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The Marvels : coquille vide à la recherche d'émotions [Critique]

The Marvels : coquille vide à la recherche d'émotions [Critique]

ReviewCinéma
On a aimé• Au moins les VFX sont travaillés
• Les actrices sont sympathiques...
• Quelques séquences surprenantes...
On a moins aimé• N'implique jamais son spectateur
• ... mais n'ont pas grand chose à faire en tant que personnages
• ... qui ne fonctionnent pas dans un ensemble premier degré
• Une vilaine anecdotique
• Un film vain dans tout ce qu'il entreprend
• Même sur le teasing du futur, on a du mal à y croire ou à être intéressé
Notre note

L'année 2023 s'est montrée quelque peu compliquée pour les films de super-héros, c'est le moins que l'on puisse dire. En dehors de Spider-Man : Across the Spider-verse et Guardians of the Galaxy Vol. 3, les sorties des grands studios se sont toutes ramassées au box-office et ont été accueillies par des retours très froids, tant du côté critique que public. Si les affirmations péremptoires sur la "fatigue des super-héros" ont lieu depuis de nombreuses années - et qu'on pouvait facilement contre-argumenter jusqu'en 2019 sur le fait, chiffres à l'appui, que le public s'intéressait aux personnages de Marvel et DC, le constat quatre ans plus tard est sans appel. Pour Marvel Studios particulièrement, les derniers mois ont soufflé le chaud et le froid : le même studio à l'origine du succès des Guardians a proposé la même année l'infâme Ant-Man & The Wasp : Quantumania ainsi qu'une série Secret Invasion dont a priori tout le monde s'est foutu. Si Loki saison 2 arrive à fédérer une partie du public sans pour autant créer un engouement généralisé, le cas de The Marvels interroge forcément. 

Il ne s'agit en effet pas que d'une simple suite à Captain Marvel premier du nom, sorti dans un entre-deux d'Avengers qui lui avait été profitable, avec la perspective d'avoir le premier film solo de super-héroïne pour le MCU - et plus d'un milliard de dollars au box-office. Le nouvel opus, réalisé par Nia Da Costa, offre donc une suite aux aventures de Carol Danvers (Brie Larson), tout en plaçant sur grand écran deux nouvelles héroïnes : Kamala Khan (Iman Vellani), débarquée de sa série Ms. Marvel, et Monica Rambeau (Teyonah Parris), qui a acquis ses pouvoirs dans WandaVision. Autrement dit, The Marvels est la concrétisation du pari lancé en 2021 par Marvel Studios : celui de pousser son public à suivre le déroulé de son univers sur le petit comme sur le grand écran. Une approche en réalité assez casse-gueule puisqu'elle risque forcément de mettre à l'écart une partie des spectateurs - mais au-delà de ce simple aspect, The Marvels a d'autres problèmes à gérer, le premier étant d'avoir simplement quelque chose à raconter. Ou des émotions à véhiculer. C'est bien simple : si on ne peut pas dire qu'il s'agit d'un "mauvais" film, il n'y a pas à l'inverse beaucoup d'arguments à coucher sur papier pour vous inciter à aller le voir. La faute à un modèle de production essoré, preuve du besoin urgent de Marvel Studios de revoir sa façon de faire, sur tous les plans.

Trois héroïnes sont sur un vaisseau...

Sur une planète désertique et toute grise,  une générale Kree, devenue la nouvelle Supremor après les évènements du premier Captain Marvel, Dar-Benn (Zawe Ashton) récupère un bracelet visiblement à même de lui donner assez de puissance pour mener on ne sait quel sombre dessein. En parallèle, Carol Danvers, qui coule des jours tranquilles dans son vaisseau spatial, est dépêchée par Nick Fury (Samuel L. Jackson) d'inspecter un "jumping point" (un point de passage hexagonal qui permet de passer d'un endroit à l'autre instantanément) qui ne s'est pas correctement fermé. Monica est en train d'opérer une réparation sur la station du S.A.B.E.R. en orbite de la Terre et constate aussi une anomalie sur un jumping point tout proche. Quant à Kamala, elle est occupée à imaginer sa prochaine amitié avec Captain Marvel tout en dessins, au lieu de faire ses devoirs. Puis, d'un coup, tout part en cacahouètes lorsqu'en utilisant leurs pouvoirs, les trois héroïnes se retrouvent à intervertir de place sans comprendre ce qui leur arrive. Des soldats Krees débarquent là où Carol est, et se retrouvent ensuite aussi dans la station S.A.B.E.R et dans la maison des Khan. Baston, baston, baston, avant que l'on comprenne que tout cela est sûrement lié aux actions de Dar-Benn


