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Édito #69 : La Justice est-elle le meilleur personnage de Daredevil ?

Édito #69 : La Justice est-elle le meilleur personnage de Daredevil ?

chronique
Sortie en marge du piètre Avengers - Age Of Ultron en 2015, Daredevil saison 1 posait plutôt très bien les bases de ce qui fait le personnage de Matt Murdock. Plus sombre et tourmenté que la plupart de ses collègues en collants, l'Homme sans Peur embarque avec lui sa conception de la justice, paradoxale dès le départ puisque ce dernier se place à la fois comme avocat, juge et bourreau. Persuadé de ne pas aller trop loin tant qu'il n'ôte pas la vie de ses adversaires (même lorsqu'il lance un extincteur du dernier étage, confiant de la boîte crânienne des mafieux New-Yorkais), le personnage flirte constamment avec la ligne rouge, jusqu'à la dépasser dans plusieurs scènes absolument cultes des comics publiés depuis 1964. 
 
“Justice isn't a sin, Father.”
 
Comme on a pu le voir dans les sept premiers épisodes d'une Saison 2 qui trotte dans nos têtes au quotidien depuis une grosse dizaine de jours, et comme nous l'a confié Charlie Cox lors de notre rencontre la semaine passée, l'ambition de cette seconde saison de Daredevil est avant-tout celle de soulever une grande question. Celle-ci, qui intègre de nombreuses données telles que le parcours individuel et la conception profonde de la société, nous questionne notamment lorsqu'il s'agit de savoir qui mérite la rédemption plutôt que la mort donnée par ses pairs, qui peut endosser le rôle de bourreau au nom du bien commun et j'en passe. Cette question, c'est tout simplement celle qui va de pair avec la notion de Justice, bien plus profonde qu'une bande-dessinée certes, mais magnifiée au travers de personnages qui portent en eux et appliquent une conception bien distincte de celle-ci, allant jusqu'à nous interroger sur le bien-fondé et l'exactitude d'une justice auto-proclamée universelle. 
 
 
Ainsi, à l'heure où Batman s'arme jusqu'aux dents pour faire régner un semblant de paix dans les rues de Gotham, Matt Murdock ne se résout toujours pas à en finir avec la mafia qui ronge New-York, bien décidé à laisser une seconde chance à des criminels qui prendront le temps de réfléchir à leurs actes en prison. Jusqu'à quand ? C'est la question que posera sûrement le retour d'un Wilson Fisk bien décidé à se venger dans le futur. Pour l'heure, le Diable de Hell's Kitchen doit faire face à un alter-ego qui se voile moins la face quant à la question du mérite des multi-récidivistes en la personne de Frank Castle. Radical dans ses méthodes et ses choix, le Punisher est, avant d'être l'incarnation réussie du terrorisme urbain, la projection empirique d'un Matt Murdock qui profite d'avoir un pied dans chaque rouage de sa justice pour s'empêcher de commettre l'irréparable. 

“Because that "profound sense of justice"of mine is even more important to me. There is no place for anything which compromises it. No room for any doubt.”
 
Froide, implacable et débarrassée des errements de la nature humaine, la Justice peine à se confronter à deux incarnations têtues, arrogantes et égoïstes, quand bien même celles-ci s'appliqueraient pour le bien supposé de la société. C'est d'ailleurs grâce à ce cadre où le concept même de Justice est vu et interprété comme absolu que l'écriture de cette saison 2 brille. Et si la sortie simultanée des treize épisodes empêchera beaucoup de spectateurs de prendre le temps de se questionner comme ils le pourraient en espaçant le visionnage d'une série qui le mérite, il est évident que la relation qu'entretiennent le Punisher et Daredevil posera les bonnes questions à des spectateurs qui pourraient trouver plus de transparence au modus operandi de Frank Castle qu'à l'éternel espoir "purement catholique" de Matt Murdock. 
 
Mieux, et à l'instar des meilleurs Comics consacrés au héros de Hell's Kitchen, c'est la vie civile des différents protagonistes qui donne plus de poids encore à ce questionnement pesant, alors que la justice apparaît de plus en plus floue et complexe à aborder pour un Daredevil en proie à un doute fondateur, tissé avec une finesse sans commune mesure de la part de scénaristes qui voient (beaucoup) plus loin que le simple quota d'entertainment proposé par un show qui adapte plusieurs super-héros. Tout aussi concernés que peuvent l'être leurs personnages, les acteurs semblent tous au service de cette idée majeure inhérente à l'existence même de vigilantes, eux dont les personnages sont chacun la projection d'une conception plus ou moins humaniste de la justice, toujours développée en écho au passé, preuve que l'immense complexité de l'empirisme s'oppose difficilement au cadre forcément stricte de la justice.  
 

 
Alors qu'Iron Man, Batman, Captain America et Superman s'apprêtent à se mettre sur la couenne pour des idées sensiblement proches de celle-ci mais abordées à une échelle bien plus large, Daredevil pourrait tirer son épingle du jeu grâce à son format de "film de 12 heures", parfait cocon d'une réflexion plus fine, plus intense et plus proche du quotidien de ses spectateurs. Ressentir ce questionnement loin d'être simpliste est en tout cas tout le mal qu'on vous souhaite, tant la rédac' est habitée par de profonds débats sur le sujet depuis quelques jours, nous renvoyant par ailleurs aux raisons mêmes pour lesquelles nous en sommes venus à lire des comics. Bref, Daredevil ne sera jamais un héros comme les autres. 
Sullivan
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