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Avengers - Age of Ultron : le film qui nous manquait

Avengers - Age of Ultron : le film qui nous manquait

chronique

 
"Le premier Avengers, c'était une fête. Une vraie célébration. Ça, c'est juste un film."
 
Voici le genre de déclarations que je récoltais aux côtés de mon cher JiBé au sortir de la projection presse d'Avengers : Age of Ultron en 2015. Tous les deux déçus par le premier opus vengeur, nous étions surpris de ne pas retrouver chez nos interlocuteurs l'enthousiasme débordant qui avait propulsé Marvel Studios au sommet trois ans plus tôt. D'une personne à l'autre, notre solitude partagée s'agrandissait, allant jusqu'à occuper une bonne partie des Champs-Élysées.
 
A l'approche d'un troisième film Avengers, la question reste entière : Age of Ultron a-t-il souffert du caractère historique de son aîné ? Trônant de nos jours à la septième place des plus gros succès du box-office, le film est pourtant écrit et réalisé par l'un des architectes les plus influents du Marvel Cinematic Universe, Joss Whedon. Ce qui ne l'empêche pas d'être souvent absent des tops de l'écurie de Marvel Studios dans la presse ou chez les spectateurs, ou encore, du côté des fans du bon Joss

N'est-il pas temps de revoir Age of Ultron à la hausse ?

Un film pétri de défauts

Avant tout de chose, je ressens l'irrépressible besoin de me justifier sur ma critique de l'époque. Un papier devenu culte, et qui m'amuse autant que vous - après tout, je porte moi aussi mon petit badge. Mais trois ans plus tard, c'est sûr et certain : Age of Ultron ne vaut pas un 4.5 sur 5. Les arguments de l'article semblent d'ailleurs pointer vers une toute autre note. Mais laissons un peu de côté les chiffres pour nous pencher sur l'analyse.
 

 
Age of Ultron est assurément criblé de défauts. Mais chacun d'entre-eux a le mérite de cacher une petite qualité. En revoyant le film, j'ai par exemple halluciné devant le nombre de décors que nous traversions dans cet Avengers, qui tient plus du James Bond que du film de super-héros en termes de lieux visités. Mais plus on bouge, plus on a de chance de perdre le spectateur avec une temporalité ou un rythme hasardeux. Malgré tout, la diversité des environnements présentés permet à Age of Ultron de se poser en véritable spectacle, là où Avengers premiers du nom avait à mon sens beaucoup de mal à placer nos héros dans des décors dignes de leur grandeur.
 
Dans le même ordre d'idée, c'est le nombre d'éléments introduits dans ce second Avengers qui déroute : pas moins de trois nouveaux personnages majeurs (Scarlet Witch, Quicksilver et Vision) et un vilain (Ultron), sans même parler du casting secondaire et tous les concepts qu'il amène, comme les soins en impression 3D du docteur Cho ou encore le trafic du Vibranium par  Ulysses Klaue. Age of Ultron part dans tous les sens, sans vraiment réussir à imposer qui ou quoi que ce soit face aux mythes vivants que sont déjà devenus Iron Man, Thor et Captain America à l'époque. Mais encore encore une fois, on peut choisir de voir les ajouts d'Age of Ultron comme de simple arguments de vente ou comme la première pièce d'un world building savant qui sera poursuivi par les frères Russo, dans Captain America : Civil War puis dans leur propre essai sur les Avengers, Infinity War.
 
