Dans un monde où le décrié Jurassic World signe le plus gros démarrage de tous les temps et où Transformers 4 célèbre son milliard les doigts dans le nez, beaucoup pensaient avoir trouvé la recette miracle en adaptation à tour de bras tous les Comics qui leur passaient sous le nez, émulés par le succès démentiel de Marvel Studios notamment.
Pourtant, tous les projets n'ont pas les moyens de Tony Stark et/ou l'aura de Bruce Wayne, et de nombreux pots s'apprêtent à casser, sous le poids d'une industrie pratiquement débordée. Et le plus triste dans l'histoire, c'est que la guerre de Titans que vont se livrer Disney et Warner en 2016 pourrait bien faire des victimes collatérales, à l'image de la trentaine de projets actuellement en pré-production et inquiets de leur statut de licence méconnue et/ou d'adaptation de séries indépendantes. Parmi eux, on trouve l'arlésienne DMZ, les "inadaptables" Sex Criminals et The Wicked + The Divine, The Infinite Horizon, Outcast, Enormous, Dreadstar, Scalped, Dead Frequency et j'en passe. Et encore, il ne s'agit ici que de la TV.
Loin de la portée potentielle des projets super-héroïques (même les plus médiocres, suivez mon regard), ces projets ont tous été verrouillés par des producteurs qui pensaient avoir mis la main sur une véritable mine d'or, et qui réalisent aujourd'hui la difficulté d'imposer ces séries inconnues auprès d'un grand public qui voit son temps libre diminuer à mesure que les années passent et que les mastodontes occupent la place. À l'exception de Preacher, qui bénéficie du soutien plus que bienvenu d'un Seth Rogen passionné, combien de ces projets iront à leur terme ? Trois, quatre tout au plus. Sex Criminals bénéficie de l'effet buff de son eisner award, Outcast de la réussite de Robert Kirkman (Walking Dead) à la TV, mais les autres ? Certains producteurs iront très certainement au bout de leur idée, pour le meilleur ou pour le pire.
Et c'est sans parler du ciné ! Mike Richardson (fondateur de Dark Horse) évoquait sans mal le fait que produire un film super-héroïque aujourd'hui, c'est risquer de se confronter à une lassitude globalisée d'ici 2 ou 3 ans, le temps que la production touche à son terme. Ainsi, c'est l'incontournable Tarzan (2016) qui sera adapté du comic-book édité par le Cheval Noir, avec Margot Robbie, Christoph Waltz, Sam Jackson et j'en passe. Pour le reste ? "Trop coûteux, trop dangereux." À moins de tomber sur une pépite, comme c'est le cas du surdoué Jeff Lemire, qui a vendu les droits d'adaptation de son merveilleux Descender à Sony, pour un film que l'on espère à la hauteur de son bijou de comic-book. Car au milieu de la trentaine (!) d'adaptations super-héroïques déjà en production, quelques irréductibles tentent leur chance, comme cela a toujours été le cas à Hollywood. Je pense par exemple à Valiant, qui profite de ses investisseurs asiatiques pour tenter le coup de l'univers partagé au ciné avec Bloodshot, Harbinger et ses autres titres phares en BD.
La différence entre aujourd'hui et l'époque où Clones (avec Bruce Willis) pouvait sortir, c'est justement que dans les années 2000, les producteurs pouvaient se risquer à adapter des titres méconnus. Aujourd'hui, l'espace est tellement occupé que la prise de risque devient par nature beaucoup trop grande pour des studios qui ne sont pas milliardaires et/ou qui ne sont pas assurés de le devenir. Un comble donc, puisque les adaptations de comics se vampirisent et se jettent des bâtons dans les roues entre Super-Héros et "indépendant", un classique de l'édition BD depuis les années 80 et l'avènement des autres acteurs du marché. Peut-on espérer un "effet Image Comics" une fois le train des encapés passé ? Rien n'est moins sûr, mais ce qu'on sait aujourd'hui, c'est qu'on est très content que personne n'ait encore eu l'idée saugrenue d'adapter des bijoux tels que SAGA sur un média qui ne lui correspondrait pas.