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Timeless, Fall of the House of X, BRZRKR Fallen Empire : critiques express côté comics VO

Timeless, Fall of the House of X, BRZRKR Fallen Empire : critiques express côté comics VO

chronique

Bienvenue dans un nouveau numéro de la chronique des "critiques express". A intervalles réguliers, la rédaction vous propose de courtes reviews sur des numéros de comics VO sortis récemment. L'idée est de pouvoir à la fois vous proposer une analyse des sorties attendues du côté des éditeurs mainstream et indé', parler également de runs sur la durée, et essayer de piquer votre curiosité sur quelques titres moins en vue. En somme, tout simplement de mettre en avant le médium comics dans nos colonnes autrement que par le prisme pur de l'article d'actualités.

Nouvelle semaine, nouvelle salve de sorties, et nouveau regard rétrospectif sur les singles importants de ces dernières fournées. Et pour le début d'année, les éditeurs ont mis le paquet : des X-Men en pagaille, un regard vers le futur des Avengers, une nouvelle saga Ultimate en chemin, DC Comics qui quitte son année du relaunch pour avancer vers de nouvelles propositions... et un marché indépendant qui reste toujours aussi riche, avec le lancement de DSTLRY, le retour du gros vendeur BRZRKR, un James Tynion IV qui se dédouble (ou se détriple - ça se dit ? Allez, mettons), et des Scott Snyder, des Mark Millar, des Jeff Lemire un peu partout. Entre autres choses. Même Tom King devrait avoir une année chargée sur le plan des créations originales. Il va falloir suivre.

Alors, on aurait pu vous parler de W0rldTr33, de The Ribbon Queen ou de Giant Robot Hellboy, mais le rédac' chef m'engueule quand je consacre plus de quatre paragraphes à un numéro de clôture dans ces colonnades (et l'Alsacien, c'est déjà curieux à l'oreille, mais alors quand le mec s'énerve ? Une vraie expérience). Et il n'a pas tort, au fond : cette catégorie d'articles a effectivement plutôt vocation à mettre en avant les forces du format single issue. Ou les faiblesses, aussi. Dans la mesure où le piège de ces petits fascicules tient sur leur épaisseur - comment donner envie aux gens de revenir, de rester accrochés à une série, comment ne pas tomber trop vite dans le piège du cliffhanger, comment démarrer, comment rythmer, comment recommencer à zéro, comment accompagner la lecture en mensuel sans avoir l'impression de répéter un même cycle éternel. Bref, en un mot : comment ? Et bien, j'ai envie de vous dire... comme ça. 

Timeless #1 - Colin Kelly, Jackson Lanzing & Juann Cabal

Les impressions de déjà-vu sont nombreuses chez Marvel, particulièrement sur certaines opérations où l'éditorial et le marketing sont on ne peut plus croisés. Le cas des one-shots Timeless est assez éloquent, puisque c'est déjà la troisième année de suite que la Maison des Idées (habile dans son utilisation du gimmick ou du recyclage dès que quelque chose marche un peu) propose ce récit chargé de raconter une histoire plus ou moins importante, et de teaser de quoi sera fait l'avenir. Une façon de faire assez symptomatique de la fuite en avant perpétuelle des éditeurs de comics mainstream, suivie évidemment par les lecteurs et les médias qui s'intéressent parfois (et on est tout aussi coupables) plus à ce qui doit arriver dans le futur que ce qu'il se passe maintenant. Collin Kelly et Jaskson Lanzing prennent le relais après deux années supervisées par Jed MacKay, et curieusement, l'exercice a un peu mieux pris qu'à l'habitude.
 
