Après un long feuilleton de publications séparées, les choses, enfin, se font. La foule est en délire, le monde retient son souffle, la Terre tremble - bref, Doomsday Clock vient terminer un chantier de longue haleine dans la conception de Watchmen et de DC Comics. Un chantier de continuité, et aussi de dépossession.
Cette partie là aura étonnamment moins fait réagir un lectorat prompt à se hyper sur une promesse, tandis qu'Alan Moore ajoutait dans un épais cahier de notes une utilisation abusive de son travail de plus, pour se souvenir du nombre de fois où il aura plus tard à se retourner dans sa future tombe.
Puisque si Doomsday Clock vient confirmer que Watchmen faisait bien partie des titres en canon de la gamme DC, on n'a évidemment pas pensé à demander son avis à l'auteur original - évidemment, vu que la réponse allait de soi. On a donc mis de côté le sage barbu de Northampton, rangé dans une retraite à l'ombre du monde souvent financier des éditeurs mainstream, qui se cantonne à un discours inchangé depuis quinze ans : "je n'ai rien vu, rien entendu, foutez moi la paix".
La question que Moore pose dans sa retraite bougonne et sa campagne britannique, est cependant monstrueuse d'actualité. A différents niveaux de la culture moderne, l'idée d'auteur est de plus en plus séparée du processus créatif - généralement, et ce n'est pas Justice League qui apportera un contre-exemple aujourd'hui, les projets sont le fruit de décideurs zélés pour des actionnaires plus ou moins compréhensifs.
Ce qui aura jadis été un travail bien fait aura consisté à savoir faire la part des choses entre l'artistique et le pognon, conception qui semble aller de moins en moins bien dans le cinéma, et, apparemment, aussi en comics (si Marvel Legacy passe par là, on est pas contents, mec. Du tout). Mais n'allons pas trop vite.