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Quand nous avons décidé d'écrire des éditos pour les sites du réseau ARTS, une première inquiétude est tout de suite apparue. C'est un exercice particulièrement difficile à maîtriser et qui expose beaucoup son auteur. Nous ne sommes plus protégés par ce "nous" collégial qui est la convention pour un article normal, cette distance appréciable qui sert de tampon entre le rédacteur et le sujet. Un édito réclame un "je" franc et massif. Il doit revendiquer les pensées qui y sont exposées, il n'y a plus la barrière de la bande dessinée, film ou autres qui existe entre celui qui écrit et son destinataire.
Mais finalement, quand on traite de comics, il n'y a rien de plus normal que de prendre position. Lire un comics est déjà un acte qui réclame de s'affirmer par rapport aux autres, ce n'est pas une lecture timide. Combien de fois n'avons-nous pas entendus des "tu lis encore ces histoires à ton âge ?", ou des "franchement, tes BD avec des gars en collants, c'est un peu bizarre" ou encore le fameux "finalement, c'est toujours la même histoire d'un gentil qui tape sur un méchant". Oui, le comics n'a pas la côte, ne l'aura probablement jamais et même Alan Moore tient à vous rappeler qu'il serait dangereux d'aimer Avengers une fois 17 ans passés. Je ne prétendrais jamais être le modèle geek à suivre (je ne comprends rien au jeux de rôles, je suis dépassé par les jeux vidéo nouvelle génération et les adaptations de comics ont tendance à me laisser de marbre). Chacun fait comme il l'entend, et si les comics ne l'intéressent pas, très bien. Mais pourquoi alors aller juger celui qui en est passionné ? Ce n'est pas parce que je n'ai aucun intérêt pour le rugby que je vais dénigrer le monde de l'ovalie (rien que pour le méchoui déjà).
Ce n'est pas la multiplication forcenée des objets aux couleurs chatoyantes des super-héros de ces dernières années qui changera beaucoup la donne. Quand vous débarquez dans un appart' avec ses sérigraphies de Superman ou Wonder Woman, toutes droit venues d'Ikea ou Maisons du Monde (avec certaines qui sont au demeurant pas mal du tout), vous pouvez parier qu'une bibliothèque sur deux ne contiendra aucun comics, si ce n'est Walking Dead, mais la série de Robert Kirkman n'est pas attachée aux comics dans l'imaginaire collectif. Pas de super-slips, pas de comics. L'équation semble aussi simple que cela. Passons sous silence Sandman, Fatale ou autre Saga, il faut catégoriser, gommer les nuances. Dans un même ordre d'idée, le super-héros est forcément au centre d'une histoire manichéenne avec un sens de lecture primaire pour adolescent attardé.
Je dois l'admettre, il y a des fois où il est difficile de contrer cet argument, la moitié des productions Marvel ou DC Comics sont souvent aussi frontales qu'un épisode de Ben 10 (pourtant excellent à déguster au réveil vers 14h). Mais c'est aussi notre droit que de lire une histoire où les enjeux sont clairs, la morale certes naïve mais réelle et où le langage n'est pas un outil pernicieux qui veut vous vendre quelque chose. Dans un monde où vos sens ont été domestiqués, où votre esprit et votre corps sont soumis à la loi du marché et où la politique prend de plus en plus des allures de gigantesque terrain de jeu marketing, avoir un univers où le bien triomphe du mal n'a pas à être honteux. Il est même salvateur puisqu'il permet de faire un contraste avec ce qui cloche dans un monde tout en nuance de gris.
Ça, c'est pour les histoires que l'on qualifie un peu gratuitement de "bas du front". Pourtant, les comics sont tellement plus riches, tellement plus diversifiés. Comment osez-vous nous insulter vous qui vous drapez dans des t-shirts Celio aux couleurs des héros DC Comics alors que vous n'avez même pas eu une once de curiosité pour savoir ce que sont vraiment les comics ? Le mythe du geek boutonneux est coriace. Je parle évidemment d'un point de vue français où la compréhension du comics est encore moins évidente pour à cause du décalage culturel. Oui, nous avons beau être abreuvés de la culture américaine, ce n'est pas la notre. Être geek est devenu chic, du moins en apparence. Porter le même t-shirt que Sheldon c'est la classe, avoir les même lectures que lui beaucoup moins.