A mon sens, les vrais défauts d'Age of Ultron se situent donc du côté de la réalisation. A l'exception de la séquence du Hulkbuster, que je trouve toujours aussi impressionnante, trois ans plus tard, le film a beaucoup de mal à nous faire oublier que Joss Whedon est derrière la caméra. Un an après l'entrée des Russo, dopée par l'influence non-dissimulées de vétérans comme Michael Mann ou de petits prodiges comme Gareth Evans, l'action d'Avengers paraît déjà datée, foutoir, voire totalement what the fuck - je vous renvoie à une scène d'une dizaine de minutes où les Avengers poursuivent une remorque volante. Et pourtant, les moyens sont là : on évite l'action hors-champ du premier film ou les cadrages très marqué télé. Mais ça ne suffit pas. Quoi qu'on en dise, Marvel Studios a fait monter la barre, et ces derniers temps, des films comme Doctor Strange ou même Black Panther nous prouvent que le studio est capable de nous proposer autre chose qu'une photo toute grisâtre et des cadres un peu douteux, justifiés par le sacro-saint : "cé kom dan le comik".
 

 
Votre serviteur serait-il en train de faire machine arrière ? Malgré les arguments listés ci-dessus, pas le moins du monde. Déjà parce qu'il y a quelques qualités cachées dans les défauts d'Age of Ultron, mais surtout parce que le deuxième Avengers a réussi là où tant d'autres ont échoué : il nous fait vivre une aventure de nos héros favoris, mais nous invite aussi à partager leur quotidien.

Héros du quotidien 

Tout le monde s'accorde à le dire : Whedon est un surdoué du dialogue et un petit génie quand il s'agit d'articuler les relations entre de nombreux personnages. Très nombreux, même, dans le cas d'Avengers : Age of Ultron, qui réussit à nous offrir de vrais moments forts sans passer par les effets spéciaux ou la pyrotechnie. Loin de l'école instaurée par James Cameron, Whedon sépare ainsi son climax émotionnel de son climax "physique". Est c'est sans doute pourquoi le troisième acte n'est qu'une bataille contre une faceless army de plus. Mais j'imagine que le réalisateur n'a jamais envisagé le combat final entre les Avengers et Ultron comme le point d'orgue de son film. 
 
Vous le voyez venir : ce point d'orgue, c'est en fait la scène de la ferme. Une pause d'un petit quart d'heure qui ralentit complètement le rythme et les enjeux du film, pour que celui-ci puisse se recentrer sur les personnages. Pas étonnant, quelque part, que la séquence fasse encore débat. Et pourtant, l'idée derrière ce voyage à la campagne est présente dès le début du film, qui épouse le point de vue de trois personnages bien précis : Black Widow, Hawkeye, et dans une moindre mesure peut-être, Bruce Banner. Deux de ces personnages n'ont pas de pouvoirs ni de film solo, et vous vous en doutez : ce n'est pas un hasard. Whedon, d'emblée, décide de conserver un œil humain sur ses personnages, là où un Zack Snyder, au hasard, choisirait un point de vue omniscient, digne d'un dieu, pour filmer ses héros. Mais à la rigueur, cette approche correspond tout à fait à l'essence de DC, comme celle de Whedon fait écho aux tranches de vie typiques de Marvel - c'est d'ailleurs pour ça que le mélange des deux techniques a flingué Justice League.
 

 
Mais revenons à nos moutons. Quoi qu'on puisse penser de son exécution à l'écran, l'écriture de Whedon fonctionne. Dès les premières minutes, on se soucie de la relation unissant Natasha à Bruce, même si nous ne l'avions pas encore vue à l'écran. On se demande aussi comment Hawkeye peut tenir, tout ecartelé qu'il est entre les pouvoirs de Thor, l'égo d'Iron Man et les principes de Captain America. Et même avant la fameuse scène de la ferme, celle de la soirée nous permet de comprendre comment cette famille composée d'individus très différents fonctionne, ou en l'occurence, disfonctionne.

Ferme-la

Pour en arriver à la maison secrète d'Hawkeye, je suis encore fasciné par la simplicité déconcertante de cette scène. Une douche, un repas, du bois pour la cheminée... On a connu plus stimulant, mais ses activités sont indéniablement le ciment qui fera tenir les arcs narratifs d'Age of Ultron entre-eux. Plus fort encore, c'est ce même matériau de construction qui servira au futur du Marvel Cinematic Universe, ce qui en dit long sur le talent de Joss Whedon. A titre d'exemples, prenons l'échange entre Hawkeye et Scarlet Witch entre deux affrontements, qui n'aurait pas de sens sans l'escapade campagnarde de nos héros, ou les (nombreux) dialogues houleux entre Steve et Tony, qui préparent à merveille Civil War. Bref, ce ciment est solide.
 
