Alan Moore ne se rendait sans doute pas compte du nombre de fois où des rédacteurs feignassoux pourraient taper dans la locution "rien ne finit jamais", histoire de donner un peu de corps littéraire à des articles sur l'obstination de l'industrie pour les continuations sans fin. Mike Mignola représente, à sa façon, une application intelligente de ce concept. Le monde de Hellboy a effectivement déjà survécu à plusieurs apparences de conclusions définitives - mais l'illustre dessinateur a, chaque fois, trouvé une façon pertinente de revenir aux affaires.
Parfois en créant des petites sagas dans la saga, parfois en se servant d'une prophétie qui traînait dans un coin, mais le plus souvent, Mignola a surtout eu l'intelligence de se laisser des portes ouvertes. Si le bonhomme passe un peu moins de temps à écrire ou dessiner lui-même, il s'apprête aujourd'hui à ouvrir un nouveau chapitre dans la franchise Hellboy/B.P.R.D. (ou Mignolaverse, pour synthétiser) après la dernière tentative d'en finir pour de bon, B.P.R.D. : The Devil You Know. Frankenstein prend le relais, dans un monde débarrassé des anciens démons, et où l'apocalypse a confiné les derniers restes de l'humanité dans des cavernes sous-terraines.
A la surface, les hommes grenouilles ont hérité de la Terre
Pour celles et ceux qui n'auraient pas tout suivi à la continuité de l'univers Hellboy, la série B.P.R.D. : The Devil You Know venait achever la prophétie du Ragna Rok évoqué par Raspoutine dans le premier volume de la saga. En invoquant le fameux dragon légendaire Ogdru Jahad, un équivalent des Grands Anciens de Lovecraft, le Osiris Club envisageait de détruire la planète pour se rendre maîtres du monde suivant. Mais l'organisation de vieux occultistes se faisait finalement punir pour de bon par le fantôme du héros, qui récupérait sa paluche maudite au passage. Tandis que Liz libérait son pouvoir incendiaire sur l'ensemble de la Terre, Hellboy achevait son union avec la déesse Hécate. La destruction de la main droite de l'apocalypse répandait alors sur le monde les germes d'une vie nouvelle, avec l'apparition d'une race d'hommes grenouilles censée remplacer les humains d'autrefois. Oui, tout ça (et encore, ce qui vous est décrit ici ne représente que le dernier numéro - l'ascension pour en arriver là fut longue, en digérant énormément de choses survenues dans les volumes précédents).
La série Frankenstein : New World de Thomas Sniegoski, Peter Bergting et Michelle Madsen, supervisée par Mike Mignola et basée sur une idée originale de Ben Stenbeck, sera le premier projet à se baser dans le canon de ce nouveau monde. Et donc, la première publication à se situer chronologiquement après la fin de la saga. Frankenstein est parti se terrer avec les humains de l'ancien monde dans les cavernes sous-terraines. Devenu une sorte d'oracle pour ces populations, le héros sera réveillé de son sommeil par une jeune fille du nom de Lilja. Frappée de visions d'un mal nouveau en train de se répandre à la surface de la planète, celle-ci mandate la créature immortelle pour partir enquêter sur l'origine de cette nouvelle menace sur les terres gouvernées par les hommes grenouilles.
Figure connue du paysage des Hellboy, Frankenstein deviendra ainsi le nouveau détective de l'occulte dans la longue tradition des oeuvres de Mignola, éternellement articulées autour d'un personnage de mystique dans un monde complexe d'ombres et de mystères. A ceci près que cette fois, tout sera nouveau. Le scénariste ouvre un nouveau chapitre de son univers fleuve, près de trente ans après les premiers pas de Hellboy dans la presse indépendante. Connaissant les habitudes du géant, il est très probable qu'il s'agisse d'un authentique nouveau départ avec d'autres projets prévus par la suite, mais pour l'heure, Frankenstein : New World #1 est attendu pour le 3 août 2022.