Encore une histoire sur les origines de Superman pourriez-vous dire. Vous n'auriez pas entièrement tort, le Grand Bleu les accumule. Mais ce sont généralement les meilleurs récits sur l'Homme d'Acier, sûrement pour leur côté iconique. Cependant ici, ce n'est pas qu'une histoire classique qui retrace les débuts du héros. C'est à la fois ça, mais aussi un récit qui va bien au-delà. C'est un regard porté sur ce que représente réellement Superman.
Raconter dans le détail tous les événements qui ont formé Clark Kent à devenir le Superman que l'on connait aujourd'hui, cela pouvait représenter une oeuvre longue et fastidieuse dans sa réalisation. Sauf que Geoff Johns a choisi de morceler son récit, de livrer des morceaux choisis mais essentiels. La construction en six épisodes distincts permet d'avoir une vue d'ensemble sur un héros qu'il est difficile d'aborder tant il ne semble qu'une énorme bannière représentant l'héroïsme le plus pur. Ici, on réintroduit la part d'humanité dans le personnage, qui permet de mieux l'apprécier et mieux le comprendre. Pour lier le tout, et en faire un récit cohérent, Johns déploie en fil rouge la relation qui unit le futur héros (car il ne l'est pas encore tout à fait) à Lex Luthor. Les deux antagonistes se tournent autour sans cesse, et s'éloignent progressivement l'un de l'autre alors même qu'ils se lient de plus en plus, presque intimement, comme deux facettes d'une même pièce.
C'est d'ailleurs l'un des autres points forts de cette mini-série, l'intégration de tous les personnages qui gravitent autour de Superman et son alter ego. Tous ces personnages secondaires qui certes ne seraient rien sans l'Homme d'Acier, mais dont il a lui aussi besoin pour exister. Ils lui donnent du corps, de la valeur humaine et émotionnelle. Ils forment un environnement qui est reconnaissable par les lecteurs. D'ailleurs, l'émotion est présente à chaque page de ce récit, chaque interaction est une nouvelle manière de découvrir un peu mieux ce que ressent au plus profond de lui-même l'immigré kryptonien. Ici, n'importe lequel des personnages, qu'il soit important ou bien plus secondaire, a sa propre voix et en révèle beaucoup sur le sujet principal de l'histoire. Tout se fait en douceur, rien n'est artificiel et on sent que le scénariste s'est appliqué à ce que cela sonne vrai. Il est aidé en cela par un Gary Frank qui transpose à merveille les émotions de ses personnages.
S'il y a un gros défaut à cette œuvre, c'est son traitement en version française. Car à l'époque, la mini-série était sortie chez Panini Comics en deux DC Heroes (l'équivalent des 100% Marvel), soit trois épisodes par volume, point barre. Outre le fait qu'on a un peu l'impression d'être pris pour un jambon, le format lui-même n'est pas à la hauteur de son contenu. Ceci pour dire que si Urban Comics pouvait la rééditer dans un ouvrage de qualité, ce serait une bonne occasion de redécouvrir ce qui reste à ce jour en toute subjectivité la meilleure histoire sur les origines de Superman.