dans son ensemble est toujours excellent, et mise sur toute la variété de Spideys empruntés aux comics. Issa Rae prête sa voix à une Jessica Drew (Spider-Woman) très charismatique, qui fait très bon usage de sa moto' pour compenser les potentielles difficultés de déplacement que lui imposeraient sa grossesse. Daniel Kaluuya est tout aussi excellent en Hobie Brown (Spider-Punk), dont la présence déchire littéralement l'écran - c'est vraiment avec ce personnage que l'on réalise à quel point les équipes artistiques ont réussi une prouesse, en parvenant à faire cohabiter autant d'esthétiques, autant de tonalités artistiques différentes tout en maintenant un résultat cohérent et digeste. 

De son côté, Miguel O'Hara est un héros très puissant lui aussi. Son statut de maître à penser dirigiste participe à la mise en scène et aux choix des angles de caméra, et on vous laissera apprécier l'évolution; tant narrative que visuelle, autour de The Spot. Celui-ci réussit à passer d'un rôle de vilain roublard à une à menace particulièrement terrifiante. Côté construction, le montage prend parfois un peu trop de temps pour poser ses enjeux (non pas que certaines scènes soient en trop ou inutiles - simplement que la même chose aurait pu être cadenassée parfois plus rapidement), et l'appréciation de la dernière demi-heure se fera en fonction de votre connaissance du suivi de l'actualité sur ce film. Pour le dire plus clairement, en sortant de salle de la projection presse à laquelle la rédaction a pu assister, plusieurs personnes s'étonnaient de voir un "to be continued" apparaître. Ce qui n'a rien d'une surprise - on sait depuis belle lurette que Spider-Man : Beyond the Spider-Verse viendra conclure la trilogie. Pour la personne informée, la dernière demi-heure se transforme presque en jeu du "ah, c'est à ce moment que le cliffhanger va tomber ?" tant l'ensemble de ce qui est proposé à l'écran est chargé et tendu. Chaque scène pourrait en réalité couper sur un écran noir, et un carton "à suivre" haletant. Conséquence directe : les attentes et les enjeux sont désormais plus élevés que jamais, et il faudra que le pay off soit à la hauteur de tout ce qui a été construit au fil de ces deux heures et quelques.


Scénaristiquement, Spider-Man : Across the Spider-verse est proche du sans-faute. Visuellement, le résultat parle de lui-même. Sans surprise : les équipes d'animations ont été assistées par de véritables professionnels du comics, avec les noms d'une douzaine d'artistes tels que Matteo Scalera ou Adrian Alphona crédités au générique (pas en "remerciements", non, vraiment comme salariés, membres à part entière de l'équipe du film). Il en résulte un immense spectacle de chaque instant. Que ce soit par le mélange des univers qui se démarquent visuellement, par la fluidité de la caméra qui trouve toujours des angles innovants pour filmer l'action, et sait se poser lors des moments plus intimes. 

Mais aussi par l'utilisation des cadres et motifs propres à la bande dessinée : Across the Spider-Verse innove là dessus aussi, en reprenant les ellipses à base de couvertures de comics, ou avec d'autres petites trouvailles que les lecteurs et lectrices se plairont à découvrir. Tout est généreux, plein de couleurs, et pour celles et ceux qui ne seraient pas boulimiques de Spider-Verse, on concédera que parfois il y peut y avoir un sentiment de "trop" : trop de personnages, trop de détails, trop d'effets, en réalité c'est qu'on aimerait pouvoir appuyer sur pause pour pouvoir être sûr de ne rien louper. Autant d'excuses pour retourner le voir une seconde ou une troisième fois. Spider-Man : Across the Spider-Verse est d'une richesse inouïe ; s'il ne remportera peut-être pas d'Oscar cette fois ci, car l'effet découverte/surprise est passé et que l'animation frappe fort cette année, il aura droit à sa nomination sans aucun doute. 

Difficile de ne pas s'émerveiller à chaque petite trouvaille visuelle, pour chaque idée apportée, ou encore sur tout l'aspect méta-conscient convoqué par l'utilisation beaucoup plus prononcée du multivers arachnéen. Le film réserve de très bons caméos, en référence à l'histoire de Spider-Man en comics, mais aussi à l'historique de Sony Pictures en tant que société de production attaché à la franchise depuis plusieurs décennies. Ou encore à certaines références que seuls les ultra-fans de Spidey seront à même de comprendre. Le fait est que le héros est une icône qui a depuis longtemps dépassé la sphère pop-culturelle des connaisseurs, et que chacun devrait retrouver ce qui lui plaît dans ce personnage ici. En plusieurs exemplaires. 

