Le mois dernier, Hawkeye #1 a eu le
malheur d'être critiqué par un Jeffzewanderer alors moins indulgent qu'avec Gambit #1. Si à mon sens la note que mon compère a attribué au
premier épisode des aventures de Clint Barton est quelque peu
sévère, certains des défauts qu'il a soulevé plombent en effet la
qualité de cette histoire d'ouverture. De l'intrigue aux enjeux
presque insignifiants à la narration quelques fois tortueuse, le
titre ne pouvait prétendre à la perfection malgré ses qualités.
Un mois plus tard, le duo Fraction/Aja est de retour et nous propose
un épisode haut en couleurs et dynamique qui achève de poser les
bases d'une série solide qui a toutes les armes pour rejoindre le
Daredevil de Waid dans le panthéon actuel des aventures solo chez
Marvel.
« It's fine. S'all fine »
Après être devenu morne et plat sous la plume de
Bendis, Hawkeye a bénéficié de la promo du film et a été promu à
la tête des Secret Avengers avant de décrocher son propre titre.
Seulement au-delà de l'aspect tête brulée et autoritaire du
personnage, plus grand chose de la personnalité de l'archer ne
filtrait à travers ses dernières apparitions. Ici Matt Fraction
s'efforce de donner de la substance à l'homme derrière le
super-héros et ça marche. A travers des ressorts scénaristiques du
meilleur effet, l'auteur parvient à donner au lecteur un aperçu de
l'état d'esprit de Clint et de ses préoccupations sans avoir à
faire parler son personnage.
Et pourtant, il le fait parler
le bougre ! Les dialogues et les phases narratives sont parfois
faciles, mais dans l'ensemble bien sentis. Ils portent l'action et
sont plaisants même quand présents en masse. Si la lecture se fait
carrément plus plaisante qu'à l'épisode précédent, la présence
de Kate Bishop n'y est probablement pas pour rien. A la fin de The
Children's Crusade on nous avait annoncé que les Young Avengers
referaient surface chacun de leur côté à travers l'univers Marvel.
Rien que pour la façon dont Fraction écrit la jeune Hawkeye en
sidekick de l'archer original, ce titre ne devrait jamais quitter les
étales. Katie est plus plaisante à lire qu'elle n'a jamais su
l'être dans les pages du titre qui a vu son apparition. Elle est
émancipée, a de la place pour briller et offre une fraîcheur à la
série qui lui aurait peut-être fait défaut sur le long terme s'il
s'était seulement agi de suivre Clint botter le train de mafieux
russes et autres forains voleurs.
« ...Well when you say it like that it sounds stupid »
Fraction gère donc ici
plutôt bien son affaire à la différence d'autres titres sur
lesquels il officie. Mais si Hawkeye #2 est un must-have, c'est au
moins à moitié grâce au travail d'exception de David Aja. Fluide
et minimaliste, son trait traduit la personnalité du personnage
principal. Précis et élégant, il donne vie à la figure féminine
de la série. L'artiste parvient à faire tenir 24 cases au sein
d'une même page sans vous donner la frousse (devrais-je dire la
flemme ?) de vous y attaquer. Tout dans ses compositions est travail
d'orfèvre. Des scènes d'action aux passages contemplatifs, rien
n'est expédié. Malheureusement, l'Espagnol se fait remplacer dès
l'épisode #4 (comme ça arrive bien trop souvent du côté de chez
Marvel) par Javier Pulido. Côté couleurs, les teintes violettes,
noires, blanches, bleues et jaunes (j'ai fais le tour) de Matt
Hollingsworth se fondent aux dessins à merveille et vous poursuivent
jusque dans vos rêves tant elles nourrissent l'univers folklorique
dans lequel on se retrouve à suivre notre couple d'archers ce
mois-ci.
Le problème dans tout ça reste que l'équipe
artistique officie chez Marvel. Entre des scènes d'action de haute
volée qui voient les flèches fuser dans tous les sens pour souvent
finir leur course en pleine poire des méchants, l'auteur vient nous
rappeler que du côté de la Maison des Idées, le meurtre est
l'apanage d'une poignée de personnages bad-ass. Ainsi, après une
dizaine de pages à admirer nos héros bousiller du vilain comme s'il
s'agissait de vulgaires cibles d'entraînement, on voit arriver le
traditionnel couplet qu'on commençait à naïvement espérer ne pas
avoir à lire : « Il vivra. Mal, mais il vivra. » ou
« Ils ne sont pas morts. Juste aveuglés. » Quitte à ne
pas tuer, autant y aller à fond et le justifier de façon
traditionnelle en signalant que les flèches utilisées ne sont pas
létales. Se contenter d'expédier ça en trois mots après un
déchaînement de violence particulièrement jouissif fait retomber
le soufflé, et c'est nul. Un défaut qui aurait peut-être était
moins gênant si on ne voyait pas une innocente mourir comme si de
rien n'était dès la première page pour le style...
Hawkeye
n'est pas LA série de Marvel, mais elle a de quoi devenir un
incontournable. La coopération Fraction/Aja a déjà fait ses
preuves et fonctionne ici à merveille. L'ajout de Kate Bishop à la
série est intelligent et bien exécuté. Clint est attachant. Tout
ce qu'il manque à la série est un brin plus d'ambition et
l'assurance que la relève artistique sera à la hauteur du travail
de Aja. Rendez-vous au numéro #4 pour en savoir plus sur l'avenir de
cette série particulière.