Le numéro s'intéresse à une version futuriste de Luke Cage, devenu un Power Man doté de multiples pouvoirs et qui est témoin dans le futur de la fin de notre civilisation face à une secte adoratrice de Khonshu persuadée que ce dernier propose un avenir meilleur après de la Lune. L'affrontement de Cage contre son adversaire - une version futuriste de Moon Knight qui a aussi pour elle quelques surprises est assez plaisante à suivre, pour peu qu'on s'intéresse à un combat de protagonistes dont il est presque certain, malgré les teasings, qu'il y a peu de chance de les revoir par la suite. Là où ce Timeless #1 se montre plus intéressant, c'est dans la façon dont il distille ces images éparses censées nous indiquer ce qui doit arriver en 2024 dans les publications de Marvel
 
Là où MacKay utilisait Kang pour nous donner des visions du futur, Kelly et Lanzing jouent la perspective inverse : en plaçant leur récit dans le futur, c'est par des bribes de mémoire du passé que nous est montré ce qui nous attend dans un présent relativement proche. De quoi avoir l'impression de ne pas ravoir les mêmes effets de manche. Ceci étant dit, si on enlève cette approche pour insérer du marketing dans l'éditorial, on peine franchement à voir ce que le numéro peut apporter. Cabal fait le taff au dessin, le futur présenté envoie des relents de Futures End - pour celles et ceux qui s'en rappellent - et si l'exercice imposé par le principe même de Timeless est bien exécuté, on trouvera plus de plaisir à décortiquer les quelques cases de teasers pour 2024 que pour l'histoire en elle-même. Ce qui reste donc globalement le même constat que pour les deux précédents numéros.
 
Autrement dit : Timeless #1 continue année après année à échouer à être plus ce qu'il est dans son concept : une histoire prétexte pour montrer des bribes de futures séries ou d'évènements à venir dans les comics. On peut jouer à deviner de quoi sera fait le futur de Marvel. Mais on peut tout aussi bien se contenter de suivre les sorties au présent et se laisser surprendre (si c'est encore possible) par les histoires et les décisions éditoriales de la Maison des Idées en allant lire les comics qui nous intéressent le plus. Mais si Timeless #1 sort chaque année, c'est bien qu'il y a un lectorat pour adhérer à son principe de fonctionnement, et même en redemander. Alors on adressera cette question à ce lectorat : pourquoi ? Expliquez-nous, au bout de la troisième fois, on ne comprends toujours pas ce qui peut plaire là-dedans.

Arno Kikoo

 

Kneel Before Zod #1 - Joe Casey & Dan McDaid 

Maintenant que l'année du relaunch est passée, DC Comics peut commencer à prendre un rythme de croisière sur la période "Dawn of". Ce qui signifie aussi que certains projets, même très attendus, vont surtout servir de produits de placement aux interstices de la grande saga groupée. Avec cette nouvelle série consacrée au personnage du Général Zod, par exemple, difficile de savoir encore où l'éditeur veut en venir. Contrairement à ce que le public pouvait espérer, il ne s'agit pas cette fois d'un titre en DC Black Label, consacré à un méchant vedette. Ce n'est pas non plus un One Bad Day, ou un projet hors continuité. La série participe au canon général, et sert même de rampe de lancement au "nouveau" Lord-Zod en amont de la future série Sinister Sons de Peter Tomasi et David LaFuente.

Pourtant, le titre ressemble à cette catégorie de productions "d'auteurs". Joe Casey, le scénariste, est considéré comme un grand au sein de l'industrie des comics, particulièrement pour son travail sur le marché des créations originales. Et l'objectif est visiblement d'aller explorer en profondeur la psychologie de Dru-Zod, le célèbre général de Krypton, ennemi de Jor-El et éternel revanchard en croisade contre le fils de son ancien adversaire. Le choix du dessinateur Dan McDaid et de ce format de mini-série indiquerait aussi une certaine ambition... mais pour le moment, le projet a la Zone Negative entre deux chaises.

Oui, on sent l'envie de pousser plus loin la figure de Zod, oui, il paraît assez évident que cette série ira explorer des zones d'inconnues en se recentrant essentiellement sur la figure du vilain (pour le moment, via ses visions du passé, sa relation avec sa femme, son ambition de dictateur à la recherche d'une nouvelle Krypton à refonder), mais dans les thèmes... mettons que le titre doit encore se dépêtrer avec les consignes de DC Comics, et ne parvient pas encore à installer une promesse qui suffirait à faire de Kneel Before Zod un indispensable, ou un titre vraiment différent des autres. Casey écrit avec une certaine élégance un personnage qu'il veut complexe, tourmenté, et McDaid accompagne le mouvement en livrant de belles pages qui jouent sur l'impression d'isolement, de péplum spatial agréable à l'oeil, avec quelques effets (les étoiles dans la cape de Zod, à la Ditko). La relation du père au fils pose aussi un contexte intéressant pour signifier de l'évolution du général, en instillant l'idée d'un homme avec un plan, et plus simplement d'un mégalomane colérique.

