Après un départ fulgurant sur ses trois premiers jours d'exploitation, le film Thor : Love & Thunder de Taika Waititi et Marvel Studios se heurte à son tour à l'érosion quasi-systématique des deuxièmes ou troisièmes semaines d'exploitation. Depuis la pandémie de COVID-19, le cinéma des blockbusters se retrouve piégé dans un véritable test à l'effort, et peu de projets parviennent réellement à tenir de bons scores sur la durée. Toutefois, les quelques élus à tirer leur épingle du jeu se trouvaient justement être, jusqu'à assez récemment, les dernières sorties de Marvel Studios. La dernière aventure en date du dieu scandinave de Jack Kirby paye peut-être le prix d'un accueil critique et public généralement mitigé, ou décevant.
La Bataille d'Hastings
Cette déception reste toutefois contextuelle
aux excellents chiffres du weekend dernier : en local, aux Etats-Unis,
Thor : Love & Thunder n'engrange ainsi qu'un modeste ensemble de 46 millions de dollars (contre 143 millions la semaine dernière, une chute de 68%) et 49 millions sur les territoires internationaux (contre 159 millions la semaine dernière). En cumulé, ces deux sommes rapportées aux bons chiffres du démarrage placent donc le quatrième film consacré au personnage interprété par
Chris Hemsworth à un ensemble plutôt correct de 497,9 millions de dollars, ce qui est loin de correspondre à la définition d'un échec financier. En particulier si l'on considère que la Chine, qui a décidé de faire sécession avec les sorties de
Marvel Studios depuis l'année dernière, manque aux restes des territoires d'exploitation pour gonfler les chiffres.
La rédaction des Toiles Héroïques observe tout de même que, du point de vue du marché américain, Thor : Love & Thunder enregistre une chute record dans la fréquentation d'une semaine sur l'autre. Une triste médaille sur un marché qui avait déjà battu à plusieurs reprises les performances d'essoufflement de weekends en weekends sur ces douze derniers mois. Beaucoup de films ont tendance à décroître rapidement, d'où l'importance de soigner les démarrages (avec la multiplication des avant-premières), et dans cette configuration, le film de Taika Waititi risque de ne pas aller beaucoup plus haut. Il ne rattrapera pas Thor : Ragnarok, dont le score final s'était monté à 854 millions au box office mondial, et devrait plutôt croiser Thor : The Dark World, qui avait de son côté terminé sa course à 644 millions en cumulé.
La difficulté revient donc à mesurer ces chiffres dans un contexte plus global - baisse relative de la fréquentation des salles, tantôt tirées vers le haut par quelques blockbusters extrêmement populaires en trompe l'oeil d'une désertion du grand public pour les autres formes de cinéma, reprise des contaminations au COVID-19 sur différents territoires, un éventuel bouche à oreilles négatif, l'usure accumulée sur la franchise Thor au terme de quatre films, et le manque de direction globale d'une Phase 4 qui peine encore à égaler les chiffres du monde pré-pandémique. Les engagements de Marvel Studios pour la diversité participent également à fragiliser les sorties sur des territoires appliquant des politiques de censure homophobe plus ou moins assumées, et l'absence du public chinois se remarque de sortie en sortie.
Tel quel, il conviendrait donc de se poser la question : où se place le curseur de rentabilité, l'objectif chiffré des films de Kevin Feige dans le présent ? Le président de Marvel Studios saura-t-il se satisfaire d'un film qui devrait avoir du mal à aller au-delà des 700 millions pour l'un de ses personnages les plus populaires et l'une de ses franchises les plus installées, considérant ces variables contraires ? Ou bien, est-ce que ce cas de figure sera simplement présenté comme un non-événement de plus dans une routine de sorties toujours suffisamment rentables pour ne pas appeler à une déconstruction du modèle de production ?
A voir, une fois que le score final aura été établi.