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Édito #50 : Christopher Nolan, le héros que Batman mérite ?

Édito #50 : Christopher Nolan, le héros que Batman mérite ?

chronique

L'actualité du moment étant aussi calme que les mers entourant une île déserte, j'ai profité du week-end pour revoir Batman Begins. Et ce qui commençait comme un simple film d'un vendredi soir estival est devenu un petit marathon cinématographique, qui m'a donné envie de revenir avec vous sur la trilogie Dark Knight de Christopher Nolan, a quelques mois de la sortie de son indirect héritier, Batman v Superman, sur nos écrans.

Mais laissons deux minutes de côté le prochain film de Zack Snyder, pour mieux nous plonger dans une réalité alternative où le travail de Christopher Nolan se serait poursuivi dans d'autres films. Une possibilité qui a dû être étudiée, à moment où un autre, par Warner Bros, comme le rapportaient quelques rumeurs il y a maintenant plusieurs mois de cela, avant que la vision d'un Christian Bale au plein cœur de la Justice League ne s'évanouisse. L'idée était-elle si bête que ça ? Pas nécessairement, comme on peut s'en convaincre en revenant sur les trois films de Christopher Nolan.

Une trilogie, qui de mon point de vue, est un véritable ascenseur émotionnel. Sorti en 2005, Batman Begins était presque passé inaperçu médiatiquement. En 2008, c'est tout l'inverse pour The Dark Knight, qui devient un phénomène de société grâce à l'interprétation de Heath Ledger en Joker. Enfin, en 2012, The Dark Knight Rises déçoit presque autant qu'il émeut en livrant un final assez maladroit et pourtant terriblement accrocheur. Résultat, quelques années plus tard, la trilogie a ses fanatiques - qui la citent dès qu'ils peuvent pour nuancer la qualité des autres films adaptés de comic books - et ses détracteurs, qui n'y vont pas de main morte avec les métrages de Nolan. Trop sérieux, trop éloignés des comics, gâchés par un final médiocre... La passion des fans pour Batman rend les débats bien musclés.

Avec un peu de recul, et surtout libéré de la hype autour du projet du DC Extended Universe, il est pourtant difficile de nier la qualité de cette trilogie, qui à mon sens, est peut-être ce qui s'est fait de mieux sur un personnage aussi mainstream que Batman : d'aucun estiment que les films de Nolan sont trop intellectuels ou infidèles aux comics, je pense pour ma part qu'ils sont une production aussi solide dans le respect du matériau de base que dans leur proposition cinématographique. Ainsi, et sans vouloir tomber dans ce débat stérile du Marvel (Studios) vs DC (Warner Bros), les trois films de Christopher Nolan offrent tout de même au spectateur une expérience bien plus réfléchie et léchée que la moyenne des films inspirés de comics. 

En revisionnant les trois films rapidement l'un après l'autre, on se rend compte de cet équilibre inspiré entre le propos de base, issu des comics, et sa traduction à l'écran, faisant l'objet d'une direction artistique assez stricte. Pour le coup, si le réalisme des films de Nolan est essentiellement cosmétique (Batman tombe tout de même d'un building sans une blessure dans The Dark Knight), il est le liant de cette trilogie, dans laquelle les personnages, les lieux et les intrigues se voient ancrés dans le réel, avec plus ou moins de succès certes, mais toujours avec la même volonté. Ce qui rend l'ensemble cohérent et plutôt accrocheur.

Il faut dire que Nolan a allègrement pioché dans les plus grandes histoires du chevalier noir pour élaborer son épique récit. Begins emprunte ainsi beaucoup à Year One, quand The Dark Knight est extrêmement proche d'Un Long Halloween - le cinéaste ayant même fait la préface d'une édition de l'œuvre - et Rises inspiré de The Dark Knight Returns. Pour trois films qui sont souvent décriés pour leur manque d'égard aux comics, les métrages des Nolan digèrent donc parfaitement les meilleurs histoires nées dans ce média.

Autre qualité indéniable de cette trilogie, les vilains. "Meilleur est le méchant, meilleur est le film", un adage qui n'est jamais aussi pertinent que lorsqu'on évoque ces trois métrages, qui ont tous la chance de compter sur des antagonistes charismatiques et sublimés par un casting de qualité. Je ne vous ferai pas l'affront de revenir sur le Joker de Ledger, rappelons plutôt que Tom Hardy est particulièrement expressif avec un masque lui couvrant plus de la moitié du visage, et que Cillian Murphy est assez convaincant en Scarecreow pour revenir terroriser les habitants de Gotham dans les trois métrages. Et à l'heure où nombre de films adaptés de comics patinent sur la question du vilain (un comble, au regard du matériau de base), replonger dans la trilogie Dark Knight, s'est s'offrir une tranche de mal absolument jouissive, arrosée de répliques cultes, "why so serious" en tête. J'aurais d'ailleurs adoré découvrir des vilains comme Le Pingouin réinterprétés par l'approche Nolan.