Dans le même temps, le plan en question passe tout de même pour quelque chose de simpliste - refonder Krypton avec Kandor, encore une fois, et sans plus d'impact émotionnel ou individuel de la part d'un homme qui a déjà tant échoué à ressusciter sa propre civilisation. En somme, si l'impression général reste celle d'un titre fait avec sérieux et envie, on peine encore à saisir les raisons qui ont fait que DC Comics a validé cette idée de Kneel Before Zod, sous cette forme et avec cette direction. Nul doute que les prochains numéros répondront à cette question, mais pour l'heure, l'enthousiasme qui avait accompagné l'annonce initiale ne se justifie pas totalement.

Notez bien que tout ça est très beau, et qu'on apprécie aussi de revoir Joe Casey travailler en canon, surtout après sa brouille grave avec la Maison des Idées. Ceci étant dit, dans la mesure où le Black Label a déjà accueilli pas mal de titres consacrés à des figures grises, et où DC Comics a eu l'occasion de tester la créativité de ses équipes sur des propositions plus radicales à Gotham City, avec les One Bad Day, le cas Kneel Before Zod nous rappelle surtout que les vilains de Superman n'ont pas droit au même degré d'indépendance. Ou plus maintenant. C'est dommage, dans la mesure où le héros en bleu a lui-aussi une belle galerie d'adversaires, dont certains pourraient prendre, sans se trahir, le rôle de héros dans des projets plus construits et plus atypiques à l'avenir. 

Corentin

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BRZRKR : Fallen Empire #1 - Keanu Reeves, Mattson Tomlin & Rebekah Isaacs

La franchise BRZRKR n'est toujours pas prête d'arriver sur les écrans. Qu'à cela ne tienne : passée la maxi-série initiale (dont le 3e tome arrive en ce début d'année chez Delcourt), l'univers continue de vivre dans des one-shots servis par des équipes artistiques généralement ambitieuses, pour continuer d'explorer la vie de B. Ou plutôt, les multiples vies que le guerrier immortel et sanguinaire a connues au fil des millénaires, en allant s'il le faut dans un délire complètement fantastique, comme le faisait Steve Skroce pour le numéro Poetry of Madness précédemment. Nous voici donc avec un BRZRKR : Fallen Empire #1 qui a lui aussi quelques arguments de vente à son CV, en la personne de Mattson Tomlin (Vicious Circle, Batman : Imposter) au scénario et de la talentueuse Rebekah Isaacs (Money Shot) aux dessins.

Fallen Empire prend par bien des aspects une forme de conte des mille et une nuits, avec son déroulé sur le long terme, ses personnages tirés de folklores orientaux, et sa morale implacable, très bien amenée. Le numéro s'ouvre sur une ancienne servante d'un régime impérial qui retrouve des prêtres et leur demande de coucher par écrit son histoire, afin que perdure dans la mémoire collective ce qui est arrivé à son peuple, qui a eu le malheur de croiser le chemin de notre berserker préféré (qui adopte toujours sur le papier les traits de Keanu Reeves). Le guerrier se montre comme à chaque fois extrêmement violent avec quiconque tente de le soumettre ou de le flouer, et s'il reste en quelque sorte charismatique, on trouve dans ses faits et sa cruauté une certaine distance qui l'empêche d'avoir toute la sympathie du public. Comme écrit il y a quelques lignes, l'histoire de Tomlin a une mécanique de fonctionnement assez bien ciselée, et l'allure un peu noire de sa conclusion donne pleinement satisfaction à cette lecture. Plus encore, dans ce qui est montré du héros, il y aussi des renvois et des développements de ce qui a été fait dans la maxi-série originelle, qui permet à ce numéro d'être plus qu'une simple commande, mais une sorte d'addendum vraiment appréciable.