A partir de là, tout va vite, très vite. Sûrement trop vite. La longueur du film de Nia Da Costa (1h35 max. sans le générique) avait déjà été notée, et les conséquences en termes de narration frappent immédiatement. Les séquences s'enchaînent sans temps mort, et si l'on pourrait apprécier le fait de ne pas avoir trop d'exposition, attendu que les personnages sont connus, le fait est que les personnes qui n'ont pas vu WandaVision et Ms. Marvel ne vont pas avoir le temps de s'attacher aux deux nouvelles héroïnes qu'on leur présente, ni comprendre correctement comment leurs pouvoirs fonctionnent (nous avons eu un retour d'un collègue de Première à la projection presse, qui n'avait pas vu les séries en question : le résultat était sans appel). Dans le déroulé, la structure en trois actes n'est même pas réellement répétée : le film va sur une structure linéaire : Darr-Benn suit un plan en trois étapes pour restaurer l'écosystème de sa planète natale Hala. Trois étapes, trois environnements, trois affrontements enchaînés. Dans tout cela, on a évidemment le fameux bracelet de Kamala Khan, qui forme une paire avec celui de l'antagoniste, qui devient un McGuffin, et on essaie de développer les relations entre les trois héroïnes pour que le terme même de The Marvels soit valide. 

Le principal problème du film, c'est que l'enchaînement de ces séquences se fait de telle façon qu'à aucun moment le spectateur ne se sent impliqué dans ce qu'il se passe. Prises séparément, Brie Larson, Tayonah Parris et Iman Vellani ne sont pas mauvaises, et leurs interactions laissent voir que les actrices s'entendent assez bien pour qu'on retrouve une forme d'alchimie à l'écran. Mais l'écriture est hyper limitée : Kamala est bien sûr la fangirl qui ne voit tout ce qu'il se passe que sous le spectre du fun (et va se lancer dans l'action sans trop réfléchir à ce qu'il se passe), tandis que Carol doit apprendre à ne plus être solitaire, et Monica à pardonner à cette dernière de l'avoir laissée tomber avec sa mère trente ans auparavant. Tout est très vite évoqué, les tentatives d'avoir des échanges émotionnels tombent à plat, et le copinage se fait au final sur un "training montage" qui met en exergue le fait que jamais au cours du film on ne comprendra réellement comment fonctionne la mécanique des changements de place entre les héroïnes : c'est au pif, vous en faites pas, c'est pas super important. En découlent des scènes d'action difficilement lisibles, qui ne sont pas aidées par le montage, et une suspension de crédulité qui est éclatée à partir du moment où une héroïne censée être téléportée de l'autre côté de la galaxie réussit quand même à revenir d'elle même au bon endroit en trente secondes. 


Autre difficulté du film : celle de trouver une tonalité qui lui est propre. Clairement, The Marvels avait l'ambition au début d'être un film réellement léger, comme en témoigne l'ouverture sur Kamala Khan, qui reprend une séquence en dessins crayonnés et animés typiquement dans l'esprit de Ms. Marvel. Certaines idées plus légères - comme une séquence sur planète où tout le monde doit s'exprimer en chantant, comme dans un film Disney, ou un passage clairement pensé pour la team chat - sont mêlée avec une trame d'ensemble autrement plus premier degré. Darr-Ben est une super-vilaine sans nuances (dont le jeu ferait penser à Emilia Clarke dans ses mauvais jours sur Game of Thrones), et pour le dire plus clairement, un personnage-fonction à qui même un semblant de flashback ne permettra pas de se dire qu'on se trouve en face d'une réelle personne. Sur ces renvois passés, d'ailleurs, le film mêlera des images du précédent film mais aussi des séries Disney+ déjà nommées pour tenter de faire le rattrapage, mais ce ne sera pas assez pour les profanes, et cela fera redite pour les habitués. Le décalage entre les moments censés être drôles avec l'intrigue très basique fait que The Marvels ne sait jamais sur quel pied danser, et ne fédère donc pas le public à sa non-proposition. Et puisque tout va sur des rails sans prendre le temps de se poser, on en arrive déjà à la fin du film en se demandant : mais qu'est-ce qui nous a été raconté ? 


