A force d'itérations, il faudra bien que les fans récalcitrants se fassent une raison : dans la foulée de Rick Remender, Ta-Nehisi Coates et Joe Michael Straczynski, le bon Chip Zdarsky a lui-aussi opté pour un volume de Captain America ouvertement politique. C'est fou, quand même. A croire qu'il suffit de porter le nom d'un pays, les couleurs d'un pays, d'avoir été soldat dans l'armée d'un pays, et d'avoir au passage baffé Adolf Hitler pour immédiatement devenir un objet de propagande idéologique. Et pour cette fois, le scénariste a même décidé d'aller directement vers l'étape suivante. Plutôt que de se cantonner au seul sujet des Etats-Unis, le Captain America de Chip Zdarsky a visiblement prévu de bifurquer de la politique intérieure vers la géopolitique mondiale. On avait déjà pu s'en apercevoir dans les deux premiers numéros de cette nouvelle série, et le programme se précise pour les histoires suivantes.
En effet. Avec la chute programmée de Doctor Doom d'ici la fin de cette année (ce n'est pas vraiment un spoiler : Marvel a déjà communiqué sur la conclusion de la période One World Under Doom, sans préciser les modalités de l'événement et le statu quo futur de cette prochaine étape pour le canon collectif), le monde fictif de la Terre-616 va une fois encore se réorienter vers de nouveaux objectifs. Or, justement, du point de vue de la géopolitique, Chip Zdarsky a estimé que le moment était tout trouvé pour inventer de nouveaux héros patriotes aux quatre coins du monde. L'idée n'est pas bête : le Royaume-Uni avait déjà son Captain Britain, mais les autres puissances de la Terre étaient surtout représentés par des personnages de la catégorie des espions, des assassins et des paramilitaires, comme le Red Guardian ou Shang-Chi. En somme, des figures un peu moins "officielles" que Steve Rogers.
Or, cette envie a mobilisé la création de quatre nouveaux "héros" inventés pour l'occasion, quatre super-héros pour représenter les autres nations du Conseil de Sécurité des Nation Unis. Donc, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni (oui, en supplément de Captain Britain, en l'occurrence) et la France. Dans l'ordre, ceci nous donne donc : Red Widow, The Star, Captain Kingdom et Captain France. On comprend globalement que les personnages en question ont tous été pensés comme des variations sur le modèle de Steve Rogers. Tous sont manifestement d'anciens soldats avec leurs propres boucliers de combat. Seul contre-exemple : la Red Widow, forcément. De fait, écrire sur des personnages patriotes dans une telle période de tension au sein des relations internationales s'accompagne forcément de discours précis sur les puissances concernées.
Voici comment Chip Zdarsky présente cette idée :
"J'adore l'idée des super-héros 'officiels', celles et ceux qui oeuvrent au sein même du système et de l'administration. J'ai le sentiment qu'il devrait exister une équivalence de Captain America pour les grands représentants des Nations Unies, surtout pour les pays membres du Conseil de Sécurité, surtout dans le cas de situations comme celles qui ont lieu actuellement en Latvérie. C'est de là qu'est né l'idée du projet United Captains, une équipe issue de pays variés, et où chacun des personnages représentés a ses propres objectifs privés."
Force est d'admettre que l'idée est plutôt excellente pour qui s'intéresse au motif de la géopolitique moderne et des intérêts individuels face au droit international. Accessoirement, ceci nous permettra d'avoir enfin notre propre Captain France, un héros qu'il aime la baguette et les claquos de région, qui s'énerve dans les embouteillages, qui fait cuire sa viande rouge devant son voisin végan, qui pense que les feignasses devraient se remettre au boulot, et que les extrêmes qui veulent bloquer le pays, franchement, ça suffit quoi hein. Saperlipopette. Sacrebleu de mildiou. Pauvre France, etc. Prions maintenant pour que le personnage obtienne sa propre version dans l'univers Ultimate pour venger l'affront du perfide Mark Millar dans les séries d'autrefois.
En attendant, les quatre nouveaux Captain seront introduits dans Captain America #6. Et si leurs costumes ont bien été imaginés par l'artiste Valerio Schiti, les dessins proprement dits seront assurés par Frank Alpizar et Delio Diaz, deux nouveaux dessinateurs que l'enseigne a visiblement envie de pousser (on pourra les retrouver au préalable sur le numéro Doomed 2099 dans la périphérie de l'événement One World Under Doom).
"Un monde sans Doom ! Dans la foulée de l'événement One World Under Doom, la Latvérie se retrouve plongée dans le risque de la guerre civile. Captain America est envoyé sur place pour protéger les civils et enquêter sur les rumeurs au sujet d'un dépot d'armes illégales. Mais lorsque le Conseil de Sécurité des Nations Unies envoie ses propres Super-Soldats sur site, il devient évident que tout le monde veut récupérer un morceau de Latvérie, quel qu'en soit le prix. Des belligérants aux dents longues se déchirent pour le contrôle du pays, l'équipe des Captains poursuit ses propres objectifs. Est-ce que Steve Rogers sera de taille pour cette nouvelle période de paix ? Et est-ce que ses nouveaux copains poursuivent réellement le même objectif ?"
En gros, vous aurez compris le message : Chip Zdarsky est plutôt inquiet de l'armistice éventuel en Ukraine. Sur le papier, un petit comics de commandos qui se plantent des dagues dans le dos façon thriller d'espionnage, avec des héros bannière de toutes part et un propos pertinent sur le présent, est-ce que ce ne serait pas ça, au fond, la vraie définition du poulet potentiel ?
Captain America #6 est attendu pour le 17 décembre 2025.