Par ailleurs, BRZRKR : Fallen Empire #1 jouit de qualités graphiques indéniables, qui se voient dès la couverture. Isaaks a un trait assez précis et son dessin est très facile d'accès, pour les personnes qui veulent des planches "jolies" sans être clivantes pour un sou. L'ambiance orientale se retrouve avec les décors de l'artiste et une allure qui rapprocherait presque ce numéro des aventures d'Alix - avec beaucoup moins de récitatifs, plus de sang, et même un peu de sexe, tiens. Ce qui est assez rare dans les comics, même indé', et toujours appréciable quand c'est bien fait. En somme, le fait que Fallen Empire #1 soit bien illustré permet d'apprécier encore mieux le script - on l'a dit, appréciable, sans être un sommet d'écriture ou quelque chose qui soit renversant.

BRZRKR : Fallen Empire #1 s'adresse plutôt aux fans du titre original, mais ne leur est pas réservé. Du moment qu'on connaît le principe du personnage principal (à savoir : un guerrier immortel), on peut lire le numéro sans même avoir approché la série-mère, et se laisser porter par ce conte (pour adultes) très joliment illustré, et en ressortir avec une impression de satisfaction puisque tout le monde s'est accordé à faire une forme de petite extension de cet univers, avec simplicité et efficacité et sans prétention. Alors, pourquoi se priver ?

Arno

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Fall of the House of X #1 - Gerry Duggan & Lucas Werneck

Et voilà, c'est le début de la fin. En reflet d'une atmosphère crépusculaire depuis le dernier Hellfire Gala, la race mutante (et ses quelques alliés) se prépare à entrer en guerre contre les forces d'Orchis, Nimrod et Omega Sentinel. Paradoxalement, une introduction qui va vite, et ne s'embarrasse pas vraiment à chercher à répliquer la mécanique d'écriture pesante et récapitulative de Jonathan Hickman à l'époque de House of X. L'objectif n'est pas ici de replacer les éléments dans le bon ordre, de faire le bilan de ces quelques dernières années, ni même d'inscrire cette bataille finale dans une fresque chronologique plus vaste. Non. Gerry Duggan va plutôt appréhender les choses comme un prologue au combat, en résumant les forces en présence et les motivations des uns et des autres avant d'entrer sur le ring.

Comme d'habitude, le scénariste manie avec adresse le rythme et la tenue générale du découpage et de l'intrigue. Tout arrive à tenir dans cet espace restreint, et on ressent effectivement cette impression d'une dernière ligne droite, globale, appliquée à l'ensemble du groupe mutant, de la Terre jusqu'à Mars. Le texte est porté par des dialogues efficaces, cinglants, avec un Cyclops qui a suffisamment vécu (ou est suffisamment mort) pour ne plus franchement croire à la menace d'Orchis, à la mort de Jean Grey, ou à l'extinction de son espèce. Les quelques prises de parole du meneur des X-Men passent pour les plus lourdes de sens au sein de ce premier numéro - comme si le personnage était finalement conscient de la défaite annoncée, et aussi conscient du fait que celle-ci ne représenterait qu'une étape de plus dans la lutte pour la survie et contre l'obscurantisme de l'espèce humaine.

Là-encore, et sans surprises, les personnages d'Orchis stigmatisent à la perfection l'évolution de cette parabole sur le racisme associé aux séries X-Men. Des adversaires organisés, manipulateurs, qui avancent quadrillés vers la complétion de leur objectif avec une grande froideur, représentés moins comme des super-méchants que comme une organisation tangible, crédible et structurée. Le sens profond des X-Men en tant que minorité ciblée par les groupes de haine a évolué à l'aune du présent : désormais, le combat se joue aussi sur la prise de parole publique, par des ennemis qui ciblent une nation toute entière et qui imposent l'évacuation ou l'annihilation... En un mot, Fall of the House of X tient ses promesses pour le moment, même si le script doit évidemment aller vite, et embarquer tout un tas de personnages qui n'ont droit qu'à une apparition furtive. Pour les adieux proprement dits, on devra certainement attendre Rise of the Powers of X, qui se concentrera sur la poussière retombée après la bataille, et un dernier adieu au rêve de Charles Xavier avant la nouvelle période des X-Men pour les années à venir.

