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Spoilers : le mal nécessaire des comics ?

Spoilers : le mal nécessaire des comics ?

chronique

Disclaimer : un podcast complémentaire "Le Back-Up" est à retrouver en fin d'article !

Il y a quelques semaines, le monde du comic book subissait une énorme secousse. La cause : un article du New York Times qui révélait, dès son titre, la résolution d'une intrigue de longue haleine entamée du côté de DC Comics, dans les pages du titre Batman de Tom King. Un évènement marketé par l'éditorial également sur de nombreuses semaines, à coups de faux cartons d'invitation, de numéros sortis pour écouler du papier, et de l'annonce d'un véritable évènement.

Vous aurez compris au vu du titre de cet article que les spoilers sur certaines sorties récentes sont présents !

Avec l'arrivée du spoiler dans les pages d'un média grand public, le lectorat régulier comme le profane s'est retrouvé donc dispensé - à priori - d'une lecture importante, et rappelle à quel point la culture du spoil fait partie intégrante du milieu. Au point d'en devenir un ressort inévitable, et malheureusement nécessaire ?

Le spoiler dans l'annonce 

Pour se pencher sur la question, il faudra distinguer différents types de spoil. Parce que l'industrie a ce mode de fonctionnement particulier qui nécessite qu'une partie des intrigues à venir soit connue à l'avance. Chaque mois, les éditeurs envoient leur catalogue de Previews pour les titres qui seront publiés trois mois après - les annonces sont regroupées dans ce qu'on appelle les sollicitations. Le but est forcément de donner envie aux lecteurs de pré-commander leurs single issues, d'annoncer la nouvelle série de tel auteur en vogue, ou le prochain event qui révolutionnera l'univers de l'un ou l'autre Big Two. Mais quand ledit event ou ladite série prend en compte des faits d'intrigues qui ne seront résolues, justement, que dans trois mois, le problème devient difficile à évaluer pour l'éditeur. Comme il est difficile de croire que certains héros d'Infinity War (au cinéma) sont bel et bien morts quand leurs aventures suivantes annoncent leur tournage six mois après. Un même blocage de suivi hors narration.


A deux cas opposés on pourra observer que la démarche n'est pas la même : très récemment, Marvel faisait le choix de garder sous silence le contenu d'un titre X-Men : Classified #1 avant d'en dévoiler la nature lors de la parution de X-Men Gold #30,  puisque l'existence de cette série est liée à ce qui est raconté dans ce numéro. A l'inverse, DC Comics annonçait il y a quelques années la venue de l'event Forever Evil, alors que Trinity War, précédemment vendu comme l'event de l'année, démarrait à peine sa publication (vous pouvez retrouver les réactions à l'époque). Dans le même ordre des choses, l'annonce d'Infinity Wars ce printemps par Marvel met forcément un coup dans l'aile d'un Infinity Countdown, bien qu'ici, le titre laissait clairement présager de cette situation.

Ici, on verra donc le spoil comme un mal nécessaire, puisque inhérent à toute la façon dont le comic book fonctionne de l'autre côté de l'Atlantique. L'intérêt de la démarche, notamment pour les revendeurs, est à mettre en parallèle avec la façon dont le département marketing d'un éditeur peut se débrouiller pour limiter au mieux et autant que possible la révélation.

Spoiler, la meilleure technique de comm' ?

Mais le cas de Batman #50 diffère de ce qu'on a évoqué précédemment, et rentre dans une autre catégorie de spoilers, où l'éditeur commet deux choix, discutables : d'une part, celui de révéler les secrets d'une publication de lui-même, et de l'autre de le faire dans un média grand public. La démarche a ceci de pervers qu'avec internet, la multiplication des sites et blogs consacrés aux comics, et la rapidité de l'information via les réseaux sociaux, les spoilers sont généralement inévitables.


Qu'il s'agisse d'un mot glissé en off et répété par des personnes avides d'attention, d'une information vraiment trop croustillante pour ne pas être répétée, ou de quelqu'un qui aura réussi à se procurer l'un ou l'autre numéro à l'avance, le risque de voir une surprise gâchée est maintenant très important. De fait, l'éditeur préférera désormais, face à la fatalité du spoiler, s'en occuper lui même, pour contrôler (ou se donner l'impression de contrôler) la façon dont il sera révélé, et éviter une fuite "sale" à base de scans mal fichus. Il faut dire qu'un article dédié dans le New York Times, ça a plus de gueule.