Il n'est donc pas étonnant d'apprendre que Joss Whedon ait lutté pour conserver la fameuse séquence de la ferme, quitte à sacrifier d'autres sous-intrigues, comme l'enquête de Thor sur les gemmes de l'infini, qui, il faut bien le dire, ne s'intègre pas du tout avec le reste du film. Mais si le réalisateur est capable de nous captiver avec un tracteur réparé par Tony Stark, on peut imaginer qu'avec plus de libertés ou de pellicule, tous ces personnages auraient eu leur quart d'heure de gloire.
 

 
Il est d'ailleurs assez révélateur de voir Whedon échouer sur l'épique, le cosmique et la grandeur là où il réussit avec une aisance déconcertante des scènes certes beaucoup plus simples en apparence, mais étonnament complexes, à bien y regarder. Comme la ferme et la soirée donc, mais aussi la naissance d'Ultron. Formidablement incarné par un James Spader et sa voix non-trafiquée (ça mérite d'être souligné), le robot détracté donne au film une saveur étrangement romantique.

Now I'm free

Le vilain de l'histoire est ainsi la création de son héros le plus connu, Iron Man. Mieux, c'est un superbe reflet de son "père" : un esprit d'enfant dans un corps de métal indestructible. Limité par des interventions parfois cartoony (le voir s'enfuir dans un Quinjet est toujours aussi risible), Ultron n'en reste pas moins fascinant dans son rôle de personnage maudit, en témoigne son ultime dialogue avec Vision. En plus de se payer le luxe de nous donner un sens à l'alter-ego de Paul Bettany, cette scène est d'une beauté déroutante, théâtrale, mais dans le bon sens du terme. 
 
Sans être "le grand vilain qui nous manquait" Ultron remplit donc parfaitement son contrat. Du point de vue du simple spectacle, tout d'abord, avec de nombreuses incarnations, une performance capture léchée (pour l'anedote, Andy Serkis a participé à la création du logiciel utilisé sur Age of Ultron) et l'incomparable timbre de voix de James Spader. Mais aussi du point de vue de l'écriture : Thanos aurait un temps été envisagé pour le film, mais on doit à Whedon son obsession pour le robot, qu'il jugeait idéal pour une approche plus terre-à-terre des Avengers. Un postulat hélas mis à mal par le final apocalyptique - voire complètement con - de son film, mais Ultron parvient néanmoins à créer la dissension chez nos héros favoris, et donc, à les faire évoluer.
 

 
Mais le décalage qu'on aperçoit ici entre les idées de Whedon et leur exécution est peut-être le meilleur moyen d'expliquer la réputation d'Age of Ultron. Ses seuls défauts ne sauraient suffire, car ils sont communs à la grande majorités des films du Marvel Cinematic Universe. Là où le bât blesse, réellement, c'est dans l'écart entre ce qui intéresse Whedon, à savoir ses personnages et leurs relations, et les impératifs d'un blockbuster à la sauce MCU. Une rencontre manquée qui accouche d'un film forcément imparfait, mais bourré de moments forts et de jolies trouvailles. Dans une réalité alternative, le métrage se termine sur une scène à la campagne. Dans une autre, son troisième acte est un combat interrompant une jolie soirée. Mais dans celle-ci, Age of Ultron n'est finalement qu'un blockbuster Marvel comme les autres : un film boursouflé de défauts mais riche d'une écriture et de personnages savoureux. A vous de voir si c'est insuffisant, si ça mérite un bon petit 4.5/5 des familles ou si vous préférez être dans le vrai avec un avis plus mesuré.
 
A la semaine prochaine.
Republ33k
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