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Edito : le mimétisme ne sauvera pas les comics cette année

Edito : le mimétisme ne sauvera pas les comics cette année

chronique

Puisqu'il faut commencer par enfoncer des portes ouvertes, faisons le bien : Marvel et DC Comics ne font que se copier, et ce n'est toujours pas prêt de s'arrêter. Cette vérité qui tombe sous le sens commun pour quiconque s'intéresse aux comics depuis, disons, un minimum de deux ans, ne cessera d'étonner dès qu'on se pose cinq minutes et qu'on y regarde de plus près. 

La question du mimétisme entre chacun des Big Two date de bien avant ma naissance et se retrouve dans les histoires publiées, dans la création de nombreux personnages, et l'on pourrait s'amuser à disserter sur ce qui tient de la copie, de l'hommage ou de la libre inspiration. Mais de très bons auteurs ont écrit moult livres à ce sujet, et je n'ai pas encore le talent ou la prétention de me livrer à l'exercice. Alors regardons en quoi 2018 est encore plus frappant dans cette idée que les Grands ne savent plus inventer qu'en regardant sur la copie du voisin.


Le constat était déjà fait par Sullivan il y a quelques années, où l'on affirmait que l'industrie se vautrait déjà dans le manque d'idées. Les relaunchs, notamment, grand fléau pour la créativité mais aussi pour le marché US  (parce qu'un #1 est un pari de grosses ventes sur le court terme, qui fait mal aux revendeurs - il faudra y revenir plus en détails prochainement, tiens), s'enchaînent avec des intervalles plus réguliers chez Marvel et DC. Les events des deux côtés ont tendance à se ressembler (remember Convergence et Secret Wars ?). Mais alors qu'en 2015, le constat faisait état d'un Marvel en bonne forme et d'un DC en berne, la donne se sera progressivement inversée jusqu'à ce jour présent. 

En l'occurrence, on peut désormais dire que les deux dernières années auront été profitables pour DC, qui a su tirer de l'aura de son Rebirth pour se refaire un nom, bien qu'à l'heure actuelle, de nombreux soucis éditoriaux sont à déplorer, surtout sur les titres de plus petites envergures, pour certains incapables de maintenir une quelconque cohérence visuelle. Chez Marvel, après une période All New All Different plutôt intéressante sur les propositions, le retour au "steak frites" s'amorce aussi, presque dans l'urgence du point de vue de l'observateur, avec un appel d'héritage, de continuité pour Legacy qui fait forcément rappel à ce que Rebirth a entrepris. Mais l'entreprise semble plus cosmétique pour Marvel, et le changement d'éditeur en chef aura entravé des plans certainement prévus autrement. 

On en arrive donc en cette année 2018, où un nouveau relaunch s'opère pour la Maison des Idées (le septième depuis 2012 dans la définition la plus large du relaunch), et l'on soupçonne que DC Comics aurait envie de faire la même chose après Doomsday Clock. Problème, le décalage de rythme de la mini-série ne ferait que repousser une échéance bien trop longue, alors que le besoin de renouveler le lectorat se fait plus pressante. On en arrive alors aux autres initiatives que les Big Two déploient, et plus que jamais la copie est présente. Dans la façon de proposer leurs events pour repenser leurs équipes de super-héros phare. Voyez No Surrender : trois titres Avengers s'arrêtent pour fusionner dans la série principale, qui passe en hebdomadaire, avant le relaunch. Voyez No Justice : deux séries Justice League s'arrêtent pour une mini-série de remplacement hebdomadaire, avant la relance. On peut jouer sur les différences de séries incluses (DC met aussi en pause ses titres de jeunes équipes comme Teen Titans et Titans), le constat est frappant.


Il en va de même pour les derniers gros events. Prenez Dark Nights : Metal : deux prologues (Dark Days), une mini-série en six numéros adjointe de multiple one-shots et tie-ins pour un ensemble gargantuesque. Voyez Infinity Countdown : là aussi, deux prologues séparés, une mini-série annoncée seule, puis rejointe par de nombreux à côtés. On pourra même aller regarder ce que font les éditeurs en dehors de ces démarches pour attirer l'attention, et il faut croire qu'en 2018, l'idée du mariage sera celle qui aura été définitivement retenue. Reste à savoir de quel côté vous souhaiterez célébrer l'union de deux personnes qui s'aiment (sur le papier du moins), encore qu'on vous encouragerait à accompagner les deux, parce que l'amour, c'est bien.

On peut pester de ce manque général d'imagination ou de cette propension à faire comme son voisin, et le constat sera sûrement sans appel au fil des prochains mois. Parce que si ces combines sont maintenant aussi visibles que le costume de Robin dans une rue mal éclairée, les Big Two peuvent compter sur une certaine acceptation du lectorat US. Les numéros #1 se vendent, les events continuent malgré tout de fonctionner, et ni Marvel ni DC ne lâchera cette marge de manoeuvre puisque les lecteurs restent encore dociles, malgré des baisses de vente évidentes, et même alarmantes sur l'évolution du marché US. C'est pourquoi, malgré toute cette bonne volonté, ce n'est pas avec ces mécanismes que l'un ou l'autre réussira à relancer la machine. A moins que la qualité des histoires soit tellement incroyable qu'un engouement nouveau se soulève, mais quand je vois le manque d'enthousiasme général sur ces annonces, permettez moi d'en douter. 

Pourtant, les espoirs ne sont pas à taire, et l'on peut sentir un possible vent nouveau venir de l'autre côté de l'Atlantique. Car l'excitation peut encore être ressentie, même s'il faut déployer quelques efforts dans ce sens. Je pourrai notament vous parler de l'arrivée d'un scénariste de grand nom comme Brian M. Bendis qui reprend un personnage aussi iconique que Superman. Le tout ancré dans un anniversaire historique, il y a de quoi voir comment DC va certainement réussir un beau pari ce printemps. Mais plus que cet aspect, c'est la façon dont l'éditeur à deux lettres diversifie ses imprints dernièrement, comme autant de tentatives de conquérir des marchés que de développer une offre créative différente.


En l'espace de quelques semaines, on apprend que DC Comics proposera pas moins de trois imprints différents : DC Zoom et DC Ink pour la jeunesse, DC Black Label pour un lectorat adulte. S'il est clair que de notre côté, c'est le dernier qui nous intéressera le plus, il ne faut pas négliger le potentiel des deux premiers, notamment du côté américain, ou des titres comme DC Super Hero Girls explosent régulièrement les ventes d'albums dans les charts mensuels. En outre, DC fait également un geste intéressant en laissant une totale liberté "apparente" dans le format de publication de son Black Label, qui permettra d'éviter les retards incessants qu'ont pu connaître certaines grandes publications récemment - tout en gardant le format du single cher au domaine, que la ligne Earth One n'a pas su révolutionner. 

On serait peut-être naïf de croire qu'il s'agit d'une véritable révolution, mais les faits sont qu'avec ces imprints différents, et avec le bon marketing associé, il y a la possibilité pour des lectorats se voulant différenciés de pouvoir s'y retrouver, au contraire d'une ligne unique, principale, certes plus simple à aborder dans l'idée, mais qui ne permet pas forcément de voir quel est LE single à lire parmi les 80 disponibles chaque mois. En outre, on attend également un nouvel imprint géré par Bendis, qui rejoint une initiative de lignes de "créateurs" comme le Young Animal de Gerard Way et le Wildstorm de Warren Ellis. A défaut d'accumuler d'énormes ventes, les propositions ont le mérite d'exister et d'avoir de vraies réussites dans leur giron. 

Et puisque l'initiative semble dans le camp de DC, il ne serait pas surprenant de voir Marvel suivre le pas, une fois que Cebulski aura réussi à coordonner ses troupes dans le Fresh Start du dernier espoir. Encore que, on ne serait pas critiques de voir les Big Two prendre des chemins séparés. Ce sera toujours pour mieux se retrouver.

Arno Kikoo
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