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Jupiter's Legacy #1, la review

Jupiter's Legacy #1, la review

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On a aimé• Mark Millar fin et méticuleux dans son écriture
• Une lecture oignon, à plusieurs couches
• Frank Quitely, au top
On a moins aimé• Ce côté ci ne se remplit pas lorsque l'on note 5
Notre note

L’auteur de Kick-Ass et le dessinateur d’All-Star Superman joignent leurs forces pour créer la plus grande épopée super-héroïque de cette génération. C’est ainsi que la quatrième de couverture de Jupiter’s Legacy #1 débute. Ne voyez pas en cette déclaration officielle une nouvelle sortie enflammée de Mark Millar mais un vrai beau jeu de mot sur un titre lourd de sens aux nombreux non dits et qu’il va surtout falloir lire et relire pour en tirer tous les niveaux de lecture.

"Having these powers comes with certain responsabilities."

Nombre d’entre vous révisent en ce moment même leurs examens, les autres se remémorant les affres de l’accumulation de connaissances indigestes. Ouvrez votre manuel d’histoire, nous allons parler de la crise économique de 29. Pour les plus jeunes, en 1929 la bourse de New York s’écroule et plonge les Etats-Unis puis le monde dans une crise financière sans précédant. La grande dépression touche le monde et atteint avant tout le travail et le moral de millions d’hommes et femmes. Le pays de tous les rêves vire au cauchemar et les files d’attente pour la soupe se rallongent à mesure que le porte-feuille diminue. En 1932 Jerry Siegel et Joe Shuster couchent un personnage de fiction sur papier, celui qui n’est quasiment plus imprimé de vert. Superman, tout de rouge et bleu est né dans une période où seul le noir régnait, créé avec ce qui survivait d’imagination, le premier super-héros est né pour redonner de l’espoir à ceux qui n’en ont presque plus.

Jupiter’s Legacy entame son voyage par ce constat, même année, même idée, dans un monde où les hommes ont tout perdu, un doux rêveur part en quête d’espoir. Il trouvera une l’île, celle qui hante ses nuits, et reviendra sur ses terres des capacités encore inconnues de l’humanité. Ils partirent neuf; mais par un prompt renfort, ils se virent costumés en revenant au port. Les années passent et le groupe de protecteurs veillent à redonner de la beauté à un monde qui manque d’imploser, le temps file et une nouvelle génération voit le jour. Enfants de héros dotés de pouvoir par le biais de la génétique héréditaire, ces super-jeunes sont nés dans la facilité et l’opulence. Le monde n’est pour eux qu’un terrain de jeu et non pas un œuf à couver comme peut le voir leurs parents. Brandon et Chloe Sampson sont les enfants du couple sauveur du monde, populaires et convoités les deux rejetons vivent leur vie en tirant sur les deux bouts. Contrats publicitaires, nuit sans fin sur fond de musique pour sourds, coups faciles et lignes blanches, tels deux enfants déchus, Chloe et Brandon veulent se défaire, ou détériorer, l’image propre de leur héritage. Une nouvelle génération de héros, plus passionné par leur vie que par l’altruisme. Deux rebelles qui ne comprennent pas les positions et la pensée de leurs parents.

Si Mark Millar a joué la carte des enfants terribles teintés de super pouvoir, Jupiter’s Legacy va beaucoup plus loin. Au fil de la lecture le thème abordé semble plus approfondi qu’une simple persécution du super-héros propre sur lui. Les pouvoirs sont en réalité que très peu utilisés, ils ne sont que prétexte. Habitué au rentre-dedans et à la ligne droite dans ses propos, l’écossais exprime sa vision du médium comic et peut être encore plus, sa vision de la société. Le petit cours d’histoire n’est pas anodin, la confrontation de deux visions du monde que seul 80 ans séparent a également touché les héros de papiers. Ceux qui prônaient la fierté et la justice se sont vu remplacer par une nouvelle génération que l’on connait plus souvent pour leurs aventures animées que pour leurs récits romanesques. Un transfert de valeur et de culture formant un mur sourd entre deux générations. Quitte à vivre une vie, autant vivre celle opposée de ses parents.

Le défi de l’héritage est alors magnifié par le scénario de Millar qui rarement s’est montré aussi fin et doué avec les mots, offrant alors de nombreux niveaux de lecture si l’on sait trouver les références.

L’hôpital qui se fout de la charrue avant les bœufs.

Millar donneur de leçon et dépeignant le mercantilisme de l’édition comic et de la société par extension, voilà quelque chose qui porte à rire. Lui qui ne semble utiliser son stylo que pour les signatures de licences cinématographiques et revente de droits, aurait-il au final une véritable conscience professionnelle?
Clairement le scénariste raconte l’intérieur d’un univers que l’on croît idyllique et se paye son The Boys (Garth Ennis) à lui. Millar s’est peut être alors senti à nouveau britannique, et se devait comme ses camarades écrire son propre chant d’honneur irrévérencieux envers les super collants. Pas moins bête pour autant, le scénariste s’ouvre des portes et semble n’avoir encore rien dit, concluant son numéro un sans réelle fin ou twist extraordinaire. Millar étonne par son recul et un sang froid inhabituel. Au moins quand il tape sur une chose dont il est coupable, il le fait bien. Jupiter’s Legacy est un bijou mais il aura fallu tailler dans la pierre pour que l’on s’en aperçoive.

Un bijou, que dire alors de Frank Quitely. Pleurez pauvres âmes car vous avez entre les mains un morceau de génie concentré. J’ai un mal fou à pouvoir parler d’une chose dont je ne peux à peine effleurer la qualité. Lorsque même un trait droit m’est compliqué, je ne peux que m’esbaudir du talent et de la justesse du travail de Quitely. C’est ce sentiment fort qui vous parcourra lorsque vous redécouvrirez à chaque tournant de feuille une nouvelle illustration du maître. Rien ne déborde ou montre une folie certaine mais tout est simplement parfait, Peter Doherty venant fermé ce coffre d’excellence avec ses couleurs subtiles. Les visages roses et poupins se mêlant aux teints blafards. 

On l’attendait à droite et Millar nous tape l’épaule à gauche. Laissant ses gros sabots au vestiaire, le scénariste livre un tout premier numéro de ce qui s’apparente comme son œuvre phare, bien au delà de son égotrip du MillarWorld parfois trop lourd. Surélevé par Frank Quitely, Jupiter’s Legacy se dessine, se savoure, se lit et relit comme les plus grandes œuvres de cette génération. Ce n’est que le premier et l’on voudra bien patienter le temps qu’il faudra si tout est fignolé comme cela.

Cynok
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