Les lanternes ne brillent plus d’un vert éclatant, faute à des années de conspiration de leurs petits généraux bleus dénués d’émotions. Leur toute première création s’est rebellée, mimant la traque de Gargamel avec les Schtroumpfs. tous entre quatre murs et quelques barreaux, ils ne pourront plus compter sur leur sauveur terrien habituel passé dans le côté obscur de la bague. Dernier boss d’un jeu que l’on aura savouré pendant des années, que l’on aura quelques fois fait prendre la poussière mais qui aura redéfini un genre et une passion. Un logiciel ludique et fanatique concocté par un développeur d’idées et de magie : Geoff Johns.
Je n’ai pas grande envie de vous parler en détail de ce numéro #20, préférant m’exprimer sur le dernier récit d’une saga marquante par un homme marqué. Égoïstement et impunément, je préfère ici écrire mes félicitations et mes remerciements, aux côtés de ces grands noms qui eux aussi se sont écriés : Bravo M. Johns.
Un chantier, une casse, un désert, appelez-le comme bon vous semble mais Geoff Johns reprend Green Lantern en 2004 dans un piteux état. Désespérée ou désespérante, la saga lanterne traînait ses guêtres et ses changements en plein jour et dans la nuit noire, échappant à tous les regards. Hal Jordan, plus que tous, ne faisait plus rêver, chose essentielle pour la pérennité et la gloire d’un personnage en collants, tirant sa force d’un anneau et arborant une mine déconfite face à Saturnin (le canard). Sans grand cheval blanc ou épée au fourreau, le scénariste reprend les rênes et applique une bonne couche de blanc avec dans la tête tout une palette de peintures Castorama.
Tout en simplifiant et en revenant aux bases, l’auteur étend le monde et l’univers, montrant aux yeux de tous que l’espace est trop vaste pour un seul corps. Très certainement inspiré par l’imagination débordante de Valérie Damidot, Johns ouvre les fenêtres d’une série cloisonnée pour laisser passer la lumière et surtout les couleurs. Faisant table rase de leurs défauts ridicules, les lanternes oublient la peur et apprennent l’espoir, l’amour mais aussi la rage et la jalousie. Outre un arc-en-ciel, Geoff Johns apporte des sentiments.
Du rouge, du bleu, de l’orange... l’auteur apporte un morceau de son immense talent à chacune des nouvelles parties du corps. Les lanternes sont de retour et prennent place sur le podium de DC Comics. Unanimement le run de Geoff Johns est l’un des plus vaste et ambitieux mais surtout l’un des plus réussi. Toujours bien accompagné aux dessins ( Etan Van Sciver, Ivan Reis, Carlos Pacheco, Doug Mahnke... ), Johns revisite le mythe des Green Lantern, leurs donnant leurs plus beaux airs de Space Opera Rock Musical, chorégraphiés par Maurice Béjart. Personnellement parmi mes plus belles heures de lecture au long cours, Green Lantern par Geoff Johns est un requiem d’inventivité de rebondissements et de caractérisation «At the little oignons».
Ne vous y tromper pas, si Neil Gaiman, Grant Morrison ou Dave Gibbons, pour ne citer qu’eux, se sont prêtés à la phrase bien sentie, ce n’est sûrement pas pour gonfler les pages de ce dernier numéro, mais bien parce que Geoff Johns ferme une page entière de sa vie.
De fausse lampe torche à phare brillant ou de reconnu à grand patron, le destin du personnage et de l’auteur sont liés, ce dernier ayant su soulevé à lui seul Dc Comics. Imaginant des constructions toujours plus folles, le scénariste n’a pas connu de frein que seule son talent pouvait lui soumettre.
Si ma tartine déborde de confiture c’est que si je suis ici à vous écrire, c’est grâce aux récits de ce monsieur. Si mes étagères se sont à nouveau remplies de lettres illustrées c’est grâce aux lanternes de ce monsieur. Et je sais que si beaucoup d’entre vous, jeunes ou poilus, lisent ou relisent aujourd’hui des hommes et des femmes aux contes merveilleux, c’est également en partie grâce à ce monsieur. Au même titre que les Lee, Ditko, Byrne, Moore, Straczynski, Infantino... le nom de Johns est à hisser aux côtés du mot «Comics».
Même si depuis quelques mois l’homme n’a plus la tête qu’aux lanternes, Hal Jordan vit, le regard et la lumière verte des lanternes se posent à nouveau fièrement sur le mal.