Après le très bon Generation Zero et un premier tome d'Harbinger Renegade satisfaisant quoique manquant de renouveau, Bliss Comics nous propose une nouvelle fois d'explorer l'univers des psiotiques, êtres aux facultés surnaturelles dans le monde de Valiant. Encore une fois ? Et pour explorer une nouvelle équipe ? Mais ce serait parler trop vite que d'y voir une répétition, puisque Secret Weapons va bien au delà de ça.
Comme liant au reste de l'univers Valiant, on retrouve Livewire, ancienne bras droit du terrifiant Toyo Harada, chargée d'inspecter les restes d'un bâtiment qui appartenait autrefois à la fondation Harbinger. Elle y découvre qu'il s'agissait d'un centre d'accueil pour psiotiques dont les pouvoirs étaient jugés inutiles pour la guerre que voulait mener Harada. Quelques adolescents aux pouvoirs particuliers, sur lesquels Livewire compte bien mettre la main - mais ces derniers sont aussi la proie d'une personne bien mal intentionnée.
En un récit assez court, on a la plaisir de découvrir qu'Eric Heisserer, scénariste d'Arrival (de Villeneuve), et embauché pour écrire les scénarios des futurs films Bloodshot et Harbinger, est tout aussi bon dans l'exercice sur papier. En repartant d'un concept déjà bien connu des lecteurs Valiant, et avec l'idée de faire un récit de transition pour le prochain Harbinger Wars, Heisserer réussit à retourner l'idée de psiotique, et surtout de rendre attachants immédiatement trois nouveaux personnages, véritable tour de force dans une industrie qui a du mal à créer de nouveaux héro. Ici, on retrouve Owen, Nikki et Avi, intéressants par leur diversité, une écriture en justesse et des pouvoirs incongrus.
Nikki est capable de parler aux pigeons. Owen fait apparaître des objets de façon totalement aléatoire. Avi peut passer sous forme de pierre, immobilisé à cet état là. Heisserer prend le pari de dire aux personnes dont les talents ne semblent pas intéressants au premier abord que toute capacité à son intérêt, et que chacun peut se rendre utile, s'exprimer ou devenir le héros de son histoire par cet aspect. En filigrane, c'est pas le regard de Livewire que le scénariste souhaite montrer une véritable alternative aux psiotiques surpuissants que peuvent être un Stanchek ou un Harada, sans aucun besoin d'aller vers la course à la démesure. Ce rapport à l'héroïsme est d'ailleurs omniprésent tout du long, les trois protagonistes ayant eu un parcours bien différent avant que leurs capacités n'aient été activées.
C'est d'ailleurs un excellent travail que fait Bliss Comics en ne se contentent pas des quatre seuls numéros de Secret Weapons (ce qui fait un peu court malgré tout), mais en incluant dans l'ouvrage les deux one-shots en numéro #0 publiés pourtant très récemment aux US. Une réactivité assez exemplaire et qui permet d'apprécier l'écriture d'Heisserer dans son intégralité. Dans les bonus du livre, comme toujours bien remplis, de nombreuses interviews du scénariste permettent d'explorer le processus créatif de Secret Weapons et d'examiner les différences dans l'écriture pour le cinéma et les comics. Une plus value de très bonne facture qui apporte un véritable complément à la lecture - en plus des bonus habituels (croquis, planches encrées) toujours bien fournis.
Mais la découverte de ces personnages, de leurs capacités, ne serait pas ce qu'elle est sans une partie artistique là aussi travaillée et très agréable à regarder. Le chara design d'Owen, Nikki et Avi donne un aspect actuel et en parfait accord avec notre réalité sur ce trio, et l'on peut féliciter Raul Allén et Patricia Martin, qui se répartissent le travail en toute harmonie. Il y a de nombreuses idées à chaque chapitre, que ce soit dans la façon de découper les scènes, avec une recherche de fluidité omniprésente, comme la construction de certaines planches en miroir ou en symbolique. Le dessin est simplement beau, le duo jouant d'un encrage épais pour appuyer ses personnages au détriment d'un décor parfois vide, mais qui profite de belles couleurs fluo qui participent à donner une identité à l'histoire. En définitive, un récit prenant et joli, qui n'aurait pour seul petit défaut sa nature d'entre deux. C'est à dire que malgré cet aspect de récit complet, il est indéniable que Secret Weapons s'inscrit véritablement dans une construction de récit plus grande, et que le nouveau venu pourra donc se sentir un peu perdu.
Eric Heisserer nous invite à retourner du côté des psiotiques de Valiant avec un trio de personnages et réussit le tour de force de les rendre indispensables à cet univers en seulement quatre numéros. Malgré une impression d'entre deux, on ressort conquis de cette lecture qui prend le parti d'aller à l'opposé des figures surpuissantes qu'incarnent Harada, Sanchez ou Salomon, avec un bel appui sur la capacité à chacun de tirer au mieux de ses capacités, quelles qu'elles soient. Et vu comme le tout est beau à regarder, vous auriez vraiment tort de passer à côté.
28 Mai 2018
MiloAlors au final j'ai trouvé ça très sympathique et rafraîchissant, même si l'histoire en elle-même n'est pas réellement transcendante (à cause du format court ?) elle reste efficace, et surtout oui on s'attache très rapidement aux personnages, qu'on a très envie de revoir par la suite. Gros gros point fort. Et je crois bien que c'est la première fois que je vois le boulot de Raul Allén et Patricia Martin, et wahou je suis assez fan.
22 Mai 2018
MiloMerci pour la précision, Arno. Renegade est prévu (même si j'ai peur qu'il souffre de la comparaison avec le run de Dysart), mais je dois avouer que Secret Weapons me sauce bien plus pour mon prochain passage en librairie.
21 Mai 2018
Arno KikooNon, pour le coup tu peux lire Secret Weapons sans Renegade, y a pas de soucis.
Mais ce sera une lecture (je pense, pas encore rattrapé tout mon retard sur la VO) nécessaire pour aborder Harbinger Wars 2 avec toutes les clés
21 Mai 2018
MiloVaut-il mieux avoir lu Renegade avant ou ce n'est pas nécessaire (en sachant que j'ai lu le reste lié à Harbinger) ?
En tout cas bonne critique qui donne bien envie de le lire !