C'est beau, c'est grand, c'est bien. A l'échelle des comics mainstream, la période Krakoa devrait rester pour longtemps l'un des bons exemples de ce dont l'industrie est capable, lorsque les éditeurs font leur travail correctement. Gerry Duggan suit la feuille de route de Jonathan Hickman, avec une grandeur qui emprunte encore et toujours aux grands cycles de la science-fiction péplum. Mais pas pour les querelles internes d'une civilisation. Cette fois, il s'agit de la guerre. Et le lecteur doit évoluer dans cette bulle ironique de décalage : pour lui, le destin de Krakoa est d'ores et déjà scellé. Alors, pour une dernière bataille tragique, probablement chargée en cadavres de mutants, il va désormais être l'heure de tourner cette belle et grande page. En espérant que la suite sera à la hauteur, et que Cyclops a encore un dernier regard laser à tirer dans la bonne direction.

Corentin


Love Everlasting #11 - Tom King & Elsa Charretier

Mon approche de Love Everlasting se fait désormais en deux temps. Pour celles et ceux qui ne le savent pas, j'ai le plaisir d'être traducteur de cette série pour la VF d'Urban Comics - ce pourquoi Corentin s'occupait de coucher quelques mots sur le 1er tome lors de notre premier Cahier Critique VF, puisqu'on pourrait penser que mon avis serait forcément biaisé. Le premier temps est donc d'aller découvrir la série en VO comme tout le monde - et comme depuis le tout début lorsqu'elle était publiée sur Substack (elle ne l'est plus depuis le #9), afin de pouvoir apprécier l'histoire en tant que tel. Le second temps, c'est lorsqu'il faut que je m'attelle à trouver les bons mots pour traduire le texte de Tom King en français. Bref, ici nous somme donc dans le premier temps, après un second arc narratif qui avait permis d'explorer jusqu'au bout du bout le principe des boucles temporelles dans lesquelles Joan Peterson se retrouve enfermée. Avec la conclusion de Love Everlasting #10, et puisque la formule en question avait été épuisée, on attendait de l'équipe qu'elle se renouvelle pour le démarrage de ce qui sera le dernier arc. Hé bien, le pari est réussi.

On pourrait avoir quelques inquiétudes au départ puisque tout démarre comme un numéro de Love Everlasting des cinq premiers numéros, et l'on se retrouve une nouvelle fois dans un contexte de western. Joan Peterson est bien présente, se fait courtiser, et subit quelques malheurs liés au côté impitoyable de la vie au Far West. Mais assez rapidement, on sent que le cours du récit doit prendre une autre direction, et la façon dont l'ensemble est réalisé (qui n'est absolument pas divulgâchable ici) se montre vraiment très malin. D'une part, parce que King permet au lecteur de renverser la perspective de ces histoires de romance qu'on nous fait lire - et que Joan vit - depuis le début, et que ça commence à donner aussi des explications sur les motivations d'autres protagonistes. Ou du moins, peut-on sentir des bribes de directions futures dans l'histoire. 

C'est peut-être ce qu'il manquait à Love Everlasting depuis le début, d'avoir un peu plus d'indices sur les mécaniques de fonctionnement du monde, ou des éléments de réponses sur les pourquoi ? et comment ? de cet univers. Avec ce 11e numéro, on commence à toucher quelque chose de concret, ce qui est on ne peut plus réjouissant. Quant à Elsa Charretier, qu'écrire qui n'aurait pas déjà été écrit sur son travail actuel ? Si la dessinatrice se montre plus sage que sur d'autres numéros (dont l'exceptionnel #7 en termes de découpage), la lisibilité est toujours exemplaire, l'ambiance western parfaitement retransmise et les personnages demeurent on ne peut plus expressifs. C'est même par le dessin que certains indices du scénario peuvent se laisser deviner, d'ailleurs. Puis comme on le répète souvent : il y a quelque chose d'unique dans ce style, hérité de croisements entre Darwyn Cooke et Bruce Timm mais devenu quelque chose propre à l'artiste, qu'on ne retrouve pas ailleurs et qui continue de faire de Love Everlasting une proposition singulière dans le paysage des comics indépendants.

