L'univers cinématographique partagé de Marvel Studios a vu le jour il y a maintenant quinze ans, fin avril 2008 avec la sortie d'Iron Man dans nos salles et partout dans le reste du monde. Depuis, bon nombre de studios concurrents ont également tenté de bâtir leur propre univers partagé, certains avec beaucoup de difficultés (comme Warner Bros. et DC Comics), d'autres avec de lamentables échec (Universal et son "Monsters Universe"). Si beaucoup retiennent le nom de Kevin Feige ou Bob Iger dans la réussite du MCU, beaucoup auront tendance (et c'est normal) à oublier celui de David Maisel, qui fut le PDG fondateur de la firme, et la quitta en 2010 après avoir participé au rachat du studio par Disney. Aujourd'hui, ce dernier a de nouveau des envies de bâtir un univers partagé, en allant puiser dans l'une des créations du regretté Michael Turner.
Un long format du Hollywood Reporter a en effet mis en lumière cette semaine la nouvelle entreprise de David Maisel, avec sa compagnie Mythos Studios. L'intéressé explique avoir embauché une douzaine de personnes et réuni quelques millions de dollars de la part d'investisseur pour construire The Ekos Universe, qui reprend son appellation du numéro éponyme de Michael Turner et Geoff Johns (un récit qui était intégré l'an dernier dans l'intégrale Soulfire chez Delcourt Comics). Néanmoins, l'univers en question ne devrait pas suivre la ligne narrative d'Ekos (qui de toute façon s'est limité à un numéro de preview en 2003, sans que la série ne puisse être réellement lancée, puisque Turner nous a quitté en 2008) mais faire quelque chose de similaire à Marvel Studios et son MCU : reprendre des personnages existants et bâtir son propre univers, entre films, animation et jeux vidéo. Aucune directive n'a encore été donnée, mais l'ensemble du projet reposera sur des films Ekos, avec un univers décrit comme un croisement "d'Avatar et de Marvel".
Dans les noms des personnes embauchées, on voit que Maisel a une certaine ambition, puisqu'un groupe de consultants est assemblé avec en son sein Joe Quesada (ancien rédacteur en chef de Marvel) ainsi que Jeremy Latcham, ancien Vice-Président Senior au développement à la production chez Marvel Studios. En somme, des personnes habituées aux contraintes des univers partagés et qui ont de l'expérience dans la construction d'une telle entreprise pour des médias de divertissement de masse. Selon David Maisel, 2023 serait une période idéale pour lancer The Ekos Universe, comme 2008 fut le bon moment pour bâtir le MCU - chose qui n'était pas si évidente pour le public et les investisseurs il y a quinze ans.
La compagnie Mythos Studios est cotée en bourse à hauteur de plusieurs milliards, et parmi ses actionnaires, on retrouve quelques grosses fortunes (les milliardaires Ron Burkle, Jim Breye ou Nicolas Berggruen) mais aussi des entreprises de "la tech'" qui se sont lancées dans des projets plus ou moins houleux comme Sfermion et Digital, tournées vers le "métaverse" - pour peu que ce concept ait encore une existence possible à l'heure de rédaction de ces lignes. C'est là que le Hollywood Reporter place quelques mots qui attireront quelques sonnettes d'alarme - puisque Mythos Studios a mené des ventes aux enchères de travaux numériques de Michael Turner, mis en couleurs par Peter Steigerwald, sous format de NFT, permettant ainsi de dégager près de 900 000$ de cette façon. Le média américain explique que Maisel estime que l'acquisition d'art numérique (façon NFT) permet au public de se sentir proche d'un univers partagé alors que ce n'était pas possible en 2008. Si vous luisez régulièrement nos colonnes, vous savez ce qu'on pense de ce genre d'assertions, et c'est réellement l'ombre au tableau de ce projet présenté aujourd'hui.
L'idée du Ekos Universe est de pouvoir rassembler les différents personnages des séries de Michael Turner chez Aspen Comics - avec donc la possibilité de mettre du Fathom et du Soulfire dans l'équation, alors que les personnages de ces séries ne s'étaient pas rencontrées en comics du temps de l'artiste. Nul ne peut dire à l'heure actuelle si le projet du Ekos Universe est destiné à se concrétiser, mais l'ambition de Maisel est bien présente. A sa décharge, il est vrai qu'en ayant eu l'idée en 2003 d'avoir Marvel qui produirait ses propres films pour construire un univers partagé de films, le bonhomme avait su faire preuve d'un talent visionnaire. A voir désormais si le grand public saura s'intéresser à une déclinaison des travaux de Michael Turner, un artiste prisé d'une partie du lectorat comics, mais dont le style très emblématique des années 1990 ne fait peut-être plus l'unanimité.