Les éditions Futuropolis poursuivent leur grand chantier de réorganisation de la bibliographie du grand Geof Darrow en France : après le Shaolin Cowboy, après Hard Boiled, place à un autre indispensable, Big Guy & Rusty the Boy Robot. L'enseigne prévoit une nouvelle version de cet étrange objet, basé sur une idée originale de Darrow et développé sur des dialogues de Frank Miller, pour le tout début de l'été. Cette autre pierre angulaire de l'amitié entre les deux hommes aura droit à une nouvelle traduction de Lorraine Darrow, l'épouse de Geof, et reprendra la deuxième mise en couleurs de Dave Stewart, à l'instar de ce qui avait été proposé pour la réédition récente de Hard Boiled.
Godzilla + Astro Boy + Iron Man + Captain America
Né dans les murs des éditions Dark Horse, Big Guy & Rusty the Boy Robot s'apparente à une sorte de caprice de la part du créateur halluciné des aventures du Shaolin Cowboy. Après avoir largement détourné le script de Frank Miller sur Hard Boiled quelques années plus tôt, avec l'approbation amusée du scénariste trop heureux de voir l'histoire lui échapper pour aboutir à cet énorme chaos tonitruant, Geof Darrow assume cette fois de prendre les commandes, au premier plan. Big Guy se construit comme un hommage digéré à la fiction japonaise des années cinquante - aux films de monstres de la Toho, et au héros Astroy Boy d'Osamu Tezuka.
Ce regard vers l'Asie va se coupler à une autre parabole, en direction des comics de l'âge d'argent : dialogues verbeux, surexposition des faits, simplicité des événements, et un super-héros patriote très largement tourné vers l'idéal du drapeau américain. En somme, la rencontre de deux cultures, de deux imaginaires entre lesquels Geof Darrow vient agréablement s'intercaler, en tant que fan revendiqué du cinéma de genre asiatique, des mangas de Tezuka et Otomo, et des justiciers hauts en couleur et particulièrement bavards de Jack Kirby. Une déclaration d'amour transpacifique, pour un artiste incapable de se situer autrement que dans un métissage perpétuel.
Plus concrètement, l'intrigue décrit comment, en tentant de créer une forme de vie artificielle, un groupe de scientifiques japonais va éveiller une sorte de dieu-dinosaure particulièrement vorace, cruel et tout puissant. Alors que celui-ci se met à détruire Tokyo, face à l'impuissance des forces d'auto-défense, les autorités tentent de contenir la menace en envoyant le petit Rusty, un androïde avec l'esprit d'un enfant censé résoudre les problèmes de cette dimension pour le compte du gouvernement. Lorsque Rusty est vaincu, le Japon décide de faire appel aux Etats-Unis. L'armée américaine convoque le Big Guy, un justicier en armure lourdement armé et formé à la doctrine militaire.
Comme pour le reste de la bibliographie de Geof Darrow, le scénario se poursuit comme une longue scène d'action, où l'intrigue ne sert que de motif référentiel ou de cour de récré pour motiver de fabuleuses scènes de destruction. L'artiste, comme à son habitude, se montre généreux sur les effets, les contours, l'usage des armes et la violence graphique - tandis que Frank Miller profite de l'absurdité du script pour disperser son habituel humour à froid, au second ou au troisième degré.
En toute logique, la nouvelle version annoncée chez Futuropolis devrait reprendre la composition de l'album complet édité chez Dark Horse (2015) : la nouvelle mise en couleurs de Dave Stewart, une galerie de fausses couvertures représentant de futures aventures imaginaires entre Big Guy et Rusty (avec différents super-vilains grotesques et parodiques : Mr Satellite, Comrade Croc, Spider-Head, Moon Pig, etc), et également, l'histoire bonus et la série d'illustrations réalisées par Geof Darrow en solitaire pour le premier numéro de la dernière anthologie Dark Horse Presents (2014). L'artiste en avait profité pour mêler l'imaginaire de Big Guy à celui du Shaolin Cowboy, en repartant sur son imaginaire des Etats-Unis en perpétuel état de délabrement, étouffées sous un poids de déchets, de mégots de cigarettes, de cadavres de bières, de corps tatoués, fatigués, vulgaires et apathiques. En résumé : tout Big Guy à un seul endroit, et via une traduction validée par l'auteur original.
Rendez-vous le 21 juin 2023 chez Futuropolis pour les amateurs du colosse. L'album est annoncé en 112 pages grand format pour la somme de 22,90 euros.