On le dit depuis le tout premier numéro sur Substack, la première parution en creator-owned de Tom King démontre les qualités évidentes du scénariste, surtout dans un récit qui possède à la fois certaines de ses mécaniques d'écriture, mais qui s'éloigne d'autres poncifs de l'auteur. Il a pour lui une dessinatrice qui continue d'émerveiller numéro après numéro, et en outre, ce 11e numéro commence enfin à donner plusieurs clés de compréhension de l'univers et de nous guider vers la conclusion du récit. On attend de pied ferme la suite, encore une fois.

Arno

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The Ministry of Compliance #2 - John Ridley & Stefano Raffaele

Qu'on se le dise : IDW a peut-être eu de gros soucis dernièrement, le travail éditorial mené par Mark Doyle depuis son arrivée atteste de des qualités qu'il a pu montrer précédemment dans le monde de l'édition US. John Ridley IV est lui aussi un auteur dont il n'y a plus besoin de grand chose pour être tenté (même si à notre sens, il n'y a pas eu assez de bruit fait pour son Other History of the DC Universe) et The Ministry of Compliance est déjà au bout de deux numéros l'un des titres très excitants à suivre en temps réel en VO. 

Voyez plutôt le pitch : on nous explique qu'une espèce extra-terrestre agit dans l'ombre depuis la nuit des temps pour amener des civilisations sur d'autres planètes au bord de l'effondrement, pour mieux s'emparer d'elle et les mettre "au pas", et ainsi asseoir une forme d'ordre dans les galaxies qui leur sied bien. Ces êtres, capables de prendre notre apparence, ont aussi infiltré la Terre et plusieurs de ses représentants occupent des postes de "ministres", qui répondent tous à un "premier ministre" situé sur leur planète natale. Avigail est la ministre de l'obéissance / du conformisme aux ordres de leur organisation (baptisée Devolution) - en somme, elle a la tâche de vérifier que ses collègues agissent bien pour le compte du premier ministre, quitte à éliminer ceux en qui elle estime ne plus pouvoir faire confiance. 

Tout bascule le jour où le fameux premier ministre est destitué - sans qu'il ne soit dit qui le remplace. Les ministres sur Terre craignent pour leurs postes et leur vie, et Avigail a un plan pour récupérer un moyen de quitter la planète si les choses tournaient mal. Problème : les humains ont aussi découvert l'existence des extra-terrestres de Devolution et tentent de les exterminer.

Le principe de départ était superbement exposé dans un premier numéro et avec ce second chapitre, John Ridley peut développer tout le suspense dont il a envie dans ce thriller de science-fiction aux allégories et propos sociétaux assez évidents, mais qui se montre assez malin dans la façon dont les ministres sont représentés. Loin de les placer en de vilains manipulateurs venus d'ailleurs, Ridley montre qu'il y a une certaine logique dans leur fonctionnement et qu'effectivement, les aliens n'ont pas tant besoin que ça d'agir pour que l'espèce humaine aille vers son propre effondrement. Ce n'est pas pour autant qu'on pourrait avoir de la sympathie pour Avigail tant ses méthodes peuvent être brutales et sa façon de parler expéditive. Mais les autres protagonistes partagent ces caractéristiques de franc-parler, dans une tonalité d'ensemble assez dure et une action souvent très brutale, bien aidée par l'approche assez réaliste de Stefano Raffaele. Le dessinateur n'est pas renversant en tant que tel. Son trait se veut relativement simple sans aller à l'économie, l'histoire se passant sur Terre, le côté SF n'a pas encore à être très prononcé, mais le dessin se veut aussi percutant que le script. Il y a des passages assez redoutables au vu de ce qui est montré, et une approche assez cinématographique dans les plans choisis et ces grandes cases horizontales. On ne serait pas surpris que Ridley ait vu ce projet comme la première version d'un film si ça venait à être optionné. 

L'un dans l'autre, The Ministry of Compliance est une bien belle découverte. Le high-concept de base est prenant, l'intrigue haletante, les personnages ont des caractères bien trempés et il y a de quoi faire avec leurs intérêts propres pour être surpris des directions que l'histoire prend à chaque chapitre, avec une partie artistique qui ne démérite pas. Du polar de SF de qualité dont on ne demande qu'à voir la suite.

Arno


Corentin
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