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Diamond Comics : une revente à Universal/Ad Populum officialisée - et des licenciements en masse pour fêter ça

Diamond Comics : une revente à Universal/Ad Populum officialisée - et des licenciements en masse pour fêter ça

NewsIndé

Le dossier Diamond Comics a connu de nombreux bouleversements depuis la dernière fois où nous traitions du sujet ; l'actualité toujours changeante et le peu d'impact réel de ces changements sur le quotidien du lectorat francophone (même celui friand de VO) nous a obligé à prendre notre temps pour s'assurer d'avoir un peu d'accalmie afin que ce nous écrivions un jour J ne soit pas caduc moins de vingt-quatre heures plus tard. Aux dernières nouvelles postées dans nos colonnes, après avoir finalisé un premier rachat par Alliance Entertainment, ces derniers avaient annulé leur décision après que Diamond avait acté vouloir préférer être racheté par le consortium d'Universal et Ad Populum, quand bien même l'offre de ces deux-là n'atteignait pas un montant égal à celui proposé par Alliance. Eh bien, c'est finalemen ledit consortium qui a bien pu profiter de la décision d'Alliance, mais le rachat acté n'en reste pas forcément une bonne chose sur le plan humain. Dans la foulée du rachat officiel, Diamond Comics a en effet procédé à une intense vague de licenciements. 

La fin du cirque Diamond ?

C'est particulièrement autour de la fin du mois d'avril et début mai que les choses ont viré, pour ainsi dire, au n'importe quoi, avec plusieurs nouvelles importantes qui parvenaient autour de Diamond Comics. Dans la foulée de l'annulation du rachat par Alliance Entertainment (AENT), plusieurs faits sont venus se rajouter : 

  • Dans la foulée de l'annonce d'AENT, Diamond eux-mêmes se paraient le 28 avril 2025 d'un communiqué on ne peut plus "joyeux" et curieux, compte tenu des circonstances. Ils énonçaient alors avoir trouvé "des acquéreurs alternatifs, et particulièrement bien connus" avec lesquels ils se disaient être "excités par le partenariat à venir." Le communiqué se permettait de tirer la corde du teasing, façon "rahlala, on est trop contents de vous dévoiler qui c'est" - alors que l'on parle d'une vaste entreprise en redressement judiciaire, de millions de dollars de dettes, d'impayés pour des structures éditoriales fragiles, etc.


  • Le même 28 avril 2025, un son de cloche bien plus alarmant se faisait entendre, alors que Diamond Comics se voyait placé sous la menace de voir sa mise en redressement judiciaire (Chapter 11 Bankruptcy) être transformée en liquidation judiciaire (Chapter 7 Bankruptcy). En cause : le fait que l'entreprise n'avait pas édité ses rapports d'opération pour les mois de janvier à mars 2025, soit depuis la mise sous protection de redressement judiciaire du fameux Chapter 11. Une nouvelle inquiétante dans le sens où si Diamond était d'un coup liquidé, l'entièreté des partenaires à qui ils devaient des sous se verraient aussi floués avec l'impossibilité d'être remboursés des sommes dues. 


  • Nouveau retournement de situation le 29 avril 2025, alors que AENT portait plainte contre Diamond Comics en les accusant de "fraude" et de "tromperie". Pour faire simple, il faut d'abord rappeler que les activités de distribution du groupe Diamond, comme détaillé par ici, ne se limitent pas qu'aux comics - mais également à la distribution de produits dérivés, ou de jeux. AENT était d'ailleurs plus intéressé par ces activités que la distribution de bande dessinée (au moment du premier rachat en mars 2025, une interview du gérant d'AENT avait provoqué des crises d'angoisse dans tout le milieu comics au vu du manque de connaissances évident du bonhomme sur le fonctionnement du direct market). Et donc : parmi les activités de Diamond, on retrouvait Alliance Game Distributors (AGD), qui avait notamment un deal lucratif avec Wizards of the Coast (WOTC) pour tout ce qui concerne la distribution des produits Magic : The Gathering. Sauf que le contrat liant Diamond à WOTC n'avait pas été renouvelé pour 2025, et simplement étendu en début d'année à cause de la procédure de redressement judiciaire... et que Diamond s'était bien gardé d'en informer AENT, allant jusqu'à falsifier des documents pour cacher le fait que leur contrat n'avait pas été renouvelé. Dans le fichier de plainte, il était décrit que les représentants de Diamond avaient alors feint de "découvrir" que leur contrat avec WOTC était caduc depuis début 2025. Or, les ventes liées à Magic : The Gathering représentaient 25% du chiffre d'affaire d'AGD. En conséquence, AENT s'est en toute logique senti floué sur la perspective de racheter un ensemble d'entreprises dont l'une venait de perdre l'une de ses principales sources de revenus. D'autant plus que AENT a bien tenté de négocier avec WOTC pour que le contrat soit finalement poursuivi, en vain. Par la suite, AENT a exigé de Diamond que l'offre de rachat soit revue à la baisse, mais selon les déclarations des premiers, les seconds ont repoussé les réunions, jusqu'à ne donner plus signe de vie, pour les pousser au final à abandonner leur projet de rachat.


