En 2011, Scott Snyder sortait chez Image Comics l'un de ses tous premiers comics avec Severed. Co-écrit avec Scott Tuft et illustré par Attila Futaki, ce comic-book en sept épisodes présentait l'histoire d'un jeune garçon, qui quittait en 1916 sa maison familiale dans le but de retrouver son père qu'il ne connait pas. Il tombait alors dans l'horreur quand il croisait Mr. Porter, un vieil homme qui a l'air bien sous tout rapport mais qui allait vite se révéler être un croque-mitaine des plus dangereux.
Avec le catalogue Image Comics qui est de plus en plus pillé par les différents écrans, cette œuvre de Scott Snyder est remarquée par Cary Fukunaga, qui sort tout juste du tournage marathon des deux volets de Ça. Le réalisateur découvert grâce à une première saison de True Detective qui l'aura directement consacré comme l'un des grands espoirs d'Hollywood, le jeune metteur en scène sent qu'il a besoin de continuer à pousser dans son genre de prédilection. Et cette histoire d'horreur l'inspire d'autant plus qu'il y voit le moyen de ne pas se limiter au seul genre horrifique. Comme ce qu'il avait fait sur la série de HBO, il mâtine ses plans horrifiques avec quelque chose de différent, de définitivement inspiré.
Ce que Cary Fukunaga démontre sur l'adaptation du roman de Stephen King, c'est qu'il aime tout contrôler dans son film. La réal' bien sûr, mais aussi le scénario et aussi le casting. Si bien qu'il va définir lui-même chaque étape de ce film. Il y voit une possibilité de faire du film en costume. Il replace donc l'action en 1916, s'attelant à recréer l'époque de la façon la plus réaliste possible, avec un aspect "crade" qui ressort des décors comme des prises de vues, ces dernières étant aussi crues que possible, souvent contemplative sans jamais tomber dans les fioritures inutiles.
Cette histoire est aussi une métaphore sur l'obsession pour la consommation et il l'a bien compris. Au-delà des scènes d'horreur, bien gore et effrayantes comme il se doit, avec une angoisse qui monte tout le long de la pellicule, il prend bien soin aussi d'insuffler la critique sociale présente dans l'œuvre originale, qui présentait une fine relecture de Tom Sawyer en enfer.
Les louanges qu'ont reçu Matthew McConaughey et Woody Harrelson pour leurs performances dans True Detective prouve une chose, Fukunaga sait diriger ses acteurs. C'est donc lui qui se charge encore du casting.
Son précédent film a été pour lui une révélation, il a trouvé sa muse en Will Poulter. Il l'imagine totalement dans la peau du jeune Jack Garron. Il vieillit volontairement le personnage, pour le placer vers les 16-17 ans. L'acteur est ainsi bien plus indiqué et au-delà de faire plaisir à ses producteurs qui y voient le moyen d'attirer un public qui s'identifie au personnage, cela lui permet aussi d'aborder le thème si compliqué de l'adolescence.
Pour Mr. Porter, il lui faut un acteur qui arrive à jongler facilement entre les registres. Avec sa capacité à alterner entre la bonhommie la plus sympathique et le caractère inquiétant voire psychopathique avec une aisance déconcertante, Steve Buscemi semble être l'acteur idéal pour porter ce personnage charismatique. D'ailleurs, il l'a bien prouvé dans Boardwalk Empire, il arrive très bien à évoquer un aspect menaçant tout en affichant un visage des plus avenant.
Ainsi, si le film Severed de Cary Fukunaga est présenté d'abord comme un long-métrage d'horreur, il se déploie pour livrer une grande richesse de thèmes qui vont de la critique sociale à l'analyse de l'adolescence. Une œuvre qui deviendrait, on n'en doute pas un seul instant, très vite culte. Du coup, Scott Snyder décide de devenir scénariste pour Hollywood et abandonne définitivement les comics en faisant une dernière histoire de Batman qui choque tous les fans.