Comment faire alors pour échapper à cette pression sociale qui voudrait que la vingtaine passée, nous devrions remiser au placard nos albums colorés, nos figurines de super-héros ainsi que notre passion estampillée infantile ? Moi, je ne le veux pas, moi j'emmerde la norme. Le modèle type du jeune actif qui parle avec gêne de ses passions infantiles me débecte. Comment peut-on avoir honte de son propre passé ? Et le ranger aussi facilement dans un tiroir bien éloigné du regard inquisiteur du monde ? Le lecteur de comics n'est finalement pas très différent du lecteur de BD, qui commence avec Astérix et qui peut ensuite évoluer avec des ouvrages plus profonds (bien que le Gaulois ait beaucoup de choses à nous apprendre). Sauf que le franco-belge, malgré son côté "t'as besoin d'images pour lire ?", s'est drapé d'une toge de respectabilité que n'a pas le comics. Chacun est libre de vivre son rapport à la BD comme il le veut. Si quelqu'un ne veut plus rien avoir à faire avec les comics, libre à lui, mais en avoir honte ? C'est se nier soi-même.
Le comics a mauvaise presse. Il est violent, les femmes y sont montrés sous un aspect ultra-sexualisé et les vilains sont caricaturaux. Des arguments qui volent à chaque fois que les médias traitent de ce qui n'est finalement que la version américaine de la BD. Des arguments que nous passons notre temps à infirmer consciencieusement mais qui reviennent inlassablement. Le seul moyen pour que l'on traite cet art avec plus de déférence, c'est d'arrêter de se cacher et d'afficher face au monde que oui, on peut lire des comics sans être inapte socialement, sans se terrer dans un labo' sombre pour vivre dans un microcosme de geek tout en étant incapable de parler à la voisine (attention, cette remarque n'est pas sexuée et s'adapte tout aussi bien aux femmes qu'aux hommes, placez juste "voisine" ou "voisin" comme bon vous semble) sans en tomber dans les pommes.
D'ailleurs, il se pourrait bien que la prochaine fois, je vous parle de ce Big Bang Theory qui aura fait bien plus de mal que de bien à la communauté geek. En attendant, allez lire des comics aux terrasses de café ou quand on vous demande ce que vous avez lu dernièrement, citez le comics que vous avez lu aux toilettes avant de partir bosser et pas ce roman estampillé Télérama que l'on vous a offert. Surtout, soyez fiers de lire des comics, puisque cela signifie que vous au moins, vous êtes différents. Rien n'est plus beau que la différence. C'est elle qui vous rend unique.
05 Decembre 2013
Kit_Fisto, serial reviewerMerci pour cet excellent édito !!!
03 Decembre 2013
NeverSeriousC'était juste Magnifique, merci Alfro, je n'ai jamais été aussi fier d'être geek ;p
03 Decembre 2013
eddyvanleffequelque part on est tous des geeks..
Ca me fait marrer de voir des gars qui vont dire que la bd, c'est pour les gosses en lisant L'EQUIPE ( je fais un jugement de valeur et je l'assume). parfois il m'arrive de parler à une personne hostile à la bd/comics/manga/post-it/Martine (parce que tout ça c'est du pareil ou même) mais bon avec mon vécu et mon experience, il déchante rapidement... On peut parfois parler de choses très belles et très pensées ou alors très drôles... qui va faire vibrer la corde commune de ceux qui aiment parfois le cinéma d'Audiard, d'Hitchcock, la littérature de Donald Westlake, Chattam, Brussolo jsusqu'au désormais classiques Bram Stoker, Agatha Christie. lorsqu'on peut faire partager aux amoureux cinéma Noir et Blanc ou aux accrocs aux polars les mêmes "ondes" , on obtient une conversation délicieuse sur la pluralité de l'art à la fois écris ou visuel.
Ne négligeons pas l'atout de la bd, vrai chainon manquant entre la peinture, l"épopée, le théâtre, la photo etc... Gràce à la bd, on peut parler de tout. on peut avoir des notions de beaucoup de choses. cessons de croire à ce ghetto fictif, Oui, y'a des gus qui méprise ça,mais bon Fuck off!
03 Decembre 2013
joliaux... un adulte avec un "vrai" boulot (le genre de taff qui fait que les gens mettent la bouche en cul de poule et vous accorde une crédibilité sans faille), j'ai une famille, tout ça. Pour autant, jamais de la vie j'ai eu honte de mes passions mais jamais non plus j'en ai fait un mode de vie ou une revendication appartenance à un groupe. Rien ne m?énerve plus que la récupération des comics de ceux qui lisent des vrais livres (j'en lis aussi quand même ^^). Eux, ils lisent pas des comics ou des BD, non, ils lisent des romans graphiques, des graphic novels parce qu'ils préfèrent en anglais, forcement. Il n'y a que mépris pour les héros en collants et 90 % de la production par contre Maus et Adrian Tominé, c'est top. Bon, j'adore Adrian Tominé mais la suffisance du gars qui pense avoir tout compris parce qu'il n'a lu que ça insupporte.