A la rigueur, seules quelques références, quelques placements de produits viendront ternir le spectacle. Après tout, le film reste une production Sony, et malgré son statut d'exception à la règle, opère dans une logique d'univers à franchiser malgré tout. Et encore - ces éléments sont généralement bien intégrés dans les quelques scènes concernées, et le reste est tellement généreux et sans volonté de pousser la figurine du Menu McDo' que, pour une fois, on oublie. 

Avis sincère (et pour une fois, sans chercher à contextualiser ou à jouer le jeu des comparaisons par le bas) : il n'y a rien à jeter dans Spider-Man : Across the Spider-Verse. Le rythme est savamment dosé et sait alterner entre moments de bravoure, instant familiaux délicats (on apprécie d'ailleurs le fait que Rio Morales soit bien plus mise en avant dans ce deuxième opus) et enjeux réellement dramatiques. On rit, aussi. Beaucoup. Puisque Phil Lord et Chris Miller ne sont jamais bien loin, et que ces deux champions de la comédie, à défaut d'avoir cherché à occuper le fauteuil de "metteurs en scène", restent les deux géniteurs à l'origine de toute la saga. Le film peut même se laisser approcher par celles et ceux qui auraient boudé le premier opus avec de très bons rappels des faits, sans passer par une exposition/résumé trop lourde. Vous l'avez donc certainement compris : il faut soutenir cette offre là. Pour l'animation, pour les comics, pour ce marché que l'on résume trop souvent à du divertissement bête, vain et vide de sens. Et pour Spider-Man, qui profite enfin d'une vitrine capable de mettre tout le monde d'accord, des deux côtés du rempart qui sépare généralement le fan converti du fan en devenir.


Enfin, par-delà le seul aspect visuel, qui justifierait de payer son ticket de cinéma sans besoin d'arguments supplémentaires, le film de Joaquim Dos Santos, Kemp Powers et Justin K. Thompson est surtout une nouvelle bouffée d'air frais. Si le premier Spider-Verse avait quelque chose de neuf, le nouveau est salvateur, au vu du triste spectacle proposé par les majors en images réelles depuis quelques années. 

Spider-Man : Across the Spider-Verse ne gag pas pour gaguer. Son scénario n'est pas un prétexte à un déroulé automatique, ses personnages sont de vrais personnages, avec de vraies motivations et des cheminements qui leur sont propres. On se plaît à les voir évoluer, on se plaît à deviner certaines ficelles narratives pour mieux se laisser surprendre. La conclusion elle-même risque de rendre insupportable le temps qui nous sépare de la sortie de Beyond the Spider-Verse, qui va désormais porter sur lui énormément de pression. Et voilà peut-être le seul véritable écueil du film : il sera impossible de le prendre vraiment en compte de façon indépendante, tant ce qu'il à a raconter ne sera vraiment complet qu'avec son troisième opus. En l'état, le spider-spectacle est donc une régalade, un buffet cinq étoiles qu'il serait criminel de ne pas aller voir dans les salles. 

Bien entendu, le film parfait n'existe pas, et Spider-Man : Across the Spider-Verse a quelques défauts (listés plus haut). Néanmoins, face à un tel degré de densité accordée à l'intrigue et à ses personnages, à la façon dont les équipes se sont renouvelées sur la (les) direction(s) artistique(s), à l'hommage continu pour l'héritage culturel de Spider-Man sans presque jamais tomber dans la référence facile ou le caméo lourdinque, difficile de dire autrement : Sony Pictures Animation nous lâche une autre formidable anomalie dans un registre qui a bien du mal à se renouveler, un sérum anormal sorti d'un labo' de savants fous, comme pour expliquer aux autres que leurs dogmatismes rituels ne sont plus crédibles dans le présent. L'exemple à suivre, plus que jamais, et on va le répéter une ultime fois : c'est d'ores et déjà le meilleur film de super-héros de l'année. 

Arno Kikoo
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