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Criminal #1 - Merveilleux retour dans le monde maffieux d'Ed Brubaker

Criminal #1 - Merveilleux retour dans le monde maffieux d'Ed Brubaker

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On a aimé• Ed Brubaker et Sean Phillips retrouvent leurs marques
• Une écriture généreuse et variée
• Jacob Phillips aux couleurs, somptueuses
• Retrouver Criminal après les années Image
• Le nouveau format de narration proposé
On a moins aimé• Vous n'avez qu'à compter les étoiles
Notre note

Longtemps avant de décider de quitter les deux grandes maisons des super-héros, Ed Brubaker proposait déjà quelques oeuvres en indépendant. The Deadenders, Sleeper, ou la mini-série Scene of Crime parue chez Vertigo en 1999 et qui serait peut-être la première pierre sacrée du triumvirat Brubaker, Michael Lark et Sean Phillips - l'un aux dessins et l'autre à l'encrage. Ces trois noms, assortis de celui de Greg Rucka, se seront vite institués dans le paysage de l'art séquentiel américain, comme les référents évidents des fans d'un certain genre de fiction. Le polar. L'espionnage. Les histoires de mafieux et de petits truands des rues, dans une iconographie du passé entre l'élégance du film noir et le sordide du cinéma de gangsters des années 1970 à 1980. 
 
Si le nom de Martin Scorsese ou Francis Ford Coppola revient effectivement dans les conversations cinéphiles dès lors qu'il s'agit de nommer les grands architectes de l'imagerie mafieuse, Ed Brubaker en est indiscutablement l'équivalent du côté des comics. Un auteur talentueux, habitué à des artistes correspondant à son style, dont les créations gravitent généralement autour de ces sempiternels héros en imper', accolés à une ambiance de troquet à la Edward Hopper. Le cinéma a Les Affranchis ou la trilogie du Parrain, la télévision à The Wire et les Sopranos, et les comics ont Criminal, petit univers choral inventé par Brubaker et Sean Phillips il y a plus d'une décennie. La série fait enfin son retour chez Image Comics après des années à se concentrer sur d'autres propositions.

 

Avec My Heroes Have Always Been Junkies, Brubaker et Sean Phillips remettaient un pied timide dans le monde de Criminal. L'auteur développe ce besoin, l'importance toute particulière de cette création dans sa biblio' et un sentiment de manque qui s'était installé au fil d'années passées loin d'elle dans la post-face de ce premier numéro, passionnante. A ceux qui n'auraient que de vagues notions sur le sujet, il vous est conseillé de commencer par ces dernières pages pour mieux appréhender le concept : à la Sin City (en moins bestial), Criminal est l'histoire d'une ville fictive, Center City, et de sa population sous-terraine. Les tueurs, braqueurs, femmes et enfants de mafieux sur plusieurs générations et dans différents registres. Si ce premier numéro est tout à fait perméable, on y retrouve tout de même un visage connu du monde de Criminal, Teeg Lawless, père de Tracy et Ricky

Avec aisance, Ed Brubaker passe d'un point de vue à l'autre, d'un point de focale précis au suivant. S'enchaînent un début d'intrigue meurtrière, un souvenir de vétéran du monde criminel, qui tiendrait à lui seul dans tout un TPB. Une histoire de recouvrement de dettes et de vieux amis disparus, de ruptures difficiles et une prospective sur l'avenir. L'écriture généreuse du scénariste nous appelle à la richesse de ce monde qui semble avoir déjà tellement vécu, dans un souci de connecter ensemble toutes les figures d'anti-héros ici convoquées. Le parallèle avec l'écriture d'un Scorsese n'est d'ailleurs pas anodin - on retrouve cette capacité à installer un univers par un confluent d'anecdotes, de souvenirs commun, pour décrire tout un univers à travers une série de portraits et de souvenirs sur plusieurs époques. 

La variation des styles est impressionnante, immédiatement immersive dans les découpages et l'ambiance colorée des planches. Chaque personnage, chaque scène véhicule une atmosphère différente avec ses propres codes esthétiques et sa manière de freiner ou d'accélérer le récit. Cette façon particulière de raconter les histoires à travers une galerie de rencontres et d'ambiances variées évoque le travail de Brubaker en polar, avec ces touches d'enquête en recomposition par un personnage principal à la Marlowe qui explore les différentes facettes d'une ville d'après ceux qu'il croise sur son chemin.



A ce sujet, le fils de Sean Phillips, Jacob, déjà convoqué sur My Heroes Have Always Been Junkies, quitte ses rendus pastels pour des ambiances plus étouffantes ou suaves par des rendus en nappes de couleurs dans les décors de fond. A l'aise sur les contrastes de clair obscur des premières pages ou l'illumination rosée ou jaunie des années 1970, le fiston de l'artiste réalise un travail magnifique de colorisation qui charge chaque page d'une signature naturelle - parfois plus travaillée que certains des premiers volumes. Sean Phillips semble tout aussi ravi de son côté de retrouver les gueules cassées de Criminal, avec des visages hyper expressifs et un découpage travaillé qui appuie tout le travail de narration du scénariste. Les premières pages, dans la maison du vieux Mack, convoqueraient presque un récit d'horreur dans sa mise en tension et sa capacité à créer un suspens immédiat par de simples moments de silence ou d'hésitation.

Le format de cette nouvelle série Criminal est aussi un élément de nouveauté à ajouter aux couleurs. Après des années à s'épanouir dans un format de parution classique, Brubaker semble avoir évolué dans ses attentes ou ses envies en tant que scénariste. Le roman graphique My Heroes va dans le même ordre d'idées : casser la structure traditionnelle des arcs de six numéros à proposer en relié. Sur Criminal, sa promesse est la suivante : chaque single devrait être lisible en tant que tel, sans que ne se ressente le besoin d'un avant ou d'un après. Il est évidemment trop tôt pour juger de l'efficacité de cette nouvelle méthode narrative, mais l'idée étant que ce petit passage devrait se suffire à lui même - c'est le cas. 

La technique des points de vue multiples, avec un sens du non-événement dans cette vie de truand endetté, fonctionne immédiatement comme une merveilleuse plongée dans l'abyme d'un monde avec ses propres règles. Saisissant de la première à la dernière page, le numéro traduit les intentions de l'auteur et son envie de faire de chaque single un petit événement, une petite brève isolée dans un ensemble plus vaste. La méthode est à saluer, l'exécution parfaite et le résultat alléchant - seule limite contre laquelle se heurte le talent de Brubaker, personne ne se contentera de ce numéro. La suite, vite.


En revenant à Criminal après des années à proposer des oeuvres inédites, sans jamais se reposer sur ses lauriers, le duo Ed Brubaker et Sean Phillips retrouve immédiatement ses marques. Center City est pareille à ses premières apparitions dans la vie de l'auteur - ou même plus intéressante, puisqu'un peu de son vécu se terre désormais à chaque coin de rue. Merveilleusement éclairé et riche de cet esprit que recherchent les adorateurs du scénariste dès l'entrée en matière, la série Criminal vient parachever le parcours sans faute de Brubaker chez Image Comics, comme un cadeau à ceux qui espéraient d'autres récits dans le genre à l'époque de ses années Marvel. Ne reste maintenant qu'à faire de la place dans sa bibliothèque pour les trades à venir - au plus vite, espérons le.

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Corentin
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