C'est le constat le plus triste à la sortie : on ne sait pas ce que The Marvels veut nous dire. Le déroulé strict du scénario est banal et l'antagoniste aurait pu être n'importe qui, il est assez certain que le film n'en serait pas bouleversé. Sur le plan de la réalisation, on sera bien en peine de vous dire ce que Nia Da Costa a pu apporter : tout paraît banal dans ce registre, l'ambiance de la série Ms. Marvel qui se retrouve par moments dénote avec le reste beaucoup plus froid, et il est apparaît assez clair que la réalisatrice n'a pas eu une quelconque liberté pour faire un film "à part". Pour les héroïnes, à part le fait d'être copines à la fin, les Marvels n'ont pas de trajectoire évolutive en tant que personnages et on se retrouve sur un statu quo de fin à peine différent de celui de départ - et surtout, la maigre évolution paraît sans importance puisqu'à aucun moment le film ne donne envie de s'attacher à ses héroïnes, même si on en a l'envie. Le film paraît vain dans son ensemble : vain dans son histoire, vain dans ce qu'il montre de ces personnages, et encore plus vain dans ses tentatives de faire évoluer le MCU. Deux séquences particulières en fin de film devraient faire lever un sourcil interrogateur dans ce qu'elles montrent et ce qu'elles sous-entendent ; autant ces passages il y a encore quelques années auraient sûrement provoqué une forte excitation ; autant aujourd'hui, l'interrogation première qui vient en tête se résume à un "à quoi bon ?". 


Tout n'est pas à jeter dans The Marvels dans l'ensemble. Le film est regardable, et sur le plan des effets spéciaux (la projection presse était en IMAX), on dirait que Marvel Studios a compris les retours faits sur Ant-Man 3 et l'ensemble semble avoir été travaillé au mieux. Les effets de lumière/énergie autour de Captain Marvel quand elle se déplace en volant, notamment, ont été poussés pour que l'incrustation soit la moins visible possible. Les Flerkens et leurs tentacules sont bien réalisés (même si les chats en CGI par moments ont l'air un peu désarticulés), et les décors numériques ne sont pas désagréables à l'oeil. On notera même l'effort qui a été fait sur les costumes, tout à fait appréciable - notamment sur cette fameuse planète musicale où les figurants sont nombreux. Pour nos héroïnes, le côté comics accurate fait plaisir, dans un film qui au moins ne renie pas cet aspect visuel souvent délaissé au profit d'un côté plus tactique/réaliste. Non, là, on est bien en présence de costumes de super-héroïnes qui sont là pour marquer l'identité visuelle. 


Et donc : en ce qui concerne The Marvels, il y a fort à parier que les personnes qui aiment Carol, Kamala et Monica se contentent de les voir réunies à l'écran, réussissent à trouver leur bonheur dans ce qui leur est proposé, que les rares vannes placées ça et là fonctionnent. Mais par ici, cela ne suffit pas. Le côté automatique de l'ensemble est une forme d'aboutissement de l'appareil de production du MCU : qu'importe l'histoire et les personnages, ici le film est purement fonctionnel pour faire avancer 2-3 pions (vers une direction qui ne provoque même pas d'excitation) dans le plan d'ensemble de cet univers. L'une des dernières images du film montre Captain Marvel raviver un soleil éteint, et il est difficile de ne pas y voir une sorte de métaphore de ce que fait Marvel Studios avec ce film : tenter de rallumer la flamme, de faire renaître quelque chose qui est en train de disparaître. Et si le soleil en question est bien ravivé (ce n'est pas un spoiler, hein, vous l'aviez compris), difficile de dire si The Marvels aura le même effet sur le MCU vis-à-vis du public.

The Marvels n'est pas un film désagréable comme ont pu l'être Thor : Love & Thunder ou Ant-Man & The Wasp Quantumania, dans le sens où il ne s'agit pas d'une production bâclée sertie d'effets spéciaux inaboutis, et qui prend son public pour des idiots. On sera néanmoins bien en peine de vous conseiller de vous rendre au cinéma pour aller voir ce qui est une production assez vide de sens, qui n'a pas grand chose à raconter sur ses héroïnes - en partie parce qu'elle n'en a pas le temps - et qui a tout d'un produit/fonction placé là pour faire évoluer le MCU dans une direction qui n'apparaît vraiment plus excitante. Les différentes tonalités ne collent pas ensemble, les personnages et le scénario ont du mal à impliquer le public, et il n'y a pas de plus-value particulière sur le plan visuel. Au final, à moins que vous ne vouliez absolument votre dose de chats extra-terrestres ou que vous soyez fans de ces héroïnes, il y a fort à parier que vous puissiez passer votre chemin et que ça ne change rien à votre compréhension du MCU. Si même la scène post-générique semble vaine, c'est qu'il y a définitivement un grain de sable dans la machinerie autrefois bien huilée de Marvel Studio. Dommage. On aurait bien aimé ici que la flamme soit rallumée.

Arno Kikoo
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