Mais la chose pourrait se limiter aux sites spécialisés de comics, habitués à la culture du spoiler, et qui prennent pour la plupart (comme nous le faisons ici) des précautions particulières lorsqu'il s'agit de ce genre d'articles. Avec des images volontairement croppées, des titres qui restent vagues ou indiquent clairement la présence de spoilers. Ce que des sites plus grands publics ne prennent pas forcément le temps de faire. Pourtant, DC ou Marvel a besoin de communiquer par ces médias. De leur propre aveu, ils expliquent que, dans le mélange d'efforts développés pour toucher un lectorat plus large, les médias généralistes sont nécessaires, pour attirer l'attention autour d'un évènement particulier. C'était le cas lorsque Jane Foster a repris le nom de Thor, ou lorsqu'un certain mariage entre Batman et Catwoman devait avoir lieu.

Pour que ledit média généraliste s'intéresse aux comics et qu'il lui accorde de l'attention, il lui faut du coup une histoire, et l'éditeur en profite donc en amont d'une sortie spéciale. Et l'histoire d'être révélée, malheureusement, en amont de la sortie du numéro concerné - parce que même le jour de sortie, les lecteurs pourraient déjà être au courant ailleurs, et le média n'a alors que peu d'intérêt à consacrer à quelque chose de déjà su. On ajoute alors quelques manques de communication entre l'un et l'autre parti, et quelques désastres ont lieu - le lecteur régulier de comics étant touché dans tous les cas. Car si on peut estimer qu'un lecteur de COMICSBLOG ira lire Le Monde au quotidien, l'inverse n'est pas forcément vrai. Et une personne qui ne lit pas de comics n'ira pas forcément s'intéresser aux conséquences et révélations d'une histoire qu'il n'a de toutes façons pas suivie.


L'ensemble démontre d'un véritable problème pour les éditeurs dans leur envie de ramener des lecteurs nouveaux, alors qu'ils doivent également considérer ceux qui sont fidèles, parce que le lectorat de comics a ceci de fragile que la moindre contrariété peut déraper - et d'autant plus avec nos réseaux sociaux. Mais certaines réactions sont largement compréhensible, et d'autant plus dans un troisième cas de spoiler, où certains auteurs ou artistes décident, pour faire parler de leur bouquin, de révéler eux-même ce qu'il se cache dans la suite. Et on ne parle pas de teasing, non, mais de véritablement dévoiler les planches importantes d'un numéro à venir (et tout le monde aura en souvenir le comportement de Sean Murphy vis à vis de Batman : White Knight). Là aussi, l'effet pervers est qu'à cause du spoiler, tout le monde parlera effectivement du titre concerné - même si c'est pour dénoncer la démarche -, ce qui n'amènera pas le coupable à réfléchir à ce qu'il a fait.

En définitive, le spoiler dans l'industrie du comic book est présent partout, à la fois parce qu'il est quasi natif à sa méthode de production, qu'il est tour à tour utilisé comme argument marketing ou publicitaire à destination d'un plus large lectorat. Un mal nécessaire pour faire vivre l'industrie ? On reste persuadé du contraire, puisque les vraies surprises, laissées au plaisir de la découverte du lecteur, suffisent normalement à générer un regain d'attention, et qu'on peut encore compter sur la force du bouche à oreille pour faire un buzz positif, la démarche de spoiler n'étant généralement pas bien accueillie. 

A côté, il existe de multitudes de techniques de communication et d'approches pour que les secrets ne soient accessibles qu'aux plus curieux, tout comme la responsabilisation des usagers sur les internets devrait permettre à ce que chacun laisse le plaisir de la découverte à l'autre. Mais la recherche du buzz le plus facile pour les individus, et de l'attention pour les éditeurs sont des facteurs hélas plus importants dans cette industrie. Aussi on vous conseillera, si vous êtes lecteur régulier de comics, à rester vigilants !

Pour aller plus loin...

Arno Kikoo
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