Si les lecteurs VO ont pu découvrir les débuts de Brian M. Bendis sur Superman, qui se faisait alors à l'occasion des 80 ans du personnage, la partie VF du lectorat aura dû prendre son mal en patience. Urban Comics lance en grandes pompes deux premiers tomes pour ce nouveau run du scénariste emblématique de la Maison des Idées, avec un intitulé Clark Kent : Superman, dont la dualité du titre permettra de publier les deux séries Superman et Action Comics, toutes deux dirigées par Bendis.
Une idée à l'allure à la fois compréhensible et cohérente sur le papier, qui s'offre en guise d'introduction ce Tome 0, regroupant les six numéros de la mini-série The Man of Steel. Lors de sa publication outre-Atlantique, la lecture nous avait laissé sur un sentiment mitigé, mais à la redécouverte pour la publication française, il apparaît que déjà cette introduction pose des bases essentielles pour ce qu'il se passera dans le futur proche de Superman. Un prologue qui prend certes son temps, mais qui n'en reste pas moins recommandable.
Reprenant des bases simples telles que laissées par les précédents auteurs, Bendis se réapproprie très vite l'univers Superman et la famille de Clark Kent pour poser, dès l'ouverture, quelques enjeux qui auront toute leur importance par la suite. On découvre d'entrée que Lois Lane et Jon, soit la petite famille de Clark, a disparu, alors qu'un mystérieux ennemi du nom de Rogol Zaar arrive sur Terre pour décimer le dernier Kryptonien y résidant, visiblement fort en colère contre la planète natale de l'Homme d'Acier et feu sa population, la société ayant eu une façon de fonctionner visiblement tyrannique lors de son âge d'or.
Deux intrigues parallèles vont donc se suivre - de façon à amener le lecteur à retrouver soit un blockbuster d'action dans Superman, ou un titre d'enquête dans le milieu journalistique avec Action Comics. Si le lecteur VF aura à loisir de prendre l'un ou l'autre tome de la série régulière s'il ne souhaite pas faire le choix du "entrée et desser", Bendis s'en sort plutôt bien pour amener toutes les pistes qui mèneront chacun des titres en avant par la suite. Le combat de Rogol Zaar prend beaucoup de place, mais n'en est pas moins inintéressant vis à vis de ses conséquences - parce que Bendis est là, ce n'est pas qu'avec la famille terrienne de Kal-El qu'il s'amuse à tout bousculer, mais également du côté de l'héritage Kryptonien.
En terme d'introduction, ce tome 0 de Clark Kent : Superman montre donc le potentiel du scénariste, et ce malgré quelques répétitions sur l'intrigue du côté du nouvel ennemi, dont le design, réalisé par Jim Lee, n'est à vrai dire pas bien inspiré et a un côté 90's pas des plus agréables. On trouvera plus passionnant de voir Clark Kent évoluer au Daily Planet, alors que sa femme et collègue est portée absente, et suivre les discours de Perry White sur le journalisme - se faisant ainsi le porte voix des idées de Brian M. Bendis, habitué également des journaux américains. Des points de vue, de nouveaux personnages, des cartes rebattues, en soi il y a là tout de l'apéritif pour bien entamer la suite. D'autant plus que le scénariste n'hésite pas à jouer avec d'autres personnages DC, pas forcément liés à l'univers de Superman, montrant l'aisance, d'emblée qu'il a avec ce vivier de protagonistes.
Quelques ombres au tableau seront toutefois à dénoter. D'une part, un rythme qui joue sur la décompression parfois jusqu'à outrance, comme les scènes de flashback étalées tout au long du tome, pour expliquer ce qu'il est advenu de Lois et Jon - ou de façon plus générale, la sensation que quatre numéros auraient suffi au lieu des six que l'on retrouve ici. Une place qui permet en revanche d'apprécier que Bendis se soit déjà entouré d'une belle brochette d'artistes pour la partie graphique. Voyez plutôt : Ivan Reis, Ryan Sook, Adam Hughes, Jim Lee, Kevin Maguire, Steve Rude, Evan Shaner ou José Luis Garcia-Lopez sont de la partie, et si chaque chapitre à ses particularités, l'ensemble est franchement plaisant à regarder. On aura le plus de reproches à faire sur la partie de Hughes, certaines cases étant franchement limites, mais l'impression de spectacle et de grandeur à donner à l'Homme d'Acier transparaît. A noter que l'intégration du chapitre Action Comics #1000 dans l'ouvrage a été parfaitement réalisée par Urban, en s'immisçant de façon chronologique dans le chapitre adéquat. Bien vu.
Le constat est donc satisfaisant pour ce tome 0 de Clark Kent : Superman, véritable point d'entrée pour qui veut découvrir le Superman de Brian M. Bendis. Entouré d'une tripotée d'artistes à fort niveau qualitatif, le tome permet de voir que le scénariste arrive à se faire rapidement la main sur l'Homme d'Acier, son entourage, tout en redistribuant les cartes afin de marquer son empreinte. Bien que l'ensemble soit un peu trop étiré pour ce qu'il y a à raconter, la diversité des tons entre l'action et l'enquête journalistique donne à l'album un certain équilibre, et l'envie de poursuivre l'aventure. Que vous soyez plus "Superman" ou "Action Comics" par la suite, ce sera à vous de décider comment aborder la publication d'Urban Comics !
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