J'arrête, je perds le fils et je ne sais plus trop pourquoi je vous raconte tout ça ^^
03 Decembre 2013
joliauxSympa, ce petit édito, je lis des comics depuis que je sais lire, à l'époque on n'avait pas conscience de lire des comics, je demandais à ma mère spidey, blek, strange ou zembla, pour moi c'était de la BD de presse, pas le beau Tintin que j'avais en récompense pour mon carnet qui avait d'autres galons.
Un jour, plus tard, d'abord vers 9 ans, avec une pause jusqu'à 13 et puis plus de pause du tout, j'ai commencé à collectionner les comics tout seul dans mon coin, j'étais connu dans le quartier, j'achetais 90 % de ce qui sortait en kiosque (oui, j'ai une belle collec' ^^) et je faisais office de bibliothèque (je salue d'ailleurs toute cette bande d'enculés ingrats). J'étais le geek de mon quartier, sans le savoir bien sûr, personne n'avait encore théoriser le truc. Je partage donc cet avis et ça m?énerve qu'un type qui a vu les films Marvel se sente légitime pour me faire un cours sur les comics. Ce truc de geek, c'est une récupération marketing d'une tendance sociale pour pouvoir faire du business. Perso, je ne suis pas un geek, je suis un lecteur de comics, j'ai des passions de geek (je joue à Magic, je mate des séries). Pourtant c'est pas ça qui me défini, je suis....
03 Decembre 2013
LeZero>Un jour les geeks hériteront de la terre.
Mais pas de ses droits miniers.
03 Decembre 2013
eddyvanleffeOn vit dans une époque où tout est devenu une marque. Des gamines de huit ans se balladent avec le lapin d'un magazine de cul sur le bide. Des ados se refont une panoplie punk (jean troué et tee-shirt cardo) customisés Morgan à 200 ?. Et là on voit de non lecteurs considérer le comic book comme une continuation du pop-art embourgeoisé...
La lecture a foutu le camp...
Je me radicalise ces temps derniers, en rejetant (ou simplement en remettant à leur place) les adaptations ciné des comics qui deviennent paradoxalement un clou de plus dans le cercueil de la culture comics ( je ne développerai pas ici). Aucun n'a la moitié de la profondeur du support papier...
J'ai été très heureux ces derniers temps. Je lis le vieux RCM DIABLO à ma fille de cinq ans qui réagit aux blagues au quart de tour. On a regardé aussi X-men 2: elle m'a dit préférer le dessin parce qu'il a pas de "tatouages pourris" . Je fus fier de la voir préférer le "swashbuckler" de Cockrum au cul béni insipide du film...
03 Decembre 2013
kabbalMon avis vaut ce qu'il vaut, mais personnellement, je n'aime pas. J'ai l'impression d'être retourné dans la première moitié des années 90 et de lire un article du magazine animé land suivi du courrier des lecteurs.
Remplacez le mot Comics par Mangas et tous les mois vous aviez un article comme celui-ci. A l'époque ce genre d'article était pleinement justifié, le peux d??uvres traduites en français étaient censurés, le grand public (et surtout les parents) avaient une image déplorable de la BD (et de l'animation) niponne. A l'époque il y avait même eu une descente de flic chez Tonkam (les vendeurs s'étaient retrouvés en garde à vue).
Mais là je trouve qu'Alfro ce fait des films...... Du militantisme ! De l'affirmation par rapport aux autres ! Une lutte contre la pression social ! Briser l'image du geek incapable de parler à la voisine !
Mouais.....
02 Decembre 2013
ProllyUne très bonne idée ces éditos, ça fait plaisirs de la subjectivité assumé!
Le sujet est vraiment bien traité, je me reconnait dans pas mal de trucs
Maintenant j'ai hâte de t'entendre tapper un peu sur Big Bang Theory ^^
02 Decembre 2013
CedxC'est vrai qu'il ne suffit pas d'avoir des passions. Encore faut-il les défendre. Comme nos valeurs, nos passions nous définissent en tant qu'individu. SI on ne les défend pas quand elles sont attaquées, si on ne les affirment pas haut et fort, c'est une part de nous même que nous rejetons.
