Dans un monde où l’humanité frémit, où l'on ne peut plus se fier aux lasagnes et aux boulettes suédoises, où le Pape démissionne pour retrouver une vie paisible avec ses enfants et où Julie Lescaut se lance dans la politique; un homme se dresse et fait front : Frédéric Pham Chuong. Seul face à ses crayons le français sort, aux éditions Kotoji, sa première œuvre reliée : Steam West.
L’innovation et la science avancée sont le nerf de la guerre et un ascenseur rapide vers le pouvoir et le contrôle. Dans le désert de l’Ouest, les Colt ont longtemps été le moyen le plus moderne et rapide de rendre la justice, qu’elle soit juste ou non. Mais lorsque la maîtrise de la vapeur et de ses atouts intervient, la donne change pour beaucoup de monde. À Dodge Town, le shérif O’Banon fait partie du vieux moule et l’arrivée d’une homme de métal dont de la fumée s’évacue de tout le corps change sa vision du monde. Cette machine se nomme Steamwest, accompagnée de Lok Yiu et le professeur Goodman, ils sont envoyés par le Président Lincoln afin de rendre la justice et de stopper les envolées machiavéliques du professeur Leonard Euller. Le pitch objectivement simple n’a pas pour but de tirer une histoire sur le long terme ni d’ouvrir des tiroirs vaguement cachés. De la baston, des roquettes, des balles qui sifflent et des high-kicks pleines faces, voilà ce que donne le scénario, et de ce côté là, personne ne sera oublié.
Initialement diffusé via la plateforme digitale WEBellipses, Steam West arrive aujourd’hui avec la sensation du papier sous les doigts. Les éditions Kotoji ont alors soigné les planches de l’artiste pour lui offrir un bel ouvrage, cartonné et bourré de croquis bonus en fin de récit. FPC couche sur papier glacé son talent et son sens du spectacle illustré. Scénariste, dessinateur, encreur, coloriste celui qui sait tout faire le fait formidablement bien. Si le départ peut paraître un peu trop sombre pour des yeux fatigués, la lumière revient vite au fil des pages et des scènes de fusillades ultra léchées et référencées. N’ayez pas peur du fait maison un peu bâclé, l’artiste a tout au contraire travaillé chacune des ses planches, de ses couleurs, avec minutie et restant constamment dans l’univers crasseux et mécanique du steam-punk. Les dialogues distillés par les personnages aux gueules burinées par le sable et la chaleur du soleil, plongent le lecteur dans une aventure dont il aura du mal à se détacher. Ça sent le chaud et la sueur et c’est parfois bon de voir autre chose que du spandex ou des détectives alcooliques. La petite équipe mécanique brille par sa classe et enchaîne les bourre-pifs et les douilles au sol. Le style franc du dessinateur se fait alors sentir, si on n’est jamais mieux servi que par soit même, le français ne cherche pas à dénaturer son trait par un récit qui ne lui conviendrait pas. Du mouvement et des poses de cowboys appliquées à la rouille et la vapeur de l’univers donnent un dessin brut et sans concession. C’est beau, original et très attachant.
Quand Hellboy rencontre la vapeur, Tarantino les diligences et Bruce Lee messieurs Smith et Wesson, Steam West est un mélange tamisé de tout cela. C’est aussi l’amour des mechas japonais qui transpire dans ses pages, ces immenses robots faits d’assemblage de tôles mais à la puissance destructive incomparable ont la part belle dans le récit. Le monsieur dessine et raconte ce qu’il aime et il a bon goût. Il livre alors l’amalgame d’années de passion et de films sur cassettes regardées au fond du canapé les jours de pluie. Steam West est un vieux ticket de cinéma de quartier, celui pour lequel vous aviez le droit de rester tout l’après-midi plutôt que d’aller à l’école. Steven Seagal, Terrence Hill et Yoshiyuki Sadamoto sont particulièrement fiers de cet hommage.
Steam West est ce que devrait être Les Mystères de l’Ouest en cent fois plus cool. Du sang, de la chique, du mollard et de la rouille vous attendent dans l’antre de Frédéric Pham Chuong. Un premier essai qui souligne une chose : retenez son nom. Déjà parce que vous le noterez pour le voir en conventions mais surtout parce que vous contribuerez au succès qui lui est dû.