Maintenant, je ne considère pas cette trilogie irréprochable pour autant. Notamment à cause de The Dark Knight Rises. Entravé par le décès tragique de Heath Ledger, le troisième Batman, on l'aura compris, n'est pas celui que nous devions recevoir. Mais il aurait pu éviter bien des écueils. Le scénario est plus alambiqué encore que celui de The Dark Knight (déjà branlant, quand on y pense) et sa gestion de la temporalité est assez catastrophique. Sans compter des plans honteux se retrouvant au final cut : pauvre Marion Cottilard. Mais il est facile de critiquer ce qui aurait sans doute pu être LE film de super-héros. Il est plus difficile de revenir attaquer la trilogie dans son ensemble. Personnellement, je regrette deux choses :

La première, le fait que Batman, Bruce Wayne, notre héros finalement, passent vite à la moulinette de vilains hyper-charismatiques et de scénarios bien fouillés. On passe assez peu de temps, en fin de compte, avec le personnage principal. D'où mon amour pour Begins, plus centré sur ce dernier que les deux suites. Et puis, si Nolan semble avoir compris ce qui fait l'essence et le charme du personnage, l'interprétation de Christian Bale et l'évolution du protagoniste au fil des épisodes sont un tout petit peu douteuses. En tant que fan de Batman, j'ai du mal à avaler, par exemple, que Bruce Wayne se soit permis une pause de huit ans entre le deuxième et le troisième opus. A mon sens, le Batman aurait plutôt calmé sa colère en cassant les dents de quelques vilains dans les rues de Gotham. Mais le Batfleck s'en chargera sans doute très bien pour lui.

 

La seconde, l'évolution de Gotham. Si Blade Runner était l'inspiration numéro un de Nolan pour Begins, il l'abandonne complètement par la suite. Et les rues de Chicago et Pittsburgh (qui incarnent la ville) sont bien moins gothiques, sombres et fascinantes que celles de Gotham, du moins, de l'idée qu'on peut avoir de cette fictive métropole. Au fil des opus, on comprend l'idée du réalisateur : les rues sont nettoyées par le héros, la ville est donc plus vivable, mais on perd une partie de son charme au fil de la pellicule. Plus de monorail, d'éléments Art-Deco et d'autres petits détails du genre, remplacés par des plans aériens et massifs de New York. Un problème d'échelle en somme.

Avec ce bilan complexe, difficile d'imaginer une suite à cette trilogie. Pourtant, et je n'ai pas besoin de vous le rappeler, The Dark Knight Rises était bien plus ouvert que prévu. Pour ma part, je m'attendais, au regard des arguments développés par le réalisateur, à voir Nolan tuer, et pour de bon, le personnage. Quelque part, c'est un peu ce qu'essaie de nous dire le final de la trilogie : Batman, tel que nous le connaissons, est mort. Un décès d'apparence qui est nuancé par l'apparition d'un successeur en la personne de Blake (aka Robin, Joseph Gordon-Levitt). A l'époque, j'ai assez mal digéré cet happy-ending convenu, mais aujourd'hui, je ne serai pas contre un film consacré à l'héritage du Batman.

Une évolution logique des propos de Christopher Nolan, qui serait servie par le talent de Gordon-Levitt, sans doute l'un des interprètes les plus solides de sa génération. Un héritage qui aurait pu être présenté façon miroir avec un Jason Todd/Red Hood ou une Harley Quinn réinterprétés, d'ailleurs. Et puis, une suite à The Dark Knight Rises aurait eu le mérite de voler à l'hypothétique phase 4 de Marvel Studios l'idée d'une transition sous le masque : de Bale à Gordon-Levitt, un seul Batman, une même idée. 

Mais puisque Zack Snyder se dit inspiré par la trilogie de son prédécesseur et les thèmes qu'il a développé,  peut-être se servira-t-il de l'inconscient collectif acquis par les spectateurs de la Dark Knight Trilogy pour poursuivre la réflexion sur le passionnant personnage de Batman. Et au regard du dernier trailer en date de Batman v Superman, on devrait retrouver quelques morceaux Nolaniens (je pense à la Batcave notamment) dans le film, prolongés par des idées à peine amorcées dans cette trilogie (comme la question de l'héritage avec la mort de Robin). Un futur qui promet d'être intéressant, mais qu'il aurait été, je crois, tout autant avec un quatrième opus par monsieur Nolan.

Republ33k
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