Tu viens de me faire prendre conscience de quelque chose, là.
02 Decembre 2013
DoctorVin'sQue dire? Magnifique texte criant de vérité.
Et à la lecture des commentaire on voit que l'on connaît ou que l'on a tous connu ça.
En ce qui me concerne je suis dans une sphère scolaire (lycée) et il est vraiment qu'effectivement je même si j'avoue aimer les comics j'évite de vraiment parler (sauf avec mon groupe d'amis) mais je constate un changement dans les mentalités, il est vrai que bien que rempli de défauts (et je les aime beaucoup) les adaptations ont pas mal aidés (même si il faut encore expliquez que les comics ce n'est pas que de la baston, quand j'entend un ami à moi me dire
"j'ai adoré Origins: Wolverine et tout les films Marvel Studios! Ah Watchmen? ouai j'ai arrêté je trouvais ça chiant"
Mais bon globalement ont voit que cela commence à s'installer (un tout petit peu, mais ça démarre)
Battons-nous pour le comics!!!!!!!! Il le mérite!!
(ps:NinHalo50: ton commentaire associé à ton image de profil, c'est assez fascinant à voir)
02 Decembre 2013
Robb StarkMagnifique. Le genre de message qui fait plaisir à voir, car je pense que tout le monde sur ce site ne peut être que d'accord avec toi. J'ai la chance personnellement d'être entouré d'amis assez " geek ", du coup je n'ai aucun problème à assumer ça, mais il est vrai que beaucoup ont encore de sales clichés plantés dans leurs crânes.
02 Decembre 2013
pepinouExcellent article, merci Alfro. Un article tellement universel concernant la bêtise fréquente de l'inconscient populaire et du regard des autres, la persistance des clichés et la puissance de la culture de masse qu'il pourrait s'échanger avec tout centre d'intérêt qui "sort de l'ordinaire", toute passion qui est "hors du commun".
Personnellement, j'ai commencé les comics à 10 ans 1/2 (avec le premier Gen 13, sorti en février 1996, qui m'a marqué au fer rouge et qui a fait naître en moi cette passion qui ne m'a jamais quitté), et je les lit toujours avec "fierté", toujours avec ce regard brillant et cette envie parfois pressante.
Je travaille aujourd'hui dans une grande librairie de bandes dessinées, et je peux confirmer que, même si je me plaît quotidiennement à initier des profanes et à détruire ces vilains clichés concernant notre média favori, toutes ces idées reçues sur la bande dessinée en général ont la vie dure.
Merci encore à Alfro d'exprimer ce que la plupart des individus singuliers qui composent notre communauté pensent parfois tout bas.
02 Decembre 2013
Republ33kC'était un bel édito cher Alfro. On sent la conviction et la passion derrière tout ça. C'est marrant, je défendais ces mêmes arguments il y a peu dans une soirée. Tu as parfaitement raison ou presque. Le passage sur la noirceur de notre monde et le côté manichéen était sans doute dispensable, mais je partage tout de même ta vision, moi qui ai un jour dit que Star Wars avait surement façonné ma vision du bien et du mal. Du reste, j'aime beaucoup ta position à contre-pied sur la démocratisation de la culture geek ou du moins comics. Lire ce genre d'idées fait du bien. En tous cas chapeau pour le message ! Pour ceux qui seraient sceptiques ou encore un peu timide, je confirme, Alfro à raison. Le meilleur moyen d'aider les comics et de les défendre c'est d'assumer leur lecture. A vrai dire, je n'ai jamais eu autant de potes intéressés par les comics que depuis mon choix de les assumer à 100%.
02 Decembre 2013
GumpyC'est bien, c'est beau, c'est Alfro.
02 Decembre 2013
MajorBobC'est rare que je dise ça: j'aurais aimé écrire ce texte.
02 Decembre 2013
NinHalo50Un jour les geeks hériteront de la terre.
02 Decembre 2013
scrtprrle niveau de virginité de cet article est en dessous de zero, mais le niveau de "bad-ass" est over 9000
bravo, merci
02 Decembre 2013
lilcrewSi le grand public aime les super-héros sur grand écran ou en série télé, c'est parce qu'ils voient ça comme un divertissement plein d'action. Alors qu'en comics ou en animés, ils deviennent méprisants parce qu'on est dans le pays du dessin animé et des étiquettes. Maintenant, je ne sais pas comment ça se passe dans les autres pays mais en France, c'est ça.
02 Decembre 2013
darklinuxJe suis à 100 % d ' accord avec ce texte