Au
départ j'avais du mal avec The Manhattan Projets. Je n'arrivais pas
à saisir dans quelle direction la série allait. Depuis, ce que je
voyais comme un défaut s'est transformé en qualité incontestable.
La série de Jonathan Hickman est un modèle d'imprévisibilité et
c'est ce qui fait sa force. Si d'épisode en épisode, page après
page, l'actuel scénariste des Avengers a toujours su surprendre son
lectorat depuis l'ouverture de son bijou indépendant, ce #10
surclasse les neuf derniers épisode de TMP en magnifiant tous ses
codes.
Le mercredi 7 mars 2012 The Manhattan Projetcs #1
arrivait dans les étales. Joliment nommé Infinite Oppenheimers, ce
premier chapitre posait les bases d'une des séries les plus barrées
proposées par Image. Violente, loufoque, imprévisible et
audacieuse, The Manhattan Projects transforme des personnages
historiques en héros modernes à la morale trouble et aux ambitions
inavouables. Après une cavalcade de neuf épisodes imperméable à
tout nouveau lecteur qui voudrait prendre un raccourcit, la fable
contée par Hickman marque une pause pour revenir à la chute de
Infinite Oppenheimers sous la forme d'un chapitre aussi facilement
que habilement nommé Finite Oppenheimers.
Dévoiler l'intrigue
est inutile. Qui voudra lire lira et qui n'est pas intéressé vivra
tranquillement sans savoir de quoi il en retourne dans cette
histoire. Il est tout de même important de préciser que quiconque
n'ayant jamais posé les yeux sur un épisode de la série peut tout
à fait acheter TMP #10, le lire et apprécier l'histoire presque
autant qu'un lecteur fidèle. C'est là qu'on touche à la première
force de ce numéro. Jusqu'ici il était inutile de
chercher à prendre la série en cours de route. Comme toute histoire
narrée par Hickman, la fidélité paie et les retardataires n'ont
guère d'autres choix que d'attendre les éditions collectées. Ici,
tout ce qu'il y a à savoir pour saisir l'intrigue est rappelé en
trois pages. Sans pour autant parler de point d'entré dans la série,
The Manhattan Projects #10 peut parfaitement servir à se faire une idée
sur la série.
Cette parenthèse dans l'aventure des plus
grands génies de la moitié du XXème achève de poser les règles
selon lesquelles la partie va se dérouler à l'avenir. On a ici
affaire à de l'ultra-science-fiction. L'âme rencontre le nucléaire,
la vie extra-terrestre et le voyage inter-dimensionnel. Tout est
possible et tous les doutes à ce sujet sont ici levés. TMP #10 est
présenté sous forme de voyage métaphorique dans les méandres d'un
esprit totalement dérangé. D'un bout à l'autre de cette excursion
aussi déjantée et dérangeante que réfléchie, le soin apporté aux détails
et à l'effet de surprise est des plus remarquables. Le fill-in de Ryan Browne n'y est manifestement pas pour rien.
Créateur de God Hates Astronauts (webcomic dont on vous parle dans le Comic Talk
de la semaine), Ryan Browne s'est imposé comme l'artiste idéal pour
toute histoire déjantée. Fan de GHA, Hickman a clairement pensé le
script de cet épisode pour les forces du remplaçant de Nick
Pitarra. The Manhattan Projects EST une série violente, mais la
brutalité de ce numéro 10 fait assurément appel au sens du glauque de
Browne. Celui qui va devenir le dessinateur régulier du Bedlam de Nick Spencer parvient ici à mêler la qualité surréaliste de son
trait aux codes établis par Pitarra et le résultat est superbe.
Bien entendu les couleurs de Jordie Bellaire n'y sont pas pour rien
et la coloriste confirme le fait que la couleur est plus qu'un
accessoire pour peu qu'on la prenne en compte lors de l'écriture.
Meilleur épisode de la série à ce jour, The Manhattan
Projects #10 est accessible à tous et est conseillé à tous ceux
qui envisagerait de tenter leur chance avec le titre. Les pistes
lancées par ce numéro donnent le vertige lorsqu'on envisage la
suite de l'histoire. Je pourrais une nouvelle fois énumérer toutes
les qualités de ce chef-d'œuvre, mais franchement, si le simple
fait de voir Robert Oppenheimer coller une gauche à un cheval ne
suffit à vous convaincre, je ne peux plus rien pour vous.