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Doctor Star & the Kingdom of Lost Tomorrows #1 : Jeff Lemire est bien meilleur en indé

Doctor Star & the Kingdom of Lost Tomorrows #1 : Jeff Lemire est bien meilleur en indé

ReviewDark Horse
On a aimé• L'hommage à Starman
• Beau, vraiment
• Un autre ajout intéressant à la mythologie Black Hammer
• Lisible sans les références
On a moins aimé• Demandera plus de numéros pour étoffer son sujet
Notre note

Jeff Lemire a décidé : Black Hammer sera son oeuvre fleuve. Le super-héros continue d'intéresser l'auteur de Sweet Tooth et Descender, paradoxalement. Puisque si le scénariste revient peu à peu aux publications mainstream qui l'auront rendu populaire auprès d'un public plus vaste que ses modestes chefs d'oeuvres en indé', c'est bien quand il a les coudées libres que se déploie tout son talent. On l'a vu dans Black Hammer, on l'a vu dans le premier compagnon de Black Hammer et on continue de le voir avec ce troisième canal d'une série pensée comme riche de points cardinaux. 


 
La première série Black Hammer se présentait comme le Watchmen de Jeff Lemire - on l'a dit, et répéter la tournure ne l'enrichit pas forcément. Qu'est ce que Watchmen ? Une lecture sur la continuité, une déconstruction. Ici, le scénariste a envie d'aller plus loin, puisque là où l'oeuvre de Moore était pensée avec un début et une fin, Lemire n'a fait qu'ouvrir le récit qui sert de base à son spleen de continuité, et ne cesse depuis d'expliquer son propos. Une vision d'ensemble, une vision riche, qui va explorer tout un tas de concepts nés du super-héros : Jeff Lemire ne fait pas vraiment son Watchmen, il ferait plutôt son propre monde à la Kirby ou Mignola.
 
Ici, le Doctor Star est le plus évident à situer de ses hommages, qui ne se cachent pas d'ailleurs. Dans les années 1990, alors que les héros musclés s'amusent à se casser le dos, à mourir ou à se cloner, James Robinson (le scénariste) écrit Starman, une réinvention d'un héros qui n'aura cessé de fluctuer dans la continuité DC Comics. Il en sort un chef d'oeuvre primé d'un Eisner et l'un des très grands runs de l'histoire de l'éditeur. Moins que le héros ou ses capacités, c'est la relation père-fils qui intéresse ici le scénariste, féru d'un rapport à l'enfance et à la famille toujours conflictuel : dans Starman, le héros est le fils du premier porteur du costume éponyme, un justicier du Golden Age qui lui passe le flambeau.
 
Lemire inverse ici la perspective : le héros est le père, le souvenir du Golden Age qu'il n'évoquait que par touches et sous un angle parodique dans les autres séries. Pris au sérieux, son histoire prend ici une allure à la Lobster Johnson, ou toute autre pamphlet sur l'héroïsme et l'hommage aux années 1940, il pose le référent de cette époque charnière et de ses thématiques. Avec le recul qui va bien : un groupe de héros divisés quant à l'idée d'aller casser du nazi, et qui prend avant le gouvernement le parti d'entrer en guerre, tel Captain America. Un reflet de la véritable Histoire, et l'opportunité pour l'auteur de creuser un peu plus son background, toujours plus riche.
 

 
Amusant de constater comment Lemire ne fait pas que caresser le clin d'oeil : il l'appuie, il l'écrase. Le Doctor Star s'appelle James Robinson - pour ceux qui n'auraient pas compris - et de nouveaux personnages en hommage à des têtes connues de l'âge d'or font leur apparition. Comme s'il essayait de donner des pistes encyclopédiques pour inciter le lecteur à trouver d'où viennent certains de ses héros, moins en vue qu'Hawkman ou Captain America. Ce grand melting pot de héros issus de DC, Marvel, Fawcett et autres aurait presque une valeur de souvenir pour ce grand passionné de l'histoire des comics - comme si, à travers Black Hammer, Lemire racontait le super-héros tel qu'il le connaît, tel qu'il s'en souvient, sans se préoccuper de savoir si les personnages d'origines appartenaient ou non à la même maison.
 
Le propos est surtout, comme d'habitude, fondamentalement humain. S'il s'épanouit surtout sur la dernière page ici (et se charge d'une force qu'on aime à retrouver dans les travaux du scénariste), la série promet déjà le même rapport entr efiction colorée et humanité dépressive que dans le titre principal. C'est l'une des signatures de Lemire qui l'éloignent d'autant plus d'autres scénaristes avec la même envie de fonder leur propre monde fictif. Là où Moore déconstruit les super-héros pour les rendre plus violents, plus sexués, plus politisés, Lemire leur insuffle une partie que la narration séquentielle classique passe souvent sous silence. Les moments de rien, les moments de contemplations, de regret, les mauvais souvenirs et le poids de leur conscience. Et un goût pour la famille qui ne le quitte jamais.
 
Pour refermer cette critique, comment passer sous silence l'apport de Max Fiumara et Dave Stewart ? Toujours bien entouré, l'univers Black Hammer brille désormais d'une palette large de styles différents, chacun adapté à l'énergie que l'auteur met dans ses pages. Différentes tonalités qui semblent toutes se répondre et naviguer avec la même force. En bref, du très bon Lemire, une fois encore.
 
 
 
Difficile de comprendre pourquoi Jeff Lemire revient chez DC (et bientôt à nouveau chez Marvel) - un gros contrat ? Une envie de jouer avec les héros qu'il n'avait pas encore manipulés ? Une soupape où il peut se permettre d'être un peu moins bon ? Toujours est il qu'aujourd'hui, l'auteur n'a plus besoin des Big Two pour faire du super-héros. Plus que jamais, Black Hammer est devenu son univers pivot, celui où il livre tous ses hommages, réécrit et reraconte la mythologie des costumés tel qu'il l'interprète ou aimerait qu'elle se soit passée. Un fantastique travail d'hommage avec trois titres tous excellents, et qui vont bien plus loin que la seule envie d'avoir son monde sur lequel voir fleurir quelque esprit de licence. On apprécie, et on recommance, forcément.
Corentin
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