  • En plus de la plainte déposée au tribunal, AENT voulait empêcher la potentielle acquisition de Diamond et de l'ensemble de leurs activités par d'autres acquéreurs, et il a donc fallu que Diamond aille voir la justice pour voir ce qu'il en serait. Le 30 avril 2025, la cour chargée de l'affaire (soit la United States Bankruptcy Court for the District of Maryland) tranchait en la faveur de Diamond, autorisant de fait ces derniers à être rachetés par les nouveaux acquéreurs, alors dévoilés. Il s'agit de deux entités qui joignent les forces pour se partager les activités de Diamond : d'un côté Universal Distribution LLC qui récupère AGD (dont tout ce qui concerne la distribution de jeux), tandis que Ad Populum s'occuperait de récupérer le reste (Diamond Comics DistributorsDiamond Book DistributorsDiamond Select Toys & CollectiblesCollectible Grading Authority, etc...). Chose était remarquée que Diamond UK restait malgré tout en dehors du processus de rachat global. 


  • Alors que tout le monde attendait que le rachat soit acté officiellement après l'autorisation de la Cour, Diamond faisait savoir en date du 13 mai dernier avoir demandé à rallonger de quatre mois son placement en redressement judiciaire, jusqu'à septembre 2025. Le délai demandé permettant à l'entreprise d'organiser toutes les démarches post-rachat (qui était alors prévu pour être rendu officiel le jour suivant, soit le 14 mai 2025), et mettre en place également le remboursement envers toutes les entités à qui ils doivent de l'argent. Notez bien que la décision concernant cette demande ne sera rendue qu'au mois de juin ; si aucune objection n'est formulée par qui que ce soit, la demande devrait être acceptée, mais l'histoire a appris à chacun que concernant Diamond Comics, rien n'est jamais assuré. 


  • Enfin, c'est au 16 mai 2025 que l'annonce du rachat a officiellement été faite par communiqué de presse. Ledit rachat ayant bien eu lieu deux jours avant, il s'est conduit comme proposé le mois précédent, avec Universal reprennant AGD et Ad Populum s'occupant du reste - ce qui ne règle toujours pas la question de ce que doit advenir Diamond UK, ni de ce que comptent faire Ad Populum de la distribution de comics. Entretemps, le paysage a bien changé et de très nombreuses maisons d'édition ont décidé de ne plus être exclusifs à Diamond, voire à se passer totalement d'eux. Aussi, le nouvel acquéreur aura fort à faire pour que l'activité se montre à nouveau intéressante financièrement. 


  • Attendez, car ce n'est toujours pas fini. Dans la même journée du 16 mai, juste après l'annonce du rachat, une autre nouvelle bien plus désagréable parvenait au public : celle de licenciements massifs chez Diamond Comics. Une chose hélas habituelle dans les processus de rachats, mais ici les mots "bain de sang" (dont on a toujours terrible mémoire concernant DC Comics en 2020...) sont employés ; une bonne partie des postes importants chez Diamond Comics ne sont pas renouvelés ; seuls trois employés restent présents chez Diamond Books. Par la même occasion, les réels plans des nouveaux acquéreurs commencent à se dessiner. Dans les faits, Ad Populum n'aurait aucun intérêt à la distribution de comics et laisserait donc ce secteur à Universal, qui voudrait - en s'appuyant sur la structure rachetée AGD - s'imposer comme le troisième plus gros distributeur de comics sur le marché, aux côtés de Penguin Random House et Lunar Distribution. Ces plans incluraient d'aller recruter, d'ailleurs, des personnes qui sont/étaient chez Diamond Comics auparavant. Mais Diamond Comics en tant que tel, selon les observateurs professionnels américains, n'existera plus. Dans les derniers écrits en date, Diamond UK devrait d'ailleurs aussi être repris par Universal, mais dans un deal séparé de celui signé le 16 mai 2025.


  • Le 18 mai 2025, on apprenait que Diamond Select Toys, l'une des acquisitions de Ad Populum, a été entièrement fermée, et l'intégralité de ses effectifs renvoyés. L'acquéreur n'est donc visiblement pas intéressé dans la production de produits dérivés.


  • Enfin, en ce 20 mai 2025, la Bankruptcy Court a mis de côté la menace de voir le redressement judiciaire (Chapter 11) se voir transformé en liquidation (Chapter 7), puisqu'entre temps, Diamond a produit les documents qui lui étaient demandé. Forcément : l'objectif de l'entreprise était d'abord de sécuriser son rachat avant de se concentrer sur le redressement et les remboursements. À présent que le rachat est fait, les têtes dirigeantes peuvent se dédier à ces tâches devenues à nouveau prioritaires. 

Voilà en résumé où en est la situation. Autrement dit : Diamond Comics en tant que tel a été racheté puis mis à mort par Ad Populum, et il faut croire que le nom de l'entité ne restera d'ici peu qu'un souvenir de vingt-cinq années d'existence qui ont fait date dans l'histoire du marché des comics, avec une déliquescence qui aura commencé au moment du Covid (même si des problèmes survenaient déjà auparavant). Reste à voir ce que Universal créera, a priori, pour remplacer le distributeur, et comment tous les à-côtés historiquement liés à Diamond Comics (le catalogue de Previews, le Free Comic Book Day) seront gérés. Affaire à suivre, à n'en pas douter.

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Illustration de l'auteur
Arno Kikoo
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