Alors que je m'interrogeais il y a quelques heures sur le bon droit d'un artiste à conclure son oeuvre malgré un éditeur insistant (sur 9emeArt.fr), une question de comparaison avec le modèle Américain s'est tout de suite posée, au travers du parallèle évident que nous pouvons faire avec Marvel qui n'en finit plus de ne pas en finir avec son univers Ultimate. Avançant toujours plus estropié depuis des années, en tirant sur la corde d'un Brian M. Bendis qui serait bien meilleur en roue libre.
Le timing est d'ailleurs particulièrement mal choisi pour Marvel, puisque la fuite du retour d'Amazing Spider-Man #1 sur la Terre 616 a tué dans l'œuf la surprise de voir Miles Morales et les siens continuer dans leur univers si particulier. Si l'on ajoute à ça la leçon de charisme et de sérieux éditorial donnée par Image Comics la veille, on se retrouve avec une situation très difficile à faire avaler à des lecteurs qui préfèrent abandonner leurs abonnements, sacrifiant leur collection sur l'autel du "complétisme" effréné des lecteurs de Comics.
Pourtant, tout était très bien calibré chez Marvel pour justifier la clé sous la porte d'un univers qui n'est plus que l'ombre de lui-même, en évitant de fâcher le plus grand nombre. Age Of Ultron, les troubles qui agitent la ligne temporelle de la Maison des idées et ses différents terrains de jeux, Infinity, l'arrivée de Galactus chez Ultimate Spider-Man et j'en passe. Hunger en forme de véritable réussite sous ses airs de mini-série sans ambition, les déclarations mi-figue mi-raisin de Brian Bendis concernant l'avenir de sa propre création [...] : tout était prêt. Mais non.
En lieu et place d'adieux magnifiques et d'une rareté dans l'univers des Comics (la destruction quasi-totale d'un univers - où les règles de la mort n'ont toutefois pas manqué d'être bafouées une petite dizaine de fois en bientôt 15 ans), Marvel nous offre une soupe éditoriale peu sincère, en relançant trois séries, tantôt labellisées All-New (oui, comme leurs grandes soeurs) et aussi peu justifiés que les relances de l'univers classique, une véritable performance.
On prend les mêmes et on recommence : Bendis et Marquez vont faire du Ultimate Comics : Ultimate Spider-Man comme ces dernières années, mais cette fois la série s'appellera Miles Morales : Ultimate Spider-Man. Les Ultimate FF, pestiférés de la première ère (malgré des qualités évidentes) vont tenter une (vaine) percée, et les Ultimates n'ont plus que leur nom pour briller, puisque Mark Millar et Bryan Hitch sont aujourd'hui loin.
L'Écossais, raillé par beaucoup mais à qui on accordera d'avoir senti le vent Image bien avant tous les autres (à tel point qu'il s'apprête à y développer son propre univers super-héroïque en compagnie des auteurs les plus prometteurs de l'industrie), était d'ailleurs la première alerte d'un univers en décrépitude. Capable du meilleur (Ultimates 1 & 2, un sommet de Bande Dessinée américaine) comme du pire (son retour avec Leinil Yu et Steve Dillon, catastrophique et dans la lignée du travail de Jeph Loeb sur Ultimatum avec un relaunch déjà critiqué à l'époque, à raison), celui-ci a préféré jeter les armes devant le bourbier dans lequel s'étaient empêtrés ses ex-employeurs.
Reste Brian Bendis, qui avait des possibilités formidables avec son Spider-Men magistral dessinée par Sara Pichelli, qui devait nous offrir une suite et la venue de Miles Morales dans l'univers du Peter Parker prof à l'université, et qui par fidélité ou par sécurité abandonne toute l'ambition qu'il semblait avoir dans des histoires qui servent aujourd'hui à arrondir ses fins de mois, pendant qu'il émerveille son lectorat avec les Gardiens de la Galaxie et les X-Men de l'autre côté de la barrière.
Entre l'exilé et le matelot trop fidèle, les heures de gloire de l'univers qui a accouché de quelques-unes des meilleures histoires années 2000 semblent bien loin. Et je vous épargne le couplet sur les poussifs Divided We Fall/United We Stand. On achève bien les